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Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841]

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Red'maw
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MessageSujet: Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Icon_minitimeJeu 28 Avr - 1:07

La soirée avait commencé de manière relativement paisible … Extrêmement paisible, en fait. C’était le jour de fermeture du Broken Jaw, comme toutes les semaines. Je l’avais tranquillement passé dans le coin de Emminent's park, à me reposer ou lire sur un banc … Le coin, plus tranquille et mieux fréquenté que Whitechapel, me permet en général de bien mieux me relaxer et profiter du temps qui passe. En début d’après-midi, un client (qui vient de moins en moins souvent d’ailleurs) m’a reconnue, et m’a demandé si par hasard je pourrais lui rendre un petit service. Rien de bien terrible : juste livrer, pour lui, un ouvrage qu’il venait de terminer de relier pour un de ses clients. J’aurais probablement refusé s’il n’avait pas laissé entendre après coup qu’il me paierait cette petite commission … après tout. Le raccompagnant chez lui, j’ai patienté quelques minutes sur le pas de sa porte, avant qu’il ne ressorte en me confiant le paquet et l’adresse d’un certain monsieur Butlock. Environ une bonne demi-heure de marche plus tard, j’étais à cette dernière, et toquais à la porte principale en espérant que la personne serait là … gagné. Lui expliquant – non sans quelques difficultés – qui j’étais et pourquoi je lui remettais ceci, il insista pour me faire entrer prendre une tasse de thé, « à titre de dédommagement » … Là aussi, j’aurais pu refuser, mais étant donné que je ne retournerais probablement pas à mon parc par la suite et que je n’avais rien de prévu … Et puis, ce n’était pas comme si je me sentais vraiment menacée par un petit vieux auquel manquait une jambe, et dont la maison était un capharnaüm de bouquins voir de parchemins plus ou moins rangés … Me dégageant une place dans un fauteuil, j’eu à peine le temps de prendre la tasse de thé qu’il me tendait (il venait de s’en préparer une théière) que j’étais plus ou moins forcée d’assister à un petit exposé sur les livres … Dans les 10 premières minutes, je tentais de partir : plus ou moins sans succès … au final, je finissais par me résigner à rester bien callée dans le vieux fauteuil de cuir, à boire dans ma tasse et à manger des petits gâteaux secs. Le tout, bien entendu, en calant un mot ou deux de temps en temps pour faire signe de vie …

Je ne savais même pas que de vieux bourgeois comme celui-ci existaient : assez riche pour ne pas avoir à travailler, mais trop intelligents pour simplement se prélasser dans l’oisiveté. On aurait dit un tuteur en manque d’élèves … Ou de conversation en général. Cependant, et même si son exposé plus ou moins détaillé sur l’évolution du taux d’analphabète en Angleterre était assez intéressant, je ne pus au bout d’un moment m’empêcher de l’interrompre franchement, avant de lui pointer la fenêtre du doigt … Il était déjà plutôt tard. Ce n’était pas comme si David s’inquiéterait vraiment de ne pas me voir revenir avant le coucher du soleil, mais j’aurais aimé dîner … Et si possible, ne pas me balader en tenue féminine à la nuit tombée dans les ruelles de Londres. Malheureusement, ce second projet semblait compromis : la nuit était déjà bel et bien tombée … les horaires hivernaux. Prenant donc congé de cet hôte sympathique, mais probablement un peu étourdi, je parcouru de nouveau les rues de Londres, revenant vers le quartier Irlandais … et je compris assez rapidement que ce cher Butlock, malgré sa bonhommie tout innocente, m’avait collé dans de beaux draps. Bien entendu, en plein cœur de l’hiver j’aurais été sotte de simplement me vêtir de vêtements légers : la robe en feutre que je portais était surmontée d’un petit gilet, qu’accompagnait mon écharpe blanche. De jour, cette tenue avait été parfaitement suffisante, de nuit, elle était … légèrement en dessous de ce dont j’aurai eu besoin. Mais la température, si fraiche soit-elle, n’était pas ce qui me dérangeait le plus. Si j’ai pour habitude de ne pas systématiquement aborder une allure très féminine, c’est tout simplement parce que les rues de la ville où je me trouve ne sont pas extrêmement bien fréquentées : les ruelles des bas quartiers dans lesquelles je m’engageais pour rentrer ne firent pas exception. Je pense que c’est du côté de Suzanne’s park que je repère les 3 ou 4 crétins qui se sont visiblement mis en tête de me suivre : si je n’étais pas observée, je me frapperais presque … Bien entendu, une règle d’or lorsqu’on ressemble à une proie sans défense est d’aller traîner dans un coin rempli de prédateurs plus ou moins opportunistes.  

