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Repos et réflexion [11/06/42]

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Jana Taylor
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MessageSujet: Repos et réflexion [11/06/42] Repos et réflexion [11/06/42] Icon_minitimeSam 31 Oct - 3:30

Repos et réflexion

Repos et réflexion [11/06/42] Lkjhgf11

[HRP : Suite de Le chat perdu ]

C’était une matinée de juin comme les autres, semblables aux précédentes et probablement identiques à celles qui suivraient. Enfin, le printemps tout de même se faisait désirer. Depuis plusieurs jours, la pluie et les nuages étaient de mises sur la grande ville. A toute heure du jour ou de la nuit, l’eau battait les carreaux et le pavé londonien ; d’aucuns avaient eu à souffrir d’inondations mineures, c’était à se demander dans quel état les quartiers les plus défavorisés se trouvaient face à la recrudescence inopinée de ces averses malvenues, qui contribuaient à charrier la saleté des égouts et les déchets. De même, l’humidité avec laquelle on était forcé de composer depuis bientôt dix jours augmentait le risque d’épidémie et favorisait la prolifération de rats et d’insectes répugnants en tous genres. Ce dont les hauts quartiers n’avaient bien entendu pas à se soucier de prime abord, et il y avait peu de risques que la situation empire. On était optimiste : le soleil n’allait pas faire son timide encore longtemps, je vous assure, bientôt la chaleur reviendra et croyez-moi, nous pourrons enfin nous croire au printemps, et la floraison trop retardée commencera alors. On pourra enfin profiter des beaux jours dans toute leur splendeur.

Aux aurores de ce jour pareil aux quelques précédents, la lumière naturelle extérieure avait percé la fine protection des rideaux pour se déverser dans la pièce grande, agréable et coquette ; comme si la ville n’avait attendu que ce signal pour se mettre à vivre, telles les danseuses qui ne s’agitent que lorsqu’on ouvre leur boîte à musique, il n’avait fallu attendre qu’une poignée de minutes avant d’entendre les bruits habituels retentir au-dehors comme au-dedans. A l’extérieur résonnaient les claquements des sabots des chevaux contre le sol, beaucoup plus régulièrement que pendant les heures sombres de la nuit ; les pas pressés des bonnes gens de la société, d’abord timides, s’épaississaient à mesure que la cohue grandissait. Qui allait travailler, qui se rendait au marché, qui hélait un fiacre à son passage, qui laissait éclater un grand éclat de rire cristallin, qui s’énervait contre le travail mal fait d’un domestique, portant de sa voix grasse et grave matière à commérage chez le voisinage. Allons bon, c’est chose commune, n’est-il pas ?

A l’intérieur, le club lui aussi se mettait lentement en branle. Malgré la discrétion du personnel, qui mettait tout en œuvre pour ne pas troubler le précieux sommeil des quelques invités résidant temporairement en ces lieux, les murs étaient bien trop fins pour permettre un effet optimal. Aussi, quelque vaisselle cassée ou entrechoquée trop bruyamment suffisait à trouer la chape de silence, de même que certaines directives prononcées d’une voix trop haute, ou bien le bruit des chaises remuées trop hâtivement. A la tâche minutieuse des domestiques s’ajoutait une injonction de rapidité. En effet, même si le club puisait principalement sa réputation dans les soirées prolongées et animées qu’il abritait, il vivait aussi en journée. Certes moins, mais, le matin comme l’après-midi, les diverses pièces du rez-de-chaussée n’était jamais vides ou presque. A toute heure, exceptée au plus fort de la nuit, on pouvait entendre les dés rouler, les demoiselles s’esclaffer avec un peu moins de retenue que ce que toute autre réception mondaine leur aurait imposée, les verres de cristal tinter sur les plateaux d’argent, le son mélodieux du piano ou du violon, quelque débat passionné attisant les intérêts de plusieurs partis, des lectures publiques et habitées,…

