Une mécanique bien huilée [Alexender, Raphaël] [01/06/42]

[HRP/ Suite du rp "Que Dieu nous pardonne/HRP]

Une mécanique bien huilée

Le feu crépitait dans l'ancienne cheminée. Agitées, les flammes peinaient quelque peu à s'assurer, à cause de la suie qui maculait les parois et qui les empêchait de respirer. Il fallait dire aussi que le petit bois qui alimentait l’âtre n’était pas non plus de la plus grande fraîcheur et qu’il avait eu le temps de prendre l’humidité des souterrains. Le feu dégageait de la fumée noire et une odeur de moisi imprégnait l’air. Au moins avait-il le mérite d’éclairer l’espace et de réchauffer l’air…
Alexender jeta un regard sur les bûches qui se consumaient en gémissant et haussa les épaules, impuissant. Lentement, il tourna la tête vers l’arbre généalogique qui tapissait l’un des murs principaux de la pièce. Un léger sourire anima ses lèvres.
Lorsqu’il était revenu de son dernier rendez-vous avec Sarah, les Hunters avaient été particulièrement fascinés par la perspective de reprendre possession de l’ancien QG de la Guilde d’Ivoire. Cette cachette, plus vaste que leur petit appartement de l’East End, et bien plus pratique avec son église qui lui servait de couverture et ses souterrains discrets, en faisait un lieu idéal pour se préparer à un nouveau combat. Isaac lui-même avait concédé que déménager une grande partie de leurs affaires et s’y réunir était une excellente idée. Ils investiraient donc ce bel héritage des anciens Hunters d’ici la fin de semaine, le temps de faire les cartons et de s’accorder sur la place de chacun durant le transfert des équipements. Un nouvel espoir était né, grâce à Sarah, et Alexender imaginait déjà leurs noms ajouté à cet arbre qui hiérarchisait les chasseurs. Ce serait-là une façon de faire enfin partie de l’Histoire et d’opposer aux créatures de la nuit une résistance digne de ce nom.
Trop impatient, le rouquin s’était senti dans le besoin de rôder dans la Guilde un peu avant les autres et de s’y recueillir, seul. Installé sur une chaise en bois de bonne facture, il appuyait ses deux coudes sur la table qui se trouvait au centre de la pièce et s’occupait du nettoyage d’un Bloody Rose. Depuis maintenant plus d’une heure, il astiquait une à une ses pièces métalliques à l’aide d’un chiffon d’un brun prononcé et remontait l’arme à feu. Ce n’était pas la sienne, c’était celle d’Isaac, mais qu’importe. Aujourd’hui, et pour les mois à venir, ce petit joujou serait sien. Le Gitan lui avait confié son Bloody Rose quelques jours plus tôt en voyant l’état pitoyable dans lequel se trouvait le sien. En échange, il lui avait fait promettre de ne plus foncer tête baissée dans la bataille et de se mettre à réfléchir à de nouveaux moyens d’éliminer leurs ennemis.
Facile à dire…
Qu’avaient donc les Hunters pour faire face aux différentes menaces que représentaient les Vampires et les Loups-Garous ? De quelles ressources véritables disposaient-ils ?
Il y avait les pistolets à percussion, mais ils en avait peu de bonne qualité et la plupart méritaient un entretient d’urgence. Il y avait les Bloody Rose, mais les munitions manquaient et leur nombre était particulièrement réduit. L’eau bénite manquait aussi. Les couteaux étaient élimés. Les croix et les pieux étaient aux abonnés absents…Décidément, il était effectivement temps de se préoccuper de leur artillerie.
Alexender jeta un coup d’œil au calepin qui se trouvait près de lui. Il y avait répertorié tout ce qu’ils possédaient. Ce n’était pas rassurant…Mais un second carnet, neuf, lui faisait écho. Dessus étaient inscrits les noms, les prix et les possibilités d’usages de nombreux articles que les Hunters n’allaient pas tarder à posséder. Cette fois, la résistance s’organisait !
Trois nouveaux Bloody Rose avaient été commandés et Isaac s’occupait de les fournir en munitions avec l’aide de Nathan qui pouvait avancer l’argent nécessaire à leur achat. Six couteaux, particulièrement pratiques et d’une qualité supérieure, étaient déjà dans les caisses qui l’environnaient. Quatre croix d’argent avaient été récupérées grâce au père Mathiew et ce dernier leur avait promis de les alimenter en eau bénite. Tous posséderait désormais une ceinture qui pourrait porter quatre fioles du liquide saint. Sans compter que chacun serait obligé de porter une chaînette d’argent pourvue d’une croix ou d’un portrait de saint autour du cou. Christopher avait même prévu de s’entraîner à l’arbalète et de fabriquer des pointes en argent. Le seul souci était le coût de semblables équipements. Et puis, l’eau bénite devait être fraîchement sanctifiée avant l’utilisation, sinon elle perdait ses saintes propriétés.
Plusieurs idées traversèrent l’esprit d’Alexender et son cœur se gonfla d’une espèce d’émulation. Une fois qu’il eût terminé d’entretenir son nouveau Bloody Rose, le Hunter se rendit du côté des caisses qui contenaient une partie des équipements médicaux. Il farfouilla un moment au milieu des bandelettes, des alcools forts et des plantes séchés qui devaient atténuer douleurs, fièvres et saignements, avant de trouver enfin une valise en bois, couverte de cuir. Elle n’était pas lourde, mais très encombrante. Amenant ladite valise sur la table, il fit sauter ses fermoirs de fer et l’ouvrit avec précautions.
A l’intérieur se trouvaient des seringues en verre. De tailles diverses, elles s’alignaient, telles des sentinelles prêtes à partir au combat, fleurets en avant. Alexender les compta. Il y en avait une petite trentaine. Quatorze n’étaient pas plus grandes que son index. Le Hunter en saisit une et l’observa un peu avant de la glisser dans sa poche, de la ressortir, puis de la glisser dans sa manche. Un sourire presque espiègle se dessina sur son visage : il avait trouvé un moyen de rendre l’eau bénite bien plus mortelle pour ses ennemis…

Une mécanique bien huilée [Alexender, Raphaël] [01/06/42] Ban_al10

[HRP/ Suite de «Alliances restaurées»/HRP]

Une Mécanique bien huilée

Je serai votre aide de camp
Inventons dès maintenant

Une voix claqua dans l’air :

- Je savais que je vous trouverai ici.

Raphaël sortit de l’ombre et s’avança vers le rouquin qui ne l’avait certainement pas entendu approcher. Amusé par sa surprise, le Vampire lui sourit d’un air amical en levant les mains à mi-hauteur.

- Ce n’est que moi…

L’Ange Blanc était venu sans arme, dans une tenue sobre et discrète, aux tons noirs et gris. Une longue cape reposait sur ses épaules, à la manière d’un toréador. Seuls ses cheveux blancs et sa peau glacée le distinguaient du fond obscur qui lui faisait dos. Les mains en avant, pour convaincre son complice que ses intentions demeuraient innocentes, il arriva à sa hauteur d’un pas lent et mesuré.