J’entends quelqu’un me siffler, mais je fais la sourde oreille alors que je sors du parc, passant de nouveau sur le pavé. Derrière moi, le bruit de paires de souliers qui claquent sur le pavé est aussi prévisible qu’agaçant lorsqu’il parvient, également, à mes oreilles. Je tourne à l’angle d’une rue, et presse légèrement le pas … mais lorsque, au coin de la rue suivante, je laisse un de mes yeux regarder là d’où je viens, ils sont toujours en train de me suivre, et pressent même légèrement le pas. Or, dans la tenue que je porte, je sais parfaitement que si je tente de me mettre à courir, j’ai toutes les chances du monde de m’emmêler les pieds dans ma robe ou quelque chose du genre … Je regrette mon pantalon. Je peste mentalement à plusieurs reprises, tentant de les perdre entre les taudis et les masures délabrées : on sent clairement que je m’enfonce dans un quartier pauvre … Mais pas assez vite, et je le sais. C’est finalement à l’angle d’une tannerie – je reconnais l’odeur – et d’une maison en particulièrement mauvais état qu’une main accroche mon bras, et me force à m’arrêter. Je pivote, et tente de récupérer mon bras … sans succès, l’autre a de la poigne. Très irritant.

- Dis-donc, ma grande, t’as les oreilles bouchées ? ça fait quelques temps qu’on t’appelle, tous les trois …
- Ooooh, elle est encore plus mignonne de près !
-’Rien entendu.
- C’est pas faute d’avoir sifflé bien fort … Pas vrai Boris ?
- Ah, ça …
- Lâches-moi.
- Tiens … Pas commode, la donzelle. Tu es pressée, tu as un ménage à finir chez la personne à qui tu sers de bonne ?
Je remue le bras pour le récupérer : encore une fois sans succès. Je ne crois pas qu’il saisisse la nuance entre « peur » et « colère » dans la voix des gens, ou en tous cas, il ne la détecte pas dans la mienne.
- Lâches. Moi.
- Sinon quoi ?
- Aller, fais pas ta timide … Tu vas voir, on va t’apprendre des trucs rigolos.

Celui qui dit cette phrase a la – fort – mauvaise initiative de faire un pas en avant, et de poser une main sur un de mes seins, qu’il presse à travers 3 couches d’étoffe. Le problème, c’est que j’ai toujours une main de libre. Et très rapidement, cette dernière forme un poing, qui s’écrase sur le nez crochu du type. Ce dernier, surpris, s’écroule en arrière : avant même que le copain qui me tient le bras ne réalise réellement, mon genou lui a percuté les côtes pour que la douleur le fasse me lâcher. Le stratagème réussit : d’un geste brusque, je me dégage, avant de … trébucher. Le troisième vaurien, peut-être plus vif d’esprit que les deux autres, a eu la présence d’esprit de mettre son pied en travers des miens. Je m’écroule dans la boue en réussissant à amortir le choc avec mes bras … mais ça ne me permet pas d’éviter le coup de pied qui vient juste après. Le tissu m’empêche de répondre de la même manière, ou même de me relever rapidement : je fais à peine un pas avant de retourner contre le sol. Les deux autres se reprennent, malheureusement, et ensuite … je remercie mes penchants pour le combat. Par pour les réflexes, la musculature, ou la résistance qu’ils ont développé chez moi … Mais tout simplement parce que du coup, j’ai l’impression de « moins » souffrir lorsqu’ils se mettent à me bourrer de coups de pieds en jurant comme des charretiers.

Ca ne dure pas très longtemps, mais c’est assez intense : l’un d’entre eux me met 3 ou 4 coups en pleine bouche. Je sens dès le premier qu’il me fait légèrement éclater la lèvre inférieure … elle était gercée de toute manière. La faute au froid. En revanche, les suivants déchaussent la majorité de mes dents de lait de devant … ils ne se rendent même pas compte que je les crache. Celles que les coups n’ont pas délogé viennent, de toute manière, tomber toutes seules … Je connais parfaitement le phénomène, à vrai dire. En attendant, je me roule en boule, et attend que les coups ne cessent. Ils mettent plus de temps à le faire que je n’aurais cru, et beaucoup plus que désiré, bien entendu. Lorsque les pieds cessent de s’abattre sur moi, une main vigoureuse me saisit au niveau du col, me soulève, et le plaque contre un mur … celui qui m’a saisi tout à l’heure, qui est accessoirement le plus grand et large du groupe, me regarde avec de petits yeux mauvais. J’ai fait saigner du nez l’autre que j’ai frappé tout à l’heure … L’expression qu’il a tire un coin de mes lèvres sur le côté, dans un rictus amusé et légèrement douloureux : je dois avoir un bleu sur la joue. Lentement, je sens quelque chose de pointu percer mes gencives en plusieurs endroits, là où les dents sont tombées : d’autres naissent … mais elles n’ont clairement pas la même forme. Je garde les lèvres closes pour les cacher … pour l’instant. Je crois, pendant une seconde, saisir du coin de l’œil une silhouette, à l’entrée de la ruelle … mais je n’ai pas le temps de gérer d’éventuels témoins. L’un des types siffle en observant ma tête, ne s’attendant visiblement pas à ce que des coups de pieds à répétition ne l’abîment à ce point. Imbécile.