Assise sur la banquette, accoudée à la fenêtre, Jana observait la ville. Depuis l’étage où elle se situait, elle avait une vue imprenable sur les maisons impeccables des alentours, sur les quartiers propres aux pavés égaux comme on ne pouvait s’en targuer à Whitechapel ou Bloomsbury. A travers le fin mais persistant rideau de pluie qui ne cessait de se déverser depuis les épais nuages noirs qui recouvraient le ciel, elle scrutait attentivement les allées et venue des fiacres et des nuées de parapluie qui se déplaçaient rapidement. D’ici, cela rendait un curieux effet quand ils passaient juste en-dessous : on aurait dit que les morceaux d’étoles noires avançaient seuls, mus par quelque volonté ou force supérieure, sans main pour les retenir de s’envoler et de se soumettre aux rafales de vent qui ne laissaient pas depuis l’aube d’agiter les branches des arbres et de faire s’envoler les chapeaux des grandes dames. A bien y réfléchir, cette brise infernale durait au moins depuis une bonne partie de la nuit. Dans son sommeil troublé,  Jana se souvenait s’être éveillée à une ou deux reprises, et à chacun de ces moments, le sifflement inquiétant du vent et son claquement contre les volets ouverts n’avait pas été des plus rassurants, il faut bien l’avouer. Correctement calée au bord du lit en chien de fusil, les yeux écarquillés et braqués sur les rideaux faiblement éclairés par la lueur de la lune diaphane, la jeune femme avait fugitivement pensé à ce que cela aurait été si elle avait dû dormir dans la rue, ou bien à l’église St Georges. Rien que d’y songer, les grincements sinistres du bâtiment lui étaient revenus en mémoire, et sa main s’était crispée instinctivement sur le drap. Certes, elle avait eu des nuit bien pires, mais elle était rassurée de ne pas avoir eu à passer celle-ci dehors.

La rouquine émit un profond soupir et repoussa une mèche de cheveux rebelle derrière son oreille. Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis qu’elle avait volé le carnet de mademoiselle Spencer. Quand elle réfléchissait à l’enchaînement curieux des évènements qui l’avaient conduite dans cette chambre, elle avait du mal à réaliser que c’était vraiment arrivé. Et plus elle y pensait, plus c’était absurde. Elle avait l’impression d’être dans un rêve, ou un cauchemar, elle n’avait pas encore décidé ; quelque chose n’allait pas, bientôt elle se réveillerait et reviendrait à la réalité qu’elle connaissait. Sauf que le temps se déroulait lentement depuis son éternelle bobine de fil, et rien ne changeait. Elle n’émergeait d’aucun sommeil étrange ou délire fiévreux, et cette réalité ne disparaissait pas.

Jana se redressa légèrement en ramenant ses genoux contre sa poitrine dans un geste familier et rassurant. Enfin, elle essaya, mais une douleur auparavant apaisée et ténue se déversa dans sa cuisse au mouvement qu’elle tentait d’effectuer. La jeune femme étouffa un cri et n’insista pas, reposant son membre dans sa position initiale, essayant de se détendre. Elle se mordit la lèvre et adressa un regard mauvais au bandage qui ceignait la moitié de sa cuisse. En son for intérieur, elle eut une pensée agacée pour Eiwya. C’était bien à cause d’elle qu’elle s’était infligée cette cuisante blessure ! Elle frémit en repensant au coup de couteau, à sa prise moite mais assurée sur l’arme, au son de la lame qu’elle avait plongée sans hésitation dans sa chair jusqu’à la garde, à l’odeur métallique du sang jaillissant en flots discontinus de la large plaie… Pensive, elle effleura d’un doigt la trace rouge qui avait peu à peu transpercé l’épais bandage, et inspira profondément. Presque malgré elle, le contact et la douleur pas tout à fait estompée la ramenèrent quelques jours plus tôt, à son arrivée en ces lieux.