Raphaël savait bien que sa présence n’était pas désirée en ces lieux, surtout du point de vue d’Alexender. Cependant, il avait bien compris que le Hunter s’était isolé ici pour travailler sur les armes et il pensait pouvoir l’aider. Depuis leur conversation à cœurs ouverts, il avait senti qu’ils leur était possible d’espérer une franche collaboration.

- Je vois que vous n’avez pas perdu de temps, fit-il en s’approchant de la table.

Le Vampire jeta un regard à la mallette de seringues et haussa un sourcil. Sur le moment, il ne comprit guère ce que faisait son compagnon. Etait-il en train de se préoccuper du nombre de seringues et d’ampoules à disposition pour leurs soins médicaux ? Ses yeux clairs se posèrent sur les deux carnets qui traînaient sur la table et il prit le plus récent pour en tourner les pages. Bien vite, il fut convaincu que la nouvelle motivation des Hunters allait porter ses fruits. Un nouveau QG, une Histoire en marche, de nouvelles armes…Avec l’aide d’Eulalia et le retour de Sarah, ils allaient pouvoir se projeter davantage dans l’avenir et espérer enfin vaincre. Ces notes, prises par son compagnon d’infortune, en étaient la preuve…

- Vous songez à l’eau bénite…n’est-ce pas ? fit-il enfin en se tournant vers Alexender. Cette fois, il avait compris. C’est une excellente idée. L’efficacité d’un tel produit injecté directement dans les veines ou les muscles d’un Vampire sera sans aucun doute redoutable.

Raphaël reposa le carnet en réprimant un frisson. L’idée même que l’on puisse lui injecter une seringue d’eau bénite le rendait malade. Il n’avait touché qu’une seule fois à cette substance, par mégarde, en entrant dans une église, et il se souvenait encore de la brûlure que ses mains avaient subie. Sa régénération avait tellement peiné à reconstituer sa peau qu’il avait été persuadé qu’il en garderait une marque, ce qui n’avait heureusement pas été le cas. Son regard s’attarda sur sa main droite dont il manquait deux doigts. Une grimace lui déforma le visage. C’était répugnant.
Laissant de côté ses blessures, l’aristocrate déchu fit doucement le tour des caisses déjà présentes dans le QG avant de revenir vers Alexender.

- Vous savez que la verveine est une plante que nos ennemis détestent ? C’est comme l’ail pour les Loups. La verveine éloigne les Vampires et les dégoûte du sang de celui qui vient d’en boire. Nous devrions nous en fournir pour concocter des tisanes, voire en porter dans nos poches ou autour du cou lors de nos raids.

Tout serait bon à prendre pour leur quête et Raphaël comptait bien révéler à Alexender et à sa bande tout ce qu’il savait sur sa propre race. Pour exterminer les plus dangereux d’entre-eux, à l’instar du Comte, il leur faudrait quelques techniques ingénieuses.

- Le sang mort est terriblement mortel pour les Longues-Dents, plus mortel que l’eau bénite. Vous pourriez en remplir vos seringues. Le seul souci c’est que cela marche surtout avec le sang humain. Du sang de porc, par exemple, n’aurait pas le même effet…

Evidemment, que ce soit la verveine ou le sang mort, Raphaël savait bien que les Vampires les sentaient aisément et qu’il leur serait difficile d’utiliser ce genre de chose. Cela valait toujours le coup d’essayer : dans un conflit, une protection supplémentaire ou une injection surprise pourraient véritablement renverser la balance.

- Vous savez que les Vampires ne craignent ni maladies, ni poisons ? Hé bien, il paraitrait que le venin d’abeille est capable de leur paralyser les membres…dit-il en croisant les bras tout en appuyant le bassin contre le bord de la table. Il réfléchit un moment. C’est difficile à trouver, à extraire et à conserver, mais j’ai réussi à en récupérer à l’apothicairerie de la rue Winston. De sa main gauche, le Vampire sortit un flacon d’une de ses poches arrière de pantalon et présenta l’objet entre deux doigts. Si vous le voulez, nous pouvons tester l’efficacité de ce produit…sur moi.

Raphaël était prêt à tout pour se rendre utile, même à servir de cobaye. Ainsi proposa-t-il à Alexender de tester le venin d’abeille, ainsi que différentes eaux bénites, sur son bras droit ou son flanc. Souffrir un peu pour la cause lui était égal. Et, quoi que pût dire le rouquin pour protester, le Vampire maintint sa proposition.

by tris
Crédit image: Soma Cruz, Castlevania, trouvé sur Zerochan

Une mécanique bien huilée

Alexender n'avait pas entendu Raphaël arriver. Aussi sursauta-t-il comme un diable lorsque ce dernier se révéla à lui. La main crispée sur une seringue, le coeur battant à tout rompre, le Hunter s'était retourné d'un bond, visiblement prêt à en découdre avec l'intrus. Dans ces souterrains obscurs et cette pièce humide, s'il se retrouvait seul, surpris par l'ennemi, il ne donnait pas cher de sa peau !
Quand il reconnut son coéquipier et qu'il vit ce dernier lever les mains en signe de paix, Alexender s'apaisa un peu, quoiqu'il demeura encore sur ses gardes une paire de minutes avant de desserrer sa poigne sur l'instrument de verre et de l'abandonner devant lui.

- Vous êtes dingue d'arriver comme ça ! Nom de Dieu ! râla-t-il en soupirant de soulagement. Si j'avais eu mon flingue, je vous aurais descendu !

Raphaël s'approcha doucement, apparemment conscient qu'il risquait un mauvais coup s'il jouait aux imbéciles, et se mit à le complimenter au sujet de sa dernière trouvaille : l'eau bénite dans des seringues risquait d'être bigrement efficace. Le Vampire se pencha sur son carnet neuf et se mit à en tourner les pages. Alexender ne dit rien. Il le laissa faire sans ressentir le besoin de le lui arracher des mains.

- Nous devrions piéger l'entrée du nouveau QG...grommela le rouquin, vexé d'avoir pu être surpris, notamment par un Vampire.

Bientôt, Raphaël se mit à lui exposer les différentes plantes et substances qui pourraient les aider à vaincre leurs ennemis. Alexender nota qu'il se plaçait définitivement du côté des Hunters en appelant ses confrères "Vampires" ou en utilisant le pronom "nos" dans l'expression "nos ennemis". C'était comme s'il se détachait totalement de sa nature et qu'il avait choisi son camp sans la prendre en considération.
Il avança donc que la verveine était aussi efficace pour repousser les Vampires que l'était le sel pour les Loups-Garous. Il expliqua que le sang mort, le sang humauin, était redoutable, mortel, pour celui qui en ingurgiterait. Enfin, il lui apprit que le venin d'abeille avait la réputation de les paralyser. Il ajouta finalement qu'il était prêt à lui servir de cobaye pour le vérifier.
Le rouquin écarquilla les yeux de surprise. Était-il sérieux ? Il en avait tout l'air ! Mais était-ce réellement nécessaire d'en arriver là ? Il était vrai que tester les produits sur un Vampire vivant leur en révélerait la portée et l'efficacité, mais la perspective de blesser Raphaël le rebuta soudainement. Ils en avaient encore besoin pour défaire le Comte, et puis s'il avait enfin été accepté dans leur groupe ce n'était pas pour souffrir...Et Eulalia ? Qu'en penserait-elle donc ?