- C’est qui qui l’a frappé comme ça ? C’est quand même mieux quand elles sont plus agréable à regarder, bordel …
- Ta gueule Erik. T’es calmée, toi ? Parce que sinon, on peut recommencer autant de fois que tu veux …
- Vous avez vu son sourire ? Elle est flippante …
- Je serais d’avis de lui en coller une ou deux de plus, juste par sécurité … Normalement, elle aurait dû être dans les vapes, là.

J’ai envie de balancer quelque chose, mais aucune répartie ne me vient. En revanche, celui qui me porte tente de me balancer son poing dans la figure. Il ne me tient pas assez fermement : je parviens à bouger la tête sur le côté. Pas assez pour empêcher sa main de me racler la joue, mais assez quand-même pour qu’il frappe dans le mur de briques qui se trouve dans mon dos. Le hurlement de douleur qu’il pousse provoque en moi une vague de satisfaction, et ce n’est pas la parodie de claque qu’il m’envoie en me voyant sourire qui saurait la réprimer … au contraire. Il m’a lâché pour la donner. Le con.

La seconde qui suit, je lui ai administré la droite de sa vie. Normalement – et j’insiste sur ce terme – une fille de mon âge et de ma taille devrait être incapable de frapper aussi fort. Normalement. Je sais très bien que je ne suis pas normale … et si j’avais besoin de confirmation, la manière qu’il a de rejoindre le sol comme une poupée désarticulée en serait une de qualité. Les deux autres reculent. L’un d’eux sort un couteau. Il est petit, rouillé, et pas en très bon état. J’expire deux fois par le nez pour marquer mon amusement, et fait un pas dans sa direction. Il me tend le bras pour tenter de me poignarder. Je le saisit d’une main contre le coude, et de l’autre contre son poignet, et le bloque. Un instant, il a l’air de ne pas comprendre. Puis, subitement, je force assez pour plier son coude … dans le mauvais sens. Il hurle et lâche son arme : le dos de mon poing droit lui heurte la tempe et l’envoie bouler contre un mur de brique. Le premier type, visiblement moins sonné que je ne l’aurais cru, tente de se relever. Je lui place un coup de pied en plein dans la mâchoire inférieure : j’ai la satisfaction de la sentir craquer, et de la voir se déformer anormalement. Il retombe aussitôt à terre, alors que je pivote vers le 3ème larron. Lui n’a pas bougé d’un pouce … Il est maigre, pas beaucoup plus grand que moi, et n’a même pas dégainé la serpe passée dans la corde qui lui sert de ceinture. Il ne recule même pas rapidement lorsque je m’approche de lui, et pose mes mains sur ses joues … Je crois qu’il essaie de balbutier quelque chose. Il n’en a pas le temps : je tire son visage vers le mien, et pose mes lèvres contre les siennes. De toute évidence, il ne s’attendait clairement pas à ça : je le sens se tétaniser encore plus. Puis, lentement, il se détend … je pense que le goût de mon sang qui glisse dans sa bouche l’anesthésie, ou quelque chose du genre … Avec curiosité, je tente de voir s’il ouvrirait les lèvres, si je tentais de glisser ma langue entre … Mon geste semble le réveiller : j’ai le plaisir – ou le déplaisir, je réalise seulement à quel point sa bouche doit être sale – de le sentir coopérer. Voir même, de s’emballer : il ne lui faut que quelques secondes pour faire la même chose dans l’autre sens …

C’était précisément ce que j’attendais : refermant les dents d’un coup sec, je lui sectionne une bonne partie de la langue. Il tente de hurler, mais mes mains sont toujours sur ses joues : je colle ma bouche à la sienne, et bois de force le flot de sang qu’il répandrait dans le cas contraire partout sur le sol ou autres … Sentir le liquide carmin me couler aussi bien dans la gorge que sur le menton apaise tout le ressenti que j’avais en moi, et au bout d’un moment je finis même par libérer son visage et le laisser tomber sur le cul, gesticulant comme un enfant un peu attardé et me fixant avec des yeux terrifiés. Reculant un peu à l’aide d’un de ses bras, il finit par avoir la présence d’esprit de tirer son arme blanche. En glissant une main sous ma chevelure, je sors également la mienne … Et lui envoie d’un geste dans le ventre. Mon coup de pied le coupe en plein milieux de son cri. Je ne sais pas s’il perd connaissance ou pas, mais il ne résiste pas et ne remue que faiblement lorsque je me penche pour récupérer mon arme, dont je lèche la lame avec application … je ne pense avoir rien percé de vital, mais je ne suis pas médecin, après tout.