***

Après s’être sauvagement mutilée, dernier recours face à la rage de la louve, Jana avait cédé le contrôle total à Karvaan, et s’était retirée, tout comme Eiwya, dans le Monde des Esprits, s’évanouissant presque aussitôt à cause du choc physique et mental. Des quelques heures qui avaient suivi son acte, elle ne conservait aucun souvenir, il s’agissait de ceux de la petite chatte noire. Elle avait repris pied à la réalité uniquement quand cette dernière était venue la chercher, elle et leur sœur, pour les forcer à fusionner et à prendre le contrôle de leur corps. Durant leur communion, Eiwya, peut-être par honte ou faiblesse, n’avait pas prononcé un seul mot dans la tête de Jana, n’émettant par instants que des sifflements et grognements de douleurs.

La première sensation qui était parvenue à la rousse lorsqu’elle était revenue dans le monde réel avait été la douleur. Une douleur profonde, insoutenable, cuisante, qui partait de sa cuisse et voyageait dans son corps au rythme des salves du poison qui envahissait ses nerfs et ses muscles. Elle avait crié, mais seul un son étouffé était sorti de sa bouche crispée et pâteuse. La brûlure était telle que son corps s’était soulevé à plusieurs reprises, agité faiblement dans tous les sens, alors même que ses mains étreignaient d’une prise désespérée les draps fins déjà trempés par la sueur abondante qui dégoulinait de son front, son dos, ses jambes et ses bras ; ses vêtements étaient collés à elle à cause de la transpiration et du sang en pleine coagulation, de même que ses longs cheveux roux sur son front. Le reste de sa tignasse, lui, se répandait en flammes éparses sur l’oreiller. En y repensant, elle songea qu’elle avait dû représenter un bien malheureux tableau pour les personnes présentes à ce moment-là.

Puis elle avait senti des mains parcourir son corps. Des mains froides d’une précision chirurgicale, dont la température avait violemment contrasté avec la sienne. Elle s’était immobilisée tant bien que mal, tremblante, la respiration difficile et sifflante, ce à quoi l’épais bandage enroulé autour de sa poitrine compressée n’arrangeait rien. Elle avait tendu l’oreille, aux aguets, mais n’avait entendu que le battement sourd et rapide de son cœur et du sang pulsant à ses oreilles. Elle avait essayé d’ouvrir les yeux, sans succès de prime abord tant la faiblesse avait envahi jusqu’à la moindre parcelle de ses tissus. Malgré la souffrance et la difficulté à conserver un ancrage à la situation, elle avait réessayé. Entretemps, on avait découpé son pantalon tout autour de la blessure pour pouvoir y avoir accès. Le rempart ôté, l’air frais s’était rué sur sa jambe, dans une morsure inattendue. La jeune fille avait poussé un cri sourd et s’était redressée brusquement, le corps secoué de soubresauts. Une main impérieuse s’était plaquée sur son épaule pour la repousser avec douceur mais fermeté contre le matelas dans son dos. Jana avait alors entrouvert les paupières. Le noir insondable avait laissé place à des contours flous. Elle avait distingué une forme penchée sur elle, puis, en bougeant la tête, avait réussi à saisir deux autres profils plus loin, concentrés sur sa jambe, qu’une main gardait en place malgré ses mouvements erratiques. Elle avait par la suite enregistré qu’elle se trouvait dans un espace clos. Elle avait fermé puis rouvert les yeux à plusieurs reprises, son souffle s’était accéléré dans sa poitrine et ses mains resserrées sur leur prise. Incapable de se concentrer, elle était toutefois parvenue à se focaliser un instant sur son odorant, assez pour remarquer que toutes les odeurs qu’il lui ramenait lui étaient inconnues.

La panique avait envahi ce qu’il restait de son corps déjà dévoré par le poison douloureux. Elle s’était débattue, l’adrénaline se déversant dans ses veines, lui conférant un semblant de puissance qu’elle ne possédait pourtant pas. Elle avait rué, tentant de soustraire sa jambe aux mains étrangères qui la manipulaient, se cambrant violemment, secouant son maigre corps avec l’énergie du désespoir. D’autres mains étaient venues l’immobiliser. Ses hurlements avaient redoublé d’ardeur, elle avait lâché les draps pour frapper, griffer et repousser ces bras qui la maintenaient en place. Son acharnement infructueux n’avait pas duré, drainant toutes les bribes de force qui lui restaient. Exténuée, en proie à la souffrance et l’épuisement, elle était retombée alanguie sur le lit, comme une poupée désarticulée, et l’inconscience était venue la cueillir.