- Je savais que le sang mort était mortel pour eux, mais s'en procurer et l'utiliser est très compliqué. Comment pouvons-nous les pousser à en boire ? Cela relève de l'impossible...Quant à la verveine et au venin d'abeille, je n'en avais encore jamais entendu parler.

Rangeant les seringues dans la malle qu'il avait déballée, Alexender finit par poser ses deux mains sur la table devant lui. La tête baissée, il poussa un long soupir, comme pour se libérer de la pression que la venue du Vampire lui avait mise un peu plus tôt. En réalité, il réfléchissait à sa proposition de l'utiliser comme cobaye.

- Raphaël, fit-il soudain en plantant ses yeux d'ambre dans l'azur des siens, il y a quelques semaines de cela, je n'aurais pas hésité à vous charcuter pour prouver l'efficacité de nos armes contre vos semblables...Mais les choses ont changé. Vous faites partie de notre groupe et ce n'est plus comme "Vampire" que nous devons vous voir mais comme "collègue". Vous mutiler...davantage...risque de réduire votre capacité à nous aider sur le terrain...

*Ce serait comme torturer un ami...* Mais cela, Alexender ne le dit pas. Sa pudeur et sa rancoeur étaient tenaces...

Raphaël insista. Son désir de se rendre utile, dès maintenant, était si grand qu'il était prêt à prendre des risques. S'ils se contentaient de petites doses, s'ils ne s'ataquaient qu'à des parties du corps peu utiles à leurs futures missions, alors il le supporterait.

- "Pour la cause", c'est ça ? sourit tristement Alexender.

Le Hunter eut du mal à l'accepter mais il finit par se laisser convaincre. Après tout, ils demeuraient en tête à tête, ici, et ils auraient au moins de nouvelles certitudes qui pourraient les avantager dans leurs futurs combats.
Ensemble, ils dégagèrent les caisses et le matériel qui traînaient sur la table avant d'y installer ce qu'ils désiraient tester : deux eaux bénites, la fiole de venin d'abeille et une boîte qui contenait des herbes pour les tisanes, dont un sachet de verveine.
D'un commun accord, ils décidèrent de tester d'abord les éléments les moins susceptibles de blesser Raphaël. C'était logique. Ainsi firent-il le choix de la verveine dans un premier temps. Alexender s'éloigna un peu du Vampire avec la boîte de tisanes. Il y fouilla un moment avant de trouver ce qu'il cherchait. Puis, il sortit les plantes de leur paquet pour les lever devant lui, à l'autre bout de la pièce.
Au départ, Raphaël ne sembla pas du tout incommodé par la chose. Alexender se rapprocha donc, lentement, le bras tendu devant lui avec les plantes, comme il aurait pu le faire avec un crucifix, afin d'évaluer la distance à laquelle cela gênerait le Vampire. Ce n'est qu'à mois d'un mètre que le Hunter comprit que la plante commençait à lui déplaire.

- C'est l'odeur ? Ou c'est plus profond que ça ? demanda-t-il lorsque Raphaël sembla reculer la tête à son approche.

Ils firent le constat que l'odeur-même commençait à perturber le Vampire. C'était pour lui une odeur désagréable, à l'instar d'un morceau de pomme en putréfaction. Glissée sous son nez, la plante le rendait nauséeux et il avait tendance à vouloir reculer. Mais c'était léger. Trop léger pour être efficacement utilisé de cette manière.
Alors ils testèrent ses effets lorsqu'elle entrait en contact avec la peau. Rien. Raphaël fronçait le nez, dégoûté par l'odeur et la proximité de la plante, mais cela ne le brûlait pas, ni ne le forçait à s'enfuir.

- C'est inutile.

Peut-être que présente dans le sang et ingurgitée la verveine serait plus efficace ? Mais Alexender signifia bien qu'il n'était pas prêt de se laisser mordre pour le savoir. C'était hors de question. D'ailleurs, le Vampire ne le proposa pas. Le rouquin ne put s'empêcher de penser "tu n'auras qu'à l'essayer sur Eulalia..." A cet instant, il perçut un éclat dans le regard de Raphaël et son coeur manqua un battement.

- Vous pouvez lire nos pensées, non ? Il marqua une pause et s'éloigna doucement pour ranger la verveine afin d'arrêter d'incommoder son coéquipier. Il est peut-être temps que nous connaissions vos pouvoirs afin de les utiliser avec intelligence dans nos plans, vous ne croyez pas ?

Alexender s'assied sur le bord de la table et croisa les bras en attendant une réponse. Jusqu'à présent, Raphaël ne leur avait pas réellement parlé de ses pouvoirs, "parce qu'il ne les maîtrisait pas". Peut-être était-ce le moment d'en discuter sérieusement et de voir s'ils ne pouvaient pas l'aider à les développer ?

Une Mécanique bien huilée

La bile de mon être
Pourrait, peut-être,
Sauver vos vies,
Précieux amis...

La surprise passée, Raphaël put discuter avec Alexender de tout ce qui était susceptible de blesser un Vampire. Ils établirent une liste, d'abord orale puis écrite, des astuces qu'ils pourraient utiliser face aux Longues-Dents.
Les Bloody Rose (donc le "poison noir"), l'argent et l'eau bénite venaient en premier lieu. En contact direct avec la peau, c'étaient les expédients les plus efficaces dans leur domaine. Ces produits empêchaient la régénération des Vampires, ce qui n'était pas négligeable.
Venaient ensuite le feu, les crucifix et le sang mort. Ils pouvaient également tuer brutalement ces créatures mais ils étaient plus difficiles à utiliser. La régénération face au feu et à la brûlure des objets religieux était encore possible, et la mise en place d'un système pour injecter ou faire boire du sang mort à un Vampire posait problème.
Enfin les chasseurs reléguèrent l'ail, la verveine et les miroirs en bas de leur liste. Ces astuces n'étaient pas mortelles : elles permettaient seulement d'éloigner les Vampires ou de les révéler.

- Vous parliez de piéger l'entrée de cet endroit...murmura Raphaël en se frottant le menton. Cela me rappelle une histoire que me contait une ancienne amie. Elle me disait que les Vampires pouvaient être paralysés par des glyphes, des genres de pentacles dessinés au sol...