C’est seulement après avoir rengainé que je me souviens de la silhouette, et pivote le crâne … était-elle réellement là tout ce temps ? Bah … que ce soit un simple passant à effrayer, un nouvel adversaire, ou juste quelqu’un qui va s’en aller comme il est venu, ça ne change pas grand-chose pour moi. J’aimerais juste qu’il évite de fuir : je risque d’avoir du mal à le poursuivre, en robe …


La mâchoire rouge... Pourquoi un tel nom ?:
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Krieg
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Proie(s) : Tout le monde.
Oui.
Absolument tout le monde.
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Crédit Avatar : Veronica Anrathi
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MessageSujet: Re: Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Icon_minitimeMar 17 Mai - 12:39

"Ne fais jamais confiance aux bas-du-front de ce genre." C'était ce qu'avait dit le boss, ce matin, après avoir briefé, une énième fois, les gros bras du quartier. Slick n'avait pas vraiment écouté. C'était comme ça que ça marchait, la plupart du temps. Le boss se perdait au moins dix minutes par jour dans un monologue aussi long que chaotique, Slick et les autres hochaient la tête sans vraiment écouter, puis partaient "bosser". Mais, parfois, quelques-unes des paroles de Krieg prédisaient un évènement à venir. Comme ici.
"Ne fais jamais confiance aux bas-du-front de ce genre." Slick comprenait bien maintenant. Il leur avait pourtant donné un job facile : "Intimidation et vol à la tire sur tout ceux qui passent votre zone". Bon sang, même à quatorze ans il aurait été capable de suivre ce genre d'instructions !
Et non, au lieu de se tenir au coin qui leur était dédié, ils avaient suivi une donzelle en laissant, au passage, librement passer un couple de faux-bourgeois souhaitant visiblement s'acoquiner dans ce genre d'endroits. Comble du bonheur, ils venaient de se faire massacrer de la manière la plus sale et pitoyable possible. Par cette même donzelle. Les coups portés par cette dernière s'étaient révélés si satisfaisant à voir que Slick avait abandonné l'idée d'aller porter assistance à la bande pour observer, tout simplement, jusqu'à ce que ça soit terminé.
Et ça l'était. Ils étaient tous tombés. Sans exception. Les moins amochés tentaient encore, difficilement, de se relever, pour l'honneur, mais même un aveugle particulièrement attardé pouvait comprendre que la fille les avait tout simplement humilié. Ca s'entendait aux gémissements des plus faibles.
-Le pire, dans tout ça, c'est que le boss va encore me dire qu'il avait raison. Fit Slick en se décollant du mur sur lequel il était appuyé depuis le début de l'échauffourée. En reconnaissant sa voix, l'un des incapables gémit un peu plus fort. Pitoyable.
Ses yeux -ou plutôt son oeil encore valide- se posa sur la silhouette de la dame. Hm, pas trop mal. Un physique de pute de qualité moyenne. Gros derrière, petite poitrine. Face de cinglée. Un peu trop gamine à son goût. Hm. Voilà qu'il se met à devenir aussi critique que son boss. Ce n'était pas son genre, pourtant. Il avait abandonné l'idée d'être difficile avec les filles depuis que ses bons vieux geôliers lui avait coulé de la cire brûlante sur la partie gauche du visage.
-J'm'appelle Slick. On s'est déjà croisé, nan?"
La dame à pas l'air bien. Sur la défensive. Elle le prend sans doute pour l'un des leurs. C'est presque vexant. Mais pas important. D'où lui vient ce petit air familier? Une serveuse d'un des bars où il glande? Une catin ? Ah, ça y est, quelques souvenirs confus la concernant s'empilent pour former quelque chose de plus ou moins concret.
-Ah, je commence à comprendre. J'avais du mal à faire le rapprochement, avec ta chouette petite robe. Tu te bats, pas vrai? Avec les grands gars des docks !
Slick s'approcha d'un des corps encore au sol pour le gratifier d'un coup de pied dans les côtes.
-Qu'est-ce que vous venez d'apprendre, là, les filles?
-Pitié...Le dis pas à ton...
Nouveau coup de pied.
-Tenir une position, c'est pas si compliqué nan? Tenir. Une. Position.
Le type au sol tremblait maintenant. Un autre tentait de relever celui qui avait écopé d'une lame dans le ventre en grinçant des dents.
-Relèves-toi...Relèves-toi bordel ! Slick attrapa le paresseux par le col et le souleva d'un coup. Vu de l'extérieur, la scène paraissait relativement amusante, puisque le type en question faisait deux fois la taille du balafré. Mais personne n'avait envie de rire, à ce moment-là. A part peut-être la fille. Pour le sport, Slick attribua une paire de gifles au grand incapable.
-Si j'étais toi, je changerais de monde. Il aime pas trop la désobéissance.
-C'est la dernière fois qu'on le fait, je te jure !
-J'en doute pas une seconde. Foutez le camp.
Ils s'exécutèrent. Bras dessus, bras dessous, tirant les plus amochés derrière-eux en couinant comme des gosses. Le balafré les observa partir en crachant par terre. Bon, maintenant, faire comme le boss le disait toujours. Profiter de l'occasion. Les éléments solitaires et indépendants sont les plus utiles et recherchés. Oui...Elle à l'air indépendante. Il lui adressa un nouveau regard, nettement moins scrutateur que le premier.
-Bon, hm...Pour toi maintenant, trois choix s'offrent à toi : Sois tu oublies ce qui vient de se passer. Sois tu les poursuis. Sois tu me rejoins là, demain, en fin d'après-midi. Mon boss aura peut-être un boulot pour une frappeuse de ton genre. Il ponctua sa phrase en tendant à la demoiselle un bout de papier graisseux, sur lequel était griffonné une adresse mal orthographiée.
S'ensuivit un court silence, pesant, durant lequel elle le jugea du regard sans essayer de le cacher. Slick s'éloigna en souriant, les mains dans les poches de son pantalon de lin sale et décoloré. Avant de disparaître dans les ténèbres d'une ruelle adjacente, le balafré ajouta néanmoins :
-T'inquiètes pas, c'est pas un travail qui nécessite de vendre son cul au plus offrant...