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Jana Taylor
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MessageSujet: Re: Repos et réflexion [11/06/42] Repos et réflexion [11/06/42] Icon_minitimeLun 9 Nov - 0:51

La première nuit avait passé. Lentement. Douloureusement. Sous l’emprise du poison que les inconnus s’acharnaient à combattre pour elle qui n’en avait pas les moyens, Jana avait oscillé entre phases de semi-réveils et hallucinations et cauchemars effrayants, dont elle ne gardait aucun souvenir, si ce n’était quelques bribes tenaces qu’elle essayait tant bien que mal d’occulter tant elle craignait qu’une sourde angoisse la reprenne. Elle avait déliré jusqu’au milieu de la matinée suivante avant de tomber dans un sommeil plus lourd, la fatigue ayant eu raison de son délire. L’après-midi était déjà bien entamé quand elle avait ouvert des yeux hésitants et gonflés de larmes. Elle n’était restée consciente qu’un court instant, assez cependant pour comprendre plus avant où elle se situait réellement. Une femme âgée veillait à son chevet. Quand elle avait remarqué les yeux fiévreux de la jeune rousse sur elle, qui la fixait sans mot dire, un frêle sourire avait étiré son visage fatigué et elle s’était levée avec difficulté pour arranger son oreiller et ses draps. Elle lui avait adressé quelques mots qui n’avaient pas atteint son esprit épuisé et comateux, puis avait passé une main ridée derrière sa nuque, surélevant sa tête afin de l’aider à boire quelques gorgée d’un verre qu’elle portait à ses lèvres. L’eau avait ravivé la brûlure de sa gorge douloureuse, lui soutirant quelques grimaces, puis la douleur avait cédé place à un apaisement bienvenu, et Jana, sitôt repositionnée délicatement sur le lit, s’était rendormie.

Le jour suivant, malgré son corps courbaturé et affaibli par le poison et la faim, elle était restée consciente un peu plus longtemps. La vieille femme n’était plus là, mais une domestique d’âge moyen n’avait pas tardé à arriver pour raviver le feu dans l’âtre. Elle lui avait souri, d’un sourire un peu froid et formel, et apporté à manger. Elle l’avait aidé à se sustenter, avait changé son bandage et prêté main forte pour effectuer une toilette sommaire, la jeune femme ne pouvant quitter le lit. Luttant contre le sommeil qui la reprenait déjà et la douleur qui continuait d’enserrer sa cuisse, Jana avait posé quelques questions confuses d’une voix faible et mal assurée. L’employée les avait pourtant fort bien décryptées et éclairée la jeune fille sur les évènements des derniers jours, le lieu où elle se trouvait et l’identité de la femme qui l’avait recueillie et soignée. Jana avait remarqué qu’on l’avait changé : ses vieux habits se trouvaient non loin, lavés et pliés sur la commode, avec ses quelques effets et armes disposés juste à côté. De même, on l’avait délivrée du bandage compressif sur sa poitrine, et vêtue d’une longue chemise de nuit blanche et soyeuse.

Une autre nuit avait passé, la journée du dix juin avait débuté, et le poison dans le corps de la jeune fille avait perdu la bataille, grâce aux bons soins et remèdes qu’on lui avait administrée. Elle s’était de nouveau éveillée, mais cette fois-ci avec une clarté qui lui avait manquée. Il lui faudrait du temps pour se rétablir, le venin ayant laissé son empreinte en elle. Toutefois, elle avait pu se redresser suffisamment longtemps pour que la domestique puisse changer les draps ; Jana avait suivi tous ses gestes d’un regard méfiant, tout en faisant le point avec Karvaan mentalement. Si la petite chatte faisait confiance à la femme – lady Ballinger, comme Jana avait appris la veille – c’était loin d’être son cas, et elle se sentait fort mal à l’aise en ces lieux fastueux auxquels elle était si peu habituée. Trop faible pour se battre avec sa sœur, elle avait cependant accepté, de mauvaise grâce, de rester, mais seulement le temps qu’elle se remette à peu près, c’est-à-dire qu’elle ait repris assez de force pour se tenir debout et marcher. Elle ne voulait pas passer une seconde de trop ici.