Ils discutèrent longtemps ainsi et écrivient de nombreux éléments dans le carnet d'Alexender, avant de passer aux tests. Raphaël était prêt à subir quelques douloureuses blessures, tant que c'était « pour la cause » et, même s'il était convaincu qu'Eulalia ne le verrait pas d'un bon œil, il considérait qu'il était libre de son choix. Après tout, c'était un des seuls moyens qu'il avait pour aider les Hunters dans leurs recherches.

- Testons d'abord la verveine…

L’Ange Blanc et le rouquin s'accordèrent sur les démarches à suivre. Alexender ne désirait pas pousser trop loin leurs expériences afin d'éviter de rendre son compagnon plus infirme qu'il ne l'était. C'était inutile de risquer de perdre un combattant, surtout quand ce dernier a autant de capacités susceptibles de tous les sauver.
D'ailleurs, suite à leurs expériences avec la verveine, l'aristocrate crut que le Vampire avait lu dans ses pensées et finit par lui demander d'exposer un peu de ses pouvoirs. Sur le moment, Raphaël tiqua et ne dit mot. Ce sujet était difficile à aborder : non seulement il ne connaissait pas tous ses pouvoirs, mais en plus il ne maîtrisait pas du tout les seuls qu'il avait déjà vus à l'oeuvre. C'était dangereux mais également particulièrement frustrant.

- Je...Je vous ai déjà tout dit... fit-il en baissan le regard, inquiet et peiné de ne pas réussir à développer cet aspect de sa personne. Il savait que cela pourrait être d'une grande utilité. Je ne lisais pas vos pensées...J'évite, dans la mesure du possible, d'utiliser ce... « don ». Entrer dans la tête des gens est facile, en ressortir l'est moins. Et je dois bien avouer que la sensation que cet exercice produit est insupportable...

Alexender insista et Raphaël finit par soupirer, énervé, et par s'asseoir sur une chaise. Son regard se perdit un instant sur l'arbre qui immitait une généalogie avec les noms des plus grands Hunters de Londres. La Guilde d'Ivoire était là...sur cette fresque ternie par le temps...
Au bout d'un moment, le Vampire accepta de se confier. Il saisit le carnet de notes qui traînait sur la table et le tendit au Hunter. Ses yeux bleus brillaient d'une grande détermination.

- Prenez des notes, ça risque de nous être utile. dit-il en obligeant presque Alexender à prendre le carnet. Comme ça, le jour où je deviendrai complètement fou, vous pourrez vous en servir pour m'abbattre.

Au-delà de l'évidente provocation due à la frustration qui rôdait en son cœur, le Vampire était plus sérieux que jamais. Il savait que sa dégérérescence allait être particulièrement rapide par rapport à d'autres Vampires et qu'elle était surtout inéluctable. Il devait aider les Hunters, mais également gardé en mémoire le fait qu'il risquait un jour de se retourner contre eux.

- Je vais tenter de me souvenir et d'être clair...Je ne promets rien, commença-t-il en s'appuyant sur le dossier de sa chaise. Je vais me répéter, puisque vous le voulez...Il prit une grande inspiration et rassembla dans son esprit tout ce qu'il savait de lui-même. Comme tous les Vampires, je suis particulièrement fort physiquement. Je peux soulever un fiacre en cas de nécessité ou vous jeter dans la Tamise d'un seul bras. J'entends mieux qu'un humain normal, les poisons n'ont aucun effet sur moi et mon odorat est très développé, notamment concernant l'odeur du sang. Je ressens davantage mon environnement et ma vision est plus efficace que la vôtre. Je vois dans le noir le plus profond.

Raphaël grimaça. Tout ça n'était pas nouveau. Il faisait perdre son temps à Alexender. Pourtant, quelque part, il avait besoin de récapituler les choses les plus simples avant de faire l'effort d'entrer dans le vif du sujet et ses méandres fort compliqués.

- Je suis aussi très rapide et « léger ». Je peux flotter au-dessus du sol et escalader des surfaces verticales sans grand effort. Enfin...je dois bien avouer que je ne suis guère doué pour ça.

Raphaël avait la cruelle impression d'être un raté. Que ce soit en tant qu'être humain ou en tant que Vampire. Il n'était ni l'un, ni l'autre. Incapable de vivre comme un homme, incapable de penser comme un Vampire, il ne savait même pas utiliser les capacités extraordinaires que sa nature pervertie lui avait « offertes ».

- J'ai quelques particularités. Je peux par exemple tenir un crucifix dans la main, sans me brûler, à l'aide d'une formule que j'ai apprise de...mon ancienne amie, continua-t-il en croisant les jambes et en appuyant son menton dans sa main. Je n'ai jamais croisé d'autre Vampire capable de ça. Pour le coup, c'était utile. Je sais aussi faire mourir les végétaux en les touchant du bout des doigts...Inutile. Mais autant le noter au passage.

Il y eu un silence. Raphaël joignit ses mains en jetant un regard dans le feu qui crépitait en agonisant. Il réfléchis un instant. Comment expliquer son autre pouvoir ? Il ne le comprenait pas lui-même...

- Je...Quand je suis dans une situation critique, je peux...comment dire...uiliser des serpents pour accentuer les peurs des gens qui m'entourent...Un grand silence s'en suivit. Soudain, Raphaël poussa un grognement de colère et saisit son propre visage à pleines mains. Raaa ! C'est tellement...ridicule dit comme ça ! Je ne sais pas comment je fais, ni ce que ça fait exactement. Quand le Comte me tenait, j'ai « invoqué » ces trucs, ça avait des ailes, et j'ai entendu des voix qui me disaient d'arrêter. J'ai eu des visions atroces, qui ne me concernaient pas, et j'ai perdu connaissance. A chaque fois que j'utilise ce don, je le déclenche sans le vouloir et je ne le maîtrise pas.

C'était très confus. Raphaël ne savait pas comment expliquer ce pouvoir, ni comment l'utiliser. Il ne savait même pas comment le déclencher. Ce n'était que dans un désespoir fou, pour sauver sa peau à un moment critique, que ses effets s'étaient répandus.

- Je ne peux pas détailler davantage. Je n'ai rien à ce sujet. Par contre, j'ai des informations sur le Comte. Une nouvelle rage venait de naître en lui. Le gérant de la Bibliothèque, celui qu'on appelle "le Conservateur", n'en a pas peur. C'est un Vampire lui aussi, mais il semble neutre. C'est lui qui m'a sauvé. Apparemment, la Bibliothèque est un lieu dans lequel le Comte ne peut pas agir à sa guise. Pourquoi ? Je n'en sais rien, mais le bibliothécaire a un certain pouvoir sur lui. C'était une piste à creuser d'urgence. Je sais aussi que le Comte est capable d'invoquer des ténèbres que mon regard ne peut percer et d'enfermer les gens dans une pièce hors du temps. Il y fait un noir d'encre et des centaines d'images et de voix nous harcèlent. Ce sont nos peurs, des moments passés, des points sensibles de notre esprit. Le Comte peut les manipuler pour nous faire sombrer dans la folie. Mais lorsque l'on parvient à affronter ces visions, on peut trouver un seul objet éclairé dans cette pièce : un cadavre. Je ne sais pas de qui est ce squelette à l'apparence changeante, mais c'est en discutant avec lui que j'ai pu m'extraire de cet enfer. Je pense que nous tenons-là un point faible du Comte.