✞ ✞ ✞ ✞ ✞ ✞

Les genoux dans la boue, les vauriens pleurent. Les larmes coulent toujours lorsque ça arrive. Ils le savent tous. Il n'aime pas la désobéissance.
-Et donc, je me lève ce matin. Pas trop tôt, comme vous le savez, en me disant que je vais passer une bonne journée. J'ai tout bien fais comme il fallait, le jour d'avant. J'ai briefé les plus malins d'entrevous, et ait chargé Slick de faire passer le message aux autres, alors...Pourquoi ça n'irait pas? Pourtant, qu'est-ce que j’apprends, à peine arrivé en ville? Qu'une bande de quatre abrutis ont manqués à leur devoir de malfrats pour se faire rétamer. Par. Leur. Propre. Proie. A une contre quatre, une ! Parce que oui, en plus, c'était une frêle donzelle. Bien. Bien, bien, bien.
Les incriminés ne bougent pas, ils continuent simplement de fixer leurs genoux enlisés. Ce genre d'affaire se passe en dehors de la ville, dans la forêt. Au bord d'une des rivières puantes infectées par les détritus des égouts de Londres. La lumière du soleil crame la rétine des rats de ruelles et ne disparaît que lorsque l'ombre de leur chef mécontent s'arrête devant eux. L'un des quatre crache encore un peu de sang. Un pansement suintant de pue à été posé à la va-vite sur la plaie que la lame de la dame lui à infligé, hier. Le pauvre pleure comme les autres, mais au lieu d'être simplement à genou, il est allongé sur le dos. Pas dormi de la nuit. Plus assez de force pour tenir. Ses viscères lui font un mal de chien. Slick est en retrait, comme toujours. Le jeune balafré, bras croisés sur le torse, observe son chef faire les cent pas devant les incapables en se délectant de la peur sur leurs visages. Sur sa gauche, on à posé une vieille valise ouverte, d'où dépasse plusieurs crochets de bouchers semblables à des hameçons géants. L'incapable avec la langue coupée ne la quitte pas des yeux depuis son arrivée. Ca amuse autant Krieg que Slick.
-Slick?
L'intéressé lève la tête.
-Ouai?
-Elle arrive quand, la gamine?
-J'ai chargé William de l'amener ici...Si elle se présente à l'adresse que je lui ai donnée hier, je veux dire...C'est pas comme si notre organisation avait fait une bonne première impression, avec ces blaireaux.
-T'es sûr qu'elle sait lire au moins?
Slick hausse les épaules et Krieg frappa du pied dans les côtes du type allongé.
-T'endors pas toi.
Son voisin de droite lève la tête pour parler d'une voix cassée.
-Il est vraiment pas bien ch...
-La ferme. Ou vous serez tout les deux vraiment, vraiment pas bien.
Il s'exécute en aidant l'autre à se relever. Slick ricane et Krieg siffle d'agacement. Après un court silence, le vieux loup ajoute :
-Bon, si elle est pas là dans quinze minutes, on commence sans eux. J'ai pas toute la journée.
Le balafré hausse encore une fois les épaules. Il n'est pas sûr que son chef ait grand chose à faire dans la journée, en fait. A part lorsqu'on nécessite sa présence, personne ne le voit jamais en ville. C'est pourtant pas une gueule facile à rater. Même sous sa forme humaine, on dirait un prédateur. Surtout sous sa forme humaine, en fait.