Elle avait gardé le lit le reste de la journée, ne voulant pas présumer de ses forces en essayant de se lever. Elle n’avait reçu aucune visite autre que celle de la domestique venant apporter ses repas, à qui elle avait accordé un intérêt crispé, la suivant dans chacune de ses allées et venues d’un regard circonspect et fermé. Cependant, son hôte avait dû entendre de la bouche de l’employée qu’elle était pleinement réveillée et consciente, car elle lui avait fait parvenir plusieurs livres pour s’occuper, ainsi que du papier et de l’encre. Qu’elle parte du principe qu’elle savait lire et écrire avait étonné la jeune femme, et pas qu’un peu, mais elle n’en avait rien montré et s’était penchée avec satisfaction sur
Britannicus de Racine.


***


Jana poussa un profond soupir en appuyant sa tête sur le carreau froid de la vitre. Elle tritura un instant un pan de sa longue chemise immaculée puis passa une main dans ses cheveux. Elle se trouvait dans une bien étrange situation, dont elle ne voulait pas rester captive trop longtemps. Le problème, quand on expérimente le confort et le faste, c’est qu’on a tendance à s’y habituer bien trop rapidement. Et quand cela nous est arraché, qu’on repart dans la rue à laquelle on appartient, la césure est douloureuse, et dangereuse ; et dans ce cas, l’acclimatation à la pauvreté et la faim était très compliquée, quand bien même avaient-elles constitué toute votre vie ou presque. Plus tôt ses sœurs et elles rompraient avec cet endroit, mieux ce serait. C’est pourquoi, ce matin, estimant malgré les conseils prodigués par le médecin de Lady Ballinger venu examiner l’évolution de sa plaie hier soir, qu’elle avait eu assez de repos, la rousse avait repoussé les draps avec détermination et s’était levée, avec pour but de rejoindre la banquette où elle se trouvait à présent. La tête lui avait tournée rapidement, et sa jambe ne fournissant qu’un appui compliqué et précaire, elle avait manqué s’effondrer et se cogner la tête au coin de la table de chevet, se rétablissant de justesse pour rejoindre en claudiquant l’appui sécuritaire où elle s’était assise avec difficulté. Des larmes de douleur avaient dévalé ses joues et elle avait positionné sa cuisse du mieux qu’elle le pouvait avant de souffler pour se calmer et reprendre ses esprits.
Force était de constater que le docteur, qu’elle n’avait cessé de regarder avec méfiance tout le long de son intervention sans lui adresser une parole, se contentant de hocher ou secouer la tête à ses questions, avait raison : on ne se remettait pas aussi facilement d’une entaille aussi profonde. Il parlait pour les hommes normaux, car il ignorait la condition dans laquelle se trouvait la jeune fille ; c’est pourquoi elle avait espéré guérir plus vite grâce à son métabolisme de lycanthrope, qui se régénérait plus rapidement que celui des humains. Cependant, cette fois, le poison ralentissait le processus, pour son plus grand malheur.
Les mains tremblantes, la tête apposée contre la fenêtre, Jana avait résolu en elle-même du plan d’action qui convenait : elle attendrait encore un jour, deux maximums, pendant lesquels elle ferait entendre raison à Karvaan. Elle la persuaderait de prendre le contrôle de leur corps et de les sortir d’ici pour aller chez le père James, le seul asile où elle consentirait de passer le reste de sa convalescence. Ce serait le seul endroit sûr. Cette chambre ne l’était pas.