by tris
Crédit image: Soma Cruz, Castlevania, trouvé sur Zerochan

Une mécanique bien huilée

Un crayon à la main, Alexender s'agitait fiévreusement sous l'Oratoire. Il allait et venait entre les cartons destinés à installer le nouveau QG des Hunters, gesticulant, s'exclamant, feuilletant des livres, bousculant des récipients comme des tasses à thé ou des seringues. C'était une tornade, un véritable savant fou en proie à l'agitation bien connue des découvreurs et autres génies en quête de savoirs. En compagnie de Raphaël, l'aristocrate aux cheveux de feu listait tout ce qui était susceptible de blesser un Vampire : il griffonnait donc des schémas d'armes nouvelles, mettait au point des tactiques pour piéger leurs adversaires et mélangeait tout ce qu'ils avaient sous la main pour tenter de trouver des réponses à leurs questions.
Alexender avait soudainement retrouvé une étrange joie de vivre, ou du moins un véritable élan dans sa lutte contre les Longues-Dents. Tel un guerrier revenu de l'au-delà pour venger les siens, il s'était extirpé de l'angoisse et de ses âpres refuges de solitude. Son courage était lié à de nombreux facteurs, comme ce nouveau QG trouvé par Sarah qui lui semblait si prometteur, tant pour son emplacement stratégique en ville que pour ses dimensions, son confort ou encore les facilités qu'il lui offrait de pouvoir voir la belle chasseuse; cet arbre "généalogique" sur ce mur qui rassemblait les plus grands Hunters de Londres, de fait ce qui avait été la très prestigieuse Guilde d'Ivoire, et qui lui donnait le sentiment que c'était son devoir de la faire renaître; ses rapprochements avec Katherine qui lui offraient une forme de satisfaction particulière sur différents plans et lui permettaient d'avoir l'opportunité de comprendre un peu mieux les Lycanthropes; la bonne volonté de Raphaël et son intégration dans l'équipe qui le soulageait un peu et lui offrait d'être enfin un peu plus serein vis à vis de ses camarades ou même d'Eulalia; son dernier baiser échangé avec Sarah ici-même et son aveu au sujet de sa pureté...Tant de positif ne pouvait que finir par écraser le négatif !
Même s'ils avaient vécu de durs moments, notamment à cause de la disparition de Sarah et de leurs diverses mésententes dans l'ancien QG, il était désormais possible de reprendre courage. N'avaient-ils pas déjà accompli bien des miracles ? Il s'était échappé de la Tour, les prostituées de Romerta avaient été libérées, Sarah avait été retrouvée, Katherine avait réussi à intégrer la troupe théâtrale du Comte, ils parvenaient à communiquer via le journal, Sarah pouvait enfin espérer participer à leur lutte et ce nouveau QG qu'elle leur avait trouvé leur permettait de s'installer en relative sécurité et de vivre avec un peu de décence et d'entrain.

Accompagné de Raphaël, il passa une grande partie de l'après-midi à réfléchir sur les meilleurs moyens de tuer ou piéger un Vampire. Avec son aide, ses avancées furent bien plus probantes et rapides que s'il avait dû tout faire seul. A vrai dire, avoir un cobaye l'arrangeait bien, même s'il doutait encore de l'éthique de cette entreprise et qu'il craignait que cette aventure ne parvienne aux oreilles de la jeune Grey. Quel savon il prendrait encore ! Pourtant, c'était bien le Vampire lui-même qui s'était proposé pour servir ses expériences...
Maintenant qu'ils étaient certains d'aller dans la même direction et qu'ils se faisaient un peu plus confiance, les deux hommes prirent à coeur de travailler d'arrache-pied sur ce nouveau projet d'armement et de s'accorder avec détermination. Volontaires tous les deux, exigeants, tactiques, prêts à tout pour nuire aux démons nocturnes, ils se complétèrent avec tant d'aisance qu'Alexender ne put s'empêcher de se réprimander lui-même :

- Ah ! Si j'avais su que ton aide était aussi précieuse et efficace, j'aurais moins joué la mijaurée au sujet de ta présence ! Fit-il en riant. J'suis navré d'avoir été aussi dur avec toi au départ, mais je pense que tu comprends que j'devais garantir la sécurité de mes gars et que j'avais une "dent" contre ta nature...enfin "avait"...on se comprend...

Ils se comprenaient. Et cette compréhension mutuelle les aida à avancer avec brio. Le carnet de notes d'Alexender se remplit si vite qu'ils durent écrire dans les marges en miniature et ajouter des flèches par-ci par-là pour compléter les sections sur lesquelles ils revenaient volontiers afin de corriger un élément ou indiquer une remarque supplémentaire. Bientôt, tous les tests réalisables sans trop blesser le Hunter aux cheveux de neige furent faits : la verveine, l'eau bénite, les croix, le miroir, le venin d'abeille, l'argent...tout y passa. Sur le bras droit de Raphaël, diverses traces allaient subsister sur plusieurs jours : taches sombres, coupures, piqûres et brûlures s'y côtoyaient maintenant. Cela n'avait pas l'air de le déranger par rapport à son apparence. Clairement, le Vampire ne se préoccupait pas de ça, et heureusement parce que ce n'était décidément pas beau à voir. Cependant, il serrait les dents et grognait sa souffrance. Mine de rien, ils y étaient allés un peu fort avec l'eau bénite et le venin d'abeille qui, bonne nouvelle, fonctionnait effectivement comme paralysant puissant.

Au bout d'un moment, ils finirent par dériver leurs discussions et recherches sur les pouvoirs vampiriques de Raphaël. Le pauvre ne savait pas lui-même ce dont il était réellement capable et, malgré sa bonne volonté, ce sujet épineux sembla tout d'abord lui déplaire fortement. Puis, faisant preuve d'un bel effort, le Vampire finit par faire la liste de ses capacités spéciales. Alexender, en bon élève qu'il était devenu après ces heures et ces heures de recherches et expériences, saisit un bout de parchemin qui traînait sur une pile de livres posés en vrac dans l'attente de l'aménagement définitif et se mit à tout noter. Attentif, il ne coupa jamais son nouveau confrère. Au contraire, silencieux et calme, il l'encouragea à poursuivre par de petits coups de tête et de simples "d'accord", "je vois..." et "c'est noté".
Finalement, lorsque le Vampire eut fini de dévoiler ses pouvoirs et aptitudes, l'ancien rouquin observa sa prise de note et sourit : certes, ce n'était pas complet et il semblait que Raphaël ne maîtrisait presque rien, mais il y avait de quoi faire ! Il suffisait de l'entraîner, de faire des tests et de le motiver à développer ses "dons". Même si le concerné ne paraissait pas très chaud à l'idée de les exploiter, ces derniers pouvaient devenir de puissantes armes. Avoir trois nouveaux Bloody Rose, six couteaux et quatre croix d'argent était bien beau, mais avoir quelqu'un qui possédait la force de cinq hommes réunis, qui pouvait voir dans le noir ou provoquer des hallucinations terribles était tout de même non-négligeable. Stratégiquement parlant, il était hors de question de cracher dessus !