De son coté, Krieg est dubitatif. Le jeune Slick est quelqu'un de débrouillard, bien entendu. Si il pense avoir déniché une talentueuse recrue, ça vaut le coup d'attendre un peu. Cependant...Prendre une jeunette dans une organisation criminelle simplement parce qu'elle à corrigé quatre abruti, ça semble un peu léger. Bien sûr, elle se bat dans les Docks, elle se bat bien même. Mais casser le nez d'un docker illettré, c'est autre chose qu'égorger un représentant de l'ordre récalcitrant avec un couteau rouillé. C'est moins crade. Plus moral.
-Chef.
En reconnaissant la voix de William, Krieg cesse de tourner en rond pour faire volte-face dans sa direction. Le jeune fouineur n'est pas seul, derrière-lui se profile la silhouette de la demoiselle dénichée par Slick. Celui-ci semble d'ailleurs plutôt satisfait. Il ne savait vraiment pas si elle allait venir, ça se voyait dans son regard.
-Parfait, au moins vous êtes à l'heure.
-Y'avait une heure précise? S’inquiète William.
Le vieux loup sourit d'avantage et répond :
-Non, justement. Bon, mademoiselle? Moi c'est Krieg, le boss de Will et Slick, que tu connais déjà, et le cauchemar de ces quatre abrutis, ici présent. C'est pas très important. Avant que nous poussions d'avantage l'entretien, il faut d'abord que tu vois quelque chose...
La suite fait trembler William, pas encore vraiment habitué, tout en faisant sourire son collègue balafré. Krieg se baisse vers la valise et attrape l'un des crochets, puis s'approche du type allongé. Ce dernier se redresse difficilement et recule en patinant dans la terre mouillée.
-Ah, tu vois que t'avais encore assez de force pour bouger finalement. Grince l'ancien mercenaire en posant son pied sur le torse du fuyard pour l'empêcher de reculer d'avantage.
-N...non-chef-s'il-vous-plait-on-le-fera-plus! Non-pitié-non-pitié-chef-je-vous-en-supplie-pitié-ne-faites-pas-ça-chef-je-vous-en-conjure !!!
-Tu me conjures? Tu me demandes un élan de clémence? A moi?
Krieg pouffe. Les trois autres incapables regardent, sans un mot. Pas parce qu'ils ne veulent rien faire. Mais parce qu'ils savent qu'ils ne peuvent rien faire. Slick les fixe. Il n'attend qu'un mouvement de leur part pour prendre part aux réjouissances.
-Je ne supporte pas les chiens de ton genre, incapable de maîtriser leurs plus basses pulsions. Tu as tenté un viol et un meurtre, hier, tu t'es raté en plus. Et maintenant tu me parles de pitié?
-Chef...
Le crochet rentre par l'œil droit, avec une lenteur calculée. Il hurle de douleur, alors Krieg hurle avec lui. Lorsque la pointe est totalement passé à travers le nerf optique, et que ce dernier gratte contre l'os, le mercenaire appuie. Quelque chose craque. Les hurlements cessent, mais le corps continue à bouger. L'acier est entré dans la boite crânienne et gratte la cervelle. Ces bruits font grimacer les trois autres, qui continuent de pleurer, les yeux fermés. William à détourner le regard depuis un moment. A l'inverse de Slick. Il attend toujours que l'un d'eux tente de fuir.
Mais ils ne fuient pas. Ils sont trop amochés de toute façon. Les règles sont strictes dans la bande. Se soustraire à la douleur d'une punition méritée, c'est condamner tout ses proches. Au moins deux des trois ont des gosses. C'est pour ça qu'ils restent. Le troisième, moins vieux que William, doit penser très fort à sa maman pour ne pas tenter de prendre ses jambes à son cou. Etre témoin de tant de faiblesse est écœurant. Mais ça n'empêche pas Slick et son chef de pouffer régulièrement.
-C'est pratique, pour accrocher les corps, plus tard. Les crochets impressionnent plus que les banales cordes autour du cou ou des pieds, tu comprends? Explique Krieg en retournant vers la valise. Une fois que c'est bien rentré, c'est insupportable à faire ressortir, à cause de la courbure. Alors tu plantes le bout du crochet qui dépasse dans un mur, et tu laisses le macchabé pendre là, avec sa cervelle en purée et son œil qui dégouline sur le pavé. Y'a que nous qui faisons ça, alors le message passe plutôt bien, la plupart du temps. Attends, je te remontre.
Le vieux loup porte son attention sur celui qui à la langue coupée. Ce dernier pousse des glapissements encore plus pitoyables que l'autre, et bien moins humain. Difficile de s'exprimer normalement, dans son état. L'incapable ne rend pas l'âme tout de suite lorsque la pointe atteint finalement la cervelle, et Krieg est obligé de le retenir par la nuque lorsqu'il se met à ruer comme une vieille carne sous l'effet de la douleur. La mort le prend deux minutes plus tard. Son tueur abandonne sa carcasse sans plus de cérémonie et retourne vers la valise. Après avoir râlé pendant un bon moment, en tentant de retirer un pique solidement planté dans le cuir, il se redresse finalement et jette l'un des instruments de morts improvisés aux pieds de la dame.
-Essaies.


Ce monstre n'est pas un loup-garou ordinaire. Cruel, calculateur, sadique et manipulateur, il est l'avatar même de ce que nous, humbles chasseurs, avons jurés d'exterminer. ~Extrait du journal de feu Charles Moorhis.
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Red'maw
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MessageSujet: Re: Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Icon_minitimeDim 22 Mai - 15:25

Si trois options s’offrent réellement à moi, il oublie peut-être de mentionner la 4ème … A savoir : que lui aussi, je pourrais le réduire au silence. Je ne sais pas depuis quand il est là, je ne sais pas qui c’est – probablement le « supérieur » des trois autres crétins – et je ne sais pas exactement ce qu’il s’imagine à mon sujet en me matant avec autant de pudeur que si j’étais une pute qu’il venait de se tirer, mais d’une part, il m’inspire un profond dégoût, et en plus, il a l’archétype d’une sale gueule. Je hausse presque un sourcil lorsqu’il me tend un papier : il sait écrire, lui ? … visiblement, oui, mais mal. Je connais le quartier où il me demande de me rendre … Ya pratiquement rien, là-bas, à part de pauvres miséreux qui parviennent à peine à survivre avec les miettes qu’ils glanent ça et là. La dernière phrase qu’il me balance avant de disparaître me redonne subitement l’envie de le rattraper et de lui mettre mon poing là où je pense … mais je finis par me retenir, et par m’appuyer contre le mur, seule avec mes réflexions. Un travail pour une cogneuse … ce n’est pas que je m’ennuie au Broken Jaw, ni que je n’aime pas David, mais bon … d’un autre côté, est-ce que je suis totalement prête à basculer dans l’illégalité totale ? Parce que ça ne fait aucun doute : si son boss a « un boulot » pour moi, ce sera probablement le genre de job qui pourrait me coûter quelques mois, voire années derrière les barreaux. Et je ne mentionne même pas la corde … Je frotte mes dents avec ma langue. Fines, pointues, très légèrement dentelées … David risque de ne pas apprécier. Je dois pouvoir négocier mon après-midi, probablement … Je reviendrai faire le service dans la soirée, quand les clients seront trop ivres pour distinguer mon sourire … tssss. Cette histoire est ridicule. Je regarde une nouvelle fois l’adresse … avant de fourrer le papier dans une de mes poches, et de quitter à mon tour la zone. Je me sens lasse.

* *
*

David m’a laissé partir, finalement. « Mieux » : il m’a dit qu’il avait rencontré pendant la journée un petit jeune qui, potentiellement, pourrait venir bosser à la taverne quelques jours de la semaine. Il ne serait pas payé une fortune et serait loin de faire autant de boulot que moi, mais bon … Décrocher un travail honnête, par les temps qui courent, ce n’est pas forcément gagné : si tout se passe bien, mon patron l’embauche à plein temps … et me déleste de quelques-unes de mes heures. Le gosse vit chez sa mère, à quelques rues de là : il doit avoir 16 ans … 17 ? J’ai mal écouté lorsqu’il me l’a dit, et je ne l’ai pas vu en personne : moi, je suis à l’adresse que j’ai reçu hier. Le coin est aussi miteux que ce à quoi je m’attendais : j’ai presque peur de dégonder la porte lorsque je tape trois coups secs sur le battant. Il faut que je m’y reprenne à deux fois pour finalement entendre un « oui oui, j’arrive !» me parvenir de loin … Je n’ai pas entendu très distinctement, mais la voix me semble jeune. Les sourcils froncés, je regarde la porte s’ouvrir. Effectivement, ce type est jeune … Plus que moi. Plus que je n’ai l’air de l’être, en fait. Une nouvelle fois, j’ai l’impression de m’être trompé d’adresse : ce ne serait pas impossible dans la mesure où celle que j’ai reçu avait une ou deux belles grosses fautes, si ça se trouve, je devrais être en train de me balader sur les chouettes allées pavées aux alentours de Piccadilly. Mais lorsque je sors de ma poche le papier sale qu’on m’a passé hier et que je le tends au gamin, il l’observe un instant, puis me regarde avec un espèce de sourire. Je crois qu’il est soulagé que je ne sois pas un énorme marin mal rasé et à moitié ivre qui s’enfermerait volontiers quelques instants avec lui dans la baraque pour lui faire découvrir toutes sortes de choses peu catholiques et potentiellement douloureuses. J’ai même l’impression que là, c’est lui qui souhaiterai que je le fasse. Quel dommage.

- Heum … Moi c’est William. Enchanté.
Je sers la main légèrement molle et moite qu’il me tend sans me départir de mon air neutre.
- ‘chantée. C’est ici ?
- … Ici …
- Le rendez-vous (je n’ai aucune idée de s’il comprend le français, surtout avec mon accent, mais vu comment ses yeux s’illuminent, je crois que oui)
- Ah, oui ! Non. Bordel ! - C’est Slick qui vous a passé ça, hein ? J’opine du chef en essayant de cacher mon envie de lui en coller une et de m’en aller. - Juste que je sois sûr de … pas m’être trompé. Visiblement, je ne suis pas très efficace quand je vois la tronche qu’il tire. Je réessaie. - Il … m’a dit d’attendre quelqu’un ici, et de la conduire au vrai point de rendez-vous.
- Ah … Bon.
- heum … on y va, alors ? Je hoche la tête en m’écartant un peu sur le côté. - B-bien ! Suis-moi !

… Je l’avoue, je ne m’attendais pas à ça … Et là je ne sais plus à quoi m’attendre du tout. Bon point : William sait à peu près où il va, et même si j’ai naturellement tendance à me méfier en voyant certains quartiers par lesquels nous passons, je comprends à son allure et à la manière qu’il a de vérifier régulièrement si je le suis – mais pas de s’arrêter pour trouver son chemin – que l’affaire a bel et bien été planifiée, et que ce gosse ne joue bel et bien que le rôle de guide. Nous sortons rapidement de Londres : ce n’est ni vraiment une bonne, ni une mauvaise nouvelle de mon point de vue … Quoique j’aimerai éviter qu’on retourne à Glasgow à pieds bien entendu, mais ça n’a pas l’air d’être le cas là non plus. Au bout de peut-être une demi-heure de marche que je m’efforce de garder silencieuse (je ne réponds en tout et pour tout qu’à une seule de ses questions, un « ça va ? légèrement incongru) nous débarquons à côté d’une des petites rivières, reliées à la tamises, dans laquelle on retrouve la même eau boueuse et polluée qu’en ville, sinon une pire encore. Le type à la figure à moitié grillée de la veille est là : je mets quelques instants à me rendre compte que mes agresseurs aussi … Plus grâce aux plaies qu’aux visages, en réalité. Cela dit, c’est compréhensible : je doute que beaucoup de demoiselles puissent identifier visuellement de parfaits inconnues qui les ont suivis dans une ruelle sombre pour la bloquer, avant qu’elles ne leurs refassent plus ou moins proprement le portrait. Et il y a aussi ce type aux longs cheveux noirs, que je présume immédiatement être le chef du groupe. Pas parce que ses frusques font un brin moins miteuses. Même pas parce que William l’interpelle en disant « chef ». Ni à cause de son sourire pointu, qu’il assume visiblement pleinement … Non, ce qui me dit, en premier lieux, que c’est bien le dirigeant de … quoi que soit ce groupe d’ailleurs, une bande, une organisation, ou quoi que ce soit … C’est tout simplement le fait qu’au moins 5 personnes ici ont peur de lui. Les 4 gusses à terre, et William. Slick, lui, a plus l’air content de me voir qu’autre chose : je ne sais pas quoi en penser. Et le type, qui se présente sous le nom de Krieg, lui … il a une tête rappelant celle des clients qui viennent dans une taverne dans l’unique but de provoquer une bagarre. Pas d’y participer. De la provoquer. Et probablement d’achever les survivants.

S’en suit une scène qui a le mérite de me faire quitter l’air neutre / blasé que je tentais de maintenir jusqu’ici. Je ne sais pas à quoi je m’attendais en débarquant ici, mais … pas à voir mes agresseurs … « châtiés » de la sorte. Ce qui m’étonne, c’est qu’ils ne tentent même pas de se soustraire à la condamnation arbitraire qui leur tombe dessus, pas plus qu’à la peine infligée : c’est tout juste s’ils tentent misérablement d’argumenter. C’est plus pitoyable qu’autre chose, et aussi efficace que de l’huile sur un feu : je crois même que le dénommé « Krieg » prend plus son pied en les voyant à sa merci de telle manière que s’ils s’étaient contentés de subir sans protester … Cela dit, je ne sais pas s’il est venu à l’esprit d’un de ces crétins de ce battre. L’idée me paraît rapidement stupide : à 4 contre une, ils ont perdu et ont étés salement amochés … Quelque chose me dit qu’ils savent qu’ils ont encore moins de chances maintenant et avec ce type. Je me force donc à regarder sans trop sourciller un, puis deux de mes agresseurs prendre un crochet dans l’œil et dans le cerveau. Je prête à peine attention à l’explication que je reçois : je suis un peu trop concentrée sur le spectacle qu’offre le macchabé encore chaud qui a servi d’exemple en premier. Je crois que je sursaute presque lorsqu’un nouveau crochet atterris à mes pieds : j’ai une seconde d’absence, avant de m’accroupir pour le ramasser, puis de me redresser … J’ai deux cibles potentielles. Je tire la tronche … Je n’aime pas avoir un choix de ce style. Je fais également taire la petite voix dans mon crâne qui me souffle que tuer, c’est mal. Ce sont des pourris, des moins que rien, de pauvres types, et s’ils étaient à ma place, ils n’hésiteraient pas … tsss. S’ils étaient à ma place, ils n’auraient pas à décider qui y passe en premier. Finalement, je me rends comptes que celui des deux qui pleurniche le plus, dans le plus grand silence et sans que personne ne s’en rende compte, a souillé ses bas … Avec un soupire, je me dirige vers son camarade. Lorsqu’il s’en rend compte, il déglutit, avant de me parler avec un calme que je ne lui aurais pas cru … Surtout sachant que