D’une part, il s’agissait d’un endroit inconnu rempli d’étrangers. Même s’il l’intriguait, il ne lui inspirait absolument aucune confiance, et se tenir aux aguets et sur la défensive à chaque instant commençait à la fatiguer bien plus qu’elle ne l’admettait à ses sœurs. D’autre part, plus elle demeurait ici, plus les risques étaient grands que mademoiselle Spencer vienne la voir, ce qu’elle voulait éviter à tout prix. Karvaan lui avait fait part des avertissements de l’aristocrate, en particulier sa volonté de poursuivre leur conversation. Volonté qu’elle ne partageait absolument pas. Plus vite elle disparaitrait, mieux ce serait. Elle irait régler son compte à l’idiot de client qui lui avait confié cette mission pour lui avoir caché autant  d’éléments essentiels, puis reprendrait le cours de sa vie sitôt remise, comme si rien ne s’était passé. Ça, c’était la meilleure chose à faire, tout comme de veiller à ne pas recroiser la route de la jeune femme. Une fois avait suffi, merci bien. Maintenant, la jeune femme en savait beaucoup trop sur elle pour qu’elle demeure dans les parages à attendre qu’elle réagisse. Elle croisait assez de danger sur sa route pour s’en rajouter par paresse et imprudence.

Elle en était là de ses pensées quand elle fut interrompue par la voix d’Eiwya dans sa tête. Depuis « l’incident », la louve et elle étaient en froid. Elles avaient discuté longuement la veille et sa sœur lui avait expliqué sa peur, son état d’esprit dans l’église. Elles avaient mis les choses à plat, et, techniquement, Jana lui avait pardonné. Elle comprenait. Mais elles savaient toutes deux qu’après ce qui venait de se passer, il allait falloir bien plus que des mots pour effacer l’atroce événement.


*Je te dérange, ma sœur ?* s’enquit prudemment la louve dans un coin de son esprit.

Jana sourit tristement. Elle pouvait presque imaginer sa sœur recroquevillée dans sa tête, hésitante, n’osant pas réellement s’imposer et n’immisçant au contraire que sa voix. Sa présence était diffuse, elle n’osait pas se connecter, ne sachant pas si son initiative serait bien accueillie. La jeune fille poussa un petit soupir et secoua la tête.


Non, ma sœur, dit-elle sur un ton égal, à voix basse. Tu ne me déranges pas. Je réfléchissais simplement.

Elle se tut, mais, comme Eiwya ne répliquait rien, elle poussa de nouveau un discret soupir et reprit la parole :

Que voulais-tu ?

Elle sentit la louve dans son esprit ; elle faisait les cent pas, en quelque sorte. Il se passa un long silence, et Jana s’apprêtait à répéter sa question quand sa sœur se décida enfin à y répondre :

*Rien de particulier… Seulement savoir comment tu vas aujourd’hui.*

Jana haussa les épaules même si, n’étant pas connectée, Eiwya ne pouvait pas le ressentir.

Bien… Je vais bien. J’ai mal à la cuisse, mais…ça va.

*Je suis désolée*, déclara la louve alors que la rousse finissait à peine sa phrase.

Je sais. Comment vas-tu, toi ? l’interrogea encore la jeune fille.

*Bien aussi… Dans le Monde des Esprits, la douleur est plus diffuse. Même si elle toujours là.*

Après ce court échange entre elles, il se passa encore un long moment. Jana était quasiment absorbée de nouveau dans ses pensées quand ce fut au tour de la louve d’émettre un petit soupir et de relancer la froide discussion :

*Et Karvaan ?*

Je sais pas.

En effet, depuis que Jana avait repris le contrôle de leur corps, excepté pour la tenir informée de la situation, la petite chatte noire s’était repliée dans le Monde des Esprits. Elle avait besoin de temps pour digérer, elle aussi. Elle avait été aux premières loges de l’affreux spectacle qui s’était déroulé sous ses yeux, spectatrice immobile, incapable d’aider, ne pouvant qu’assister au déchirement et à la souffrance de sa famille. A présent, elle se recueillait, seule, et ses sœurs la comprenaient tout à fait, c’est pourquoi il ne leur était même pas venu à l’idée d’aller la chercher pour en parler.


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Repos et réflexion [11/06/42]

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