- Tu doutes beaucoup de tes capacités, l'ami, mais je pense que tu peux faire la différence...Il suffit de développer un peu tout ça, tu ne crois pas ?

Raphaël dévia alors sur un des pouvoirs du Comte. Alexender en frémit un peu. Que ce soit au théâtre, dans les égouts ou dans la Tour, le Comte l'avait réellement terrifié. S'il était en plus capable de plonger dans le noir n'importe qui, même les siens, enfin les Vampires, et qu'il pouvait matérialiser "une pièce hors du temps", c'était une catastrophe...Heureusement, non content d'annoncer que la Bibliothèque était un lieu dans lequel le vieux Vampire semblait restreint à cause de la présence du "Conservateur", Vampire lui aussi mais apparemment capable de se soustraire à son autorité, le Hunter lui apprit que sa pièce noire avait une faille à exploiter, donc une sortie possible.

- Tu vois, ça me fait mal de l'admettre, mais j'envie parfois vos pouvoirs surnaturels. Moi, je ne suis qu'un humain sans rien d'autre que mes armes et mes jambes pour courir. Je ne suis qu'un rat que l'on coince en deux pas dans les égouts, un faible que l'on enchaîne au mur avec un sourire narquois et dont ton espèce peut rire. Je ne suis qu'un chasseur sans expérience qui joue à l'apprenti sorcier en cherchant à se fabriquer épée et bouclier pour faire face au dragon cracheur de feu...Conscient que sa métaphore médiévale était légèrement exagérée, le Hunter se passa une main derrière la nuque et rit un peu: Bah...Je fais ce que je peux. Mais c'est vrai que parfois j'aimerais pouvoir jeter un fiacre sur la gueule du Comte sans risquer de me briser les os...ah ah ah ! Il rit jaune, puis il baissa les yeux, confus. Désolé, je sais que tu n'as jamais voulu de ces pouvoirs et que c'est un peu déplacé de ma part...On n'est jamais content de ce qu'on a...

Les deux hommes s'accordèrent pour continuer leurs recherches et dégagèrent un peu les lieux. Ils firent le tri dans les cartons et Raphaël en déplaça une bonne partie tout seul. Ils réussirent à installer deux tables, à monter une étagère et à ranger la plupart des livres en les classant par thèmes. Ce serait plus facile pour eux de faire leurs recherches et de peaufiner leurs idées. Assis chacun sur une chaise, ils méditèrent, face à face, plongés dans les livres et les deux carnets de notes d'Alexender. Ils décidèrent de rassembler leurs découvertes et de tout réécrire au propre pour présenter aux autres quelque chose de correct et surtout de plus facile à comprendre. Enfin, les heures passèrent à vitesse folle et il fut bientôt presque 19h.

Des pas dans les couloirs leur firent soudain lever la tête. Trois hommes finirent par arriver dans l'encadrement de la porte qui donnait sur le grand salon où ils se tenaient : Christopher, une arbalète dans une main et un gros pain de campagne dans l'autre; Nathan, avec deux saucissons et une bouteille de vin dans les bras; et le père Mathiew qui, sa croix dorée autour du coup, semblait tout droit sorti d'une réserve avec la grosse tome française qu'il tenait tout contre sa poitrine.

- Ah ! Te voilà toi ! Fit Christopher en désignant Alexender du bout de son arbalète qui n'était heureusement pas chargée. Ben dis-donc, si tu pars comme ça sans rien dire, tu vas nous faire faire des attaques. Nathan était dans tous ses états !

- N'importe quoi ! Je te l'avais dit qu'il était à la Guilde...se défendit le blondin.

- Calmez-vous mes enfants, fit le religieux avec amusement, vous voyez bien qu'ils étaient en paix avant notre arrivée...Ce sont des hommes studieux, vous voyez ? Pas de quoi s'inquiéter. Ici, vous êtes tous en sécurité. Mangeons un morceaux messieurs, si vous le voulez bien...acheva-t-il en indiquant qu'il fallait pousser quelques livres s'ils voulaient avoir un morceau de son fromage.

Alexender leur sourit. Oui, ils pouvaient bien arrêter pour aujourd'hui. Il était temps de faire une pause. Ainsi, les cinq hommes dégagèrent-ils la table pour installer la collation.

- Vous tombez bien, je commençais à avoir faim...fit joyeusement l'aristocrate déchu en arrachant un bout de pain pour accueillir un morceau de tome donc le père Mathiew avait la bienveillance de couper une tranche pour chacun. Mais dites-moi, vous ne veniez pas simplement nous ravitailler, si ?

- Bah, on savait bien que tu étais là donc c'était tout de même en partie pour ça. Mais bon, on pensait aussi ranger un peu le QG. Il est temps d'y emménager vraiment.

- Comme tu dis ! L'autre devient craignos ! Il pleut dans ma chambre ! s'exclama Christopher en entamant le saucisson.

- Jeunes gens, je vous ai déjà dit que ce n'était pas raisonnable d'attendre encore. Vous connaissez ce lieu depuis presque un mois ! C'est tout de même un comble de vous voir prendre encore tant de risques inutiles ! Songez un peu à ce que Miss Spencer en penserait....Elle qui s'est tant démenée pour vous trouver un endroit convenable...

Alexender tiqua. Certes, Sarah et le bon père avaient eu l'extrême gentillesse de leur trouver un nouvel abri, mais ce n'était pas si simple de déménager sans se faire remarquer et c'était justement pour éviter de prendre trop de risques qu'ils avaient étalé le-dit déménagement sur le mois. Rester dans l'horrible immeuble délabré de l'Est End qui leur servait de cachette était tout sauf reluisant ou agréable ! Qu'est-ce qu'il imaginait le religieux ?!

Le repas continua par la suite sur une note plus joyeuse puisqu'il fut question des avancées que Raphaël et lui-même avaient fait en matière de tactiques éliminatoires. Ils exposèrent tout, sauf le fait que le Vampire avait servi de cobaye. Christopher parut particulièrement fasciné par l'idée des seringues d'eau bénite, même si le père Mathiew doutait de la durée de vie de la bénédiction dans de tel récipients. Nathan, lui, fut ravi de constater que la verveine repoussait les Vampires, même si ce n'était que très légèrement : cela le confortait dans ses prises régulières de tisanes que les autres moquaient régulièrement. Enfin, tout le monde s'accordait pour dire que le Comte avait fait une belle bourde en s'attaquant à Raphaël puisque ce dernier venait de leur donner des indications fort précieuses sur ses pouvoirs et les moyens de s'en défaire.
En fin de soirée, alors qu'il était déjà 21h30 passées, Christopher regarda sa montre à goussets et soupira, l'air légèrement contrarié. Alexender le remarqua et lui jeta un regard interrogateur avec la certitude que ce qu'il allait dire n'allait pas lui plaire.

- Tu sais que c'est le bal des Spencer ce soir ? Pour l'anniversaire de Sarah...fit le chasseur avec hésitation.

- Oui, et...? grogna le rouquin en croisant bras et jambes.

- Je suppose que tu n'as pas prévu de t'y rendre...?

Alexender soupira bruyamment avant de sourire avec nervosité. C'était donc ça qui les avait fait débarquer ? Ils s'inquiétaient de savoir s'il allait tenter un nouveau coup de folie en se pointant chez les Spencer en plein bal ! Ah ! Il les reconnaissait bien là. Quelque part, cette situation le blessa profondément : visiblement ses coéquipiers ne lui faisaient plus autant confiance qu'avant et son statut de "chef" en avait pris un sacré coup. Ses dernières erreurs l'avaient décidément fait passer pour un irresponsable sans cervelle...

- Rassurez-vous, je n'ai pas prévu de bouger. Je suis venu ici pour installer un peu le QG et pour trouver des solutions à nos problèmes, pas pour préparer une expédition ridicule qui nous en créerait d'autres...

Evidemment, le Hunter rêvait de revoir Sarah, surtout en cette merveilleuse occasion qu'était son anniversaire, mais il n'était pas assez fou pour réitérer ses erreurs. Il savait pertinemment que la jeune femme allait être surveillée de près et que le Comte allait se pointer à cette réception. Il enrageait de les savoir ensemble et il ne pouvait s'empêcher de les imaginer en train de danser devant tous, couple parfait parmi les autres couples. Il en avait presque la nausée. Mais, se connaissant désormais suffisamment, Alexender avait eu la bonne idée de s'occuper au mieux, au nouveau QG, avec des objectifs précis, pour faire passer le temps plus vite et avec utilité, plutôt que de ruminer dans son coin ces sombres pensées et de risquer de se précipiter chez les Spencer pour revendiquer son titre, sa femme et son rôle de Hunter.

Après cette remarque, la soirée se passa tranquillement. Tout le monde évita le sujet et ils se débrouillèrent pour s'amuser un peu : Nathan avait toujours un jeu de cartes dans la poche, conscient que le jeu aidait à la cohésion du groupe.
Enfin, ils décidèrent de dormir sur place pour éviter de prendre des risques avec ce bal qui agitait la ville. De toute façon, Christopher avait déjà prévenu les autres qu'ils risquaient de rester sur place. Le père Mathiew se leva pour les saluer et regagner sa propre couche dans les annexes de l'Oratoire. Mais, avant de le laisser partir, Alexender lui demanda un petit entretient et lui glissa une lettre qui contenait un article à faire publier dans le journal le lendemain matin...Il fallait tout de même bien souhaiter un bon anniversaire à sa bien-aimée...

Voir l'article publié dans le Time le 02/05/42 ici : Ma douce Angèle.

[HRP/ Fin du RP avec Alxender. Suite bientôt./HRP]

Une Mécanique bien huilée

Ce sentiment d'appartenir à un groupe,
jamais je n'aurais pensé le retrouver un jour.

Raphaël grimaçait, mais Raphaël était heureux : il se sentait ENFIN admis et efficace, même si ce n'était qu'en tant que cobaye.

Ses yeux limpides observaient maintenant les nombreuses marques qui recouvraient son bras droit. Les multiples expériences qu'il venait de réaliser avec Alexender lui avaient laissé de cuisants souvenirs, et ce n'était décidément pas beau à voir : quelques coupures, souvent peu profondes, disparaissaient déjà grâce à son don de régénération, mais certaines traces laissaient encore voir sa chair à vif. En effet, alors qu'il avait nettoyé son bras à plusieurs reprises, notamment à l'aide d'eau pure et de chiffons de velours, l'eau bénite qu'ils avaient déposé à la surface de sa peau, ainsi que le "poison noir" des Bloody Rose qu'ils avaient distillé et réparti sur plusieurs zones en teneur noire plus ou moins concentrée, le brûlaient encore terriblement et nécrosaient son épiderme. Son membre pitoyable était désormais bien difficile à bouger correctement, non seulement à cause de la douleur que ces produits lui procuraient, mais également à cause du venin d'abeille qui l'avait rigidifié. Ses muscles étaient presque tétanisés.

Raphaël souffrait, c'était inévitable, mais constater que ces armes étaient toujours aussi efficaces contre ceux de son espèce le réjouissait. Il souriait tout en serrant les dents et en pansant ses blessures avec l'aide de son confrère. Son regard revenait souvent sur les carnets de notes complètement saturés d'informations et de nouvelles trouvailles pour anéantir les Longues-Dents. Rien n'aurait pu lui faire plus plaisir, sauf peut-être achever réellement une créature de la nuit après une bonne chasse. En y pensant, il constata que cela lui manquait...Depuis combien de temps n'était-il pas parti en chasse ?

Près de lui, Alexender tâchait de lui trouver des onguents et des bandes pour parfaire ses soins. L'Ange Blanc songea en lui-même que cet homme n'était finalement pas un mauvais bougre. Malgré leurs nombreux désaccords, ils avançaient désormais ensemble, comme des frères d'armes. Le Vampire sentait que le rouquin ne le dévisageait plus avec méfiance ou colère. Il le trouvait même plutôt agréable avec lui, étrangement poli et, en cet instant, soucieux de son état. physique et mental. L'utiliser comme cobaye aurait pu lui procurer une sensation jubilatoire - car avoir sous sa main une des créatures que l'on traque et de pouvoir lui faire subir tout ce que l'on désire avait sans aucun doute quelque chose d'exaltant - néanmoins le Hunter le traitait d'égal à égal, sans faire mine de vouloir le torturer, ni même de le blesser par sadisme ou vengeance. L'évolution de leurs relations était véritablement positive. Nul doute que cette petite séance de tests les avait encore rapprochés. La paix était-elle donc enfin acquise entre eux ?

Le Vampire pensa aux paroles du Hunter et réfléchit un peu. Mine de rien, Alexender s'était excusé de l'avoir traité comme un moins que rien à son arrivée dans le groupe et il avait même souhaité souligner que sa présence était une aide précieuse. Signe de reconnaissance. Il l'avait même écouté sans l'interrompre, lorsqu'il avait tenté de lui expliquer la teneur de ses pouvoirs. Signe de respect. Enfin, il l'avait encouragé à prendre confiance en lui et à voir ses pouvoirs comme des armes précieuses, très utiles à leur entreprise et surtout particulièrement intéressantes pour chasser. Signe de confiance et d'envie.

- Il est vrai que mes pouvoirs peuvent nous être utiles et je ne nie pas avoir parfois grandement apprécié mes quelques dons. Voir dans le noir est très utile, surtout dans une ville comme la nôtre, où les ténèbres se la disputent au brouillard. Raphaël comprenait ce que le Hunter tentait de lui dire. Je comprends que l'on puisse les désirer. Le problème n'est pas tellement d'apprendre à les maîtriser, c'est d'accepter la contrepartie qui les conditionne. Je doute que devoir vous cacher éternellement du soleil et du monde des vivants vous ravisse...

Alors qu'ils venaient de terminer de bander son bras, Christophen, Nathan et le père Mathiew vinrent à leur rencontre les bras chargés de victuailles. Alexender les accueillit à bras ouverts, en fanfaronnant comme il savait si bien le faire. Cela permit au Vampire de rabattre la manche de sa chemise sur ses bandages afin de les dissimuler aux yeux de leurs complices. Même s'ils apprendraient tôt ou tard qu'il avait servi de cobaye, Raphaël ne savait pas encore quelle politique d'approche le rouquin allait vouloir privilégier à ce sujet.
Une fois que tous furent installés autour de la table, les discussions allèrent bon train. D'ailleurs, Alexender dévoila bien vite leurs petites expériences et exhiba son carnet de note sous les regards admiratifs de ses amis sans guère de pudeur. A demi-rassuré, Raphaël tâcha de discuter avec eux. Il confirma souvent ce que son collègue avançait et ajouta donc peu d'éléments à la conversation, mais il commença à se sentir plus serein. Il eut le sentiment étrange de faire enfin partie de ce groupe.

- Le venin d'abeille est difficile à trouver, mais drôlement efficace...fit-il en montrant que son bras n'était presque plus mobile.

La soirée s'avança et l'euphorie gagna tous les membres de la tablée, non pas à cause du vin (qui était par ailleurs d'excellente qualité), mais bien grâce à leurs découvertes qui ouvraient de nouvelles portes vers la victoire. Chacun voulut noter dans un calepin ce qu'il désirait retenir et l'on songeait déjà à faire des copies du petit calepin d'Alexender.

- Allons, je mettrais tout cela au propre et vous en ferai des copies. Je pense qu'il faut remettre au clair tout ça...proposa le père Mathiew en réalisant combien le-dit carnet était anarchique.

Au bout d'un moment, le sujet dévia sur miss Spencer et le fait que ce soir même se tenait le bal de son anniversaire. Les Hunters étaient en réalité venus à la Guilde pour vérifier qu'Alexender ne s'y était pas rendu dans l'espoir de voir sa dulcinée. Le rouquin s'en offusqua un peu avant de les rassurer. Raphaël sourit tristement : lui aussi il rêvait de revoir sa douce Eulalia, mais pour rien au monde il n'aurait risqué sa propre vie, et donc la sienne aussi, en se jetant dans la gueule du loup !

Enfin, il fut temps d'aller se coucher. Les Hunters s'organisèrent pour prendre les chambres (qui étaient en réalité des alcôves religieuses réaménagées en dortoir), et le Vampire se proposa de rester dans le salon.

Seul, le Vampire se passa une main sur le visage. Son front transpirait à grosse gouttes et il avait étrangement chaud. Son bras le lançait fortement et il commençait à trembler. La douleur était désormais très rude à supporter. Jusqu'ici, il avait réussi à garder son sourire et à cacher sa souffrance, mais maintenant qu'il était seul avec lui-même, le Vampire laissait ses émotions et ses douleurs le rattraper. Assis dans le canapé, le bras posé sur un accoudoir, il gémit en se forçant à ne pas y toucher.
Cherchant refuge dans n'importe quelle chose qui pourrait détourner son attention, ses yeux rencontrèrent le grand arbre des Hunters de la Guilde d'Ivoire. Il se leva et s'assied par-terre à ses pieds. Détaillant la fresque délavée, il songeait qu'une petite restauration lui ferait du bien et que cela donnerait à ce nouveau QG une allure plus concrète.
Soudain, alors que son regard sautait d'un nom à l'autre, le Vampire poussa un cri de surprise et se leva d'un bond. Sa main droite estropiée plaquée contre la fresque, le nez quasiment collé à cette dernière, Raphaël relut par trois fois le nom qu'il venait de déchiffrer dans l'arbre peint.

- C'est...C'est ça... murmura-t-il en s’agrippant au mur.

Quelques larmes perlèrent aux coins de ses yeux. Tant de souvenirs lui revenaient en cet instant. L'émotion était grande.

- "Londres...nid" Un étrange sourire fendit son visage. "Londres...nid" répéta-t-il la gorge serrée.

Le Vampire se laissa glisser et tomba à genoux devant l'arbre. Il pleurait et riait en même temps.

- J'ai mis tant de temps à comprendre...

Sa main remonta sur la fresque et s'arrêta sur le nom qui lui avait transpercé le coeur: "Albert Dombreuil", son maître d'armes, un Hunter d'exception, son père adoptif...

- J'ai promis...M'y voici...

Cet homme lui avait murmuré deux mots à sa mort et Raphaël venait de réaliser qu'il les avait mal compris. "Londres...nid" ne signifiait pas qu'il y avait un "nid" de Vampires à Londres, (même si cela étant sans doute la vérité), mais bien que le "nid" des Hunters s'y trouvait. Albert l'avait envoyé restaurer la Guilde avec laquelle il avait eu des liens !

- Quel imbécile je fais...

Raphaël s'en voulait beaucoup. Il avait tant tardé à venir à Londres...Et puis, il s'était complètement isolé pour chasser alors que son maître avait en réalité voulu qu'il appartienne à un groupe !

- Mais...pourquoi étais-tu en France...?

Raphaël ne comprenait pas pourquoi Albert n'avait pas tenté lui-même de reformer la Guilde d'Ivoire à son époque et pourquoi il s'était installé en France plutôt que de rester à Londres. Certes, son nom typiquement français indiquait que sa potentielle famille se trouvait en France, mais jamais il ne lui avait parlé de membres vivants...Peut-être avait-il, comme lui, tout perdu et décidé de se venger ?

Le Vampire soupira : pour chaque mystère éclairé, il y avait toujours un nouveau lot de mystères à élucider ! Séchant ses larmes, d'horreur et de joie, Raphaël se redressa et entrepris de continuer son exploration. Sur un parchemin, il se mit à reconstituer l'arbre. La tâche n'allait pas être simple, d'autant que de nombreux noms étaient déjà à demi effacés. Mais de nouvelles perspectives s'offraient à lui et il ne comptait pas continuer à être un simple spectateur...

Sa vie retrouvait un sens.

by tris
Crédit image: Soma Cruz, Castlevania, trouvé sur Zerochan

[HRP/ Fin du RP. Suite avec Raphaël dans Un nouveau jour, une nouvelle vie. /HRP]

Sujet: Re: Une mécanique bien huilée [Alexender, Raphaël] [01/06/42]

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Une mécanique bien huilée [Alexender, Raphaël] [01/06/42]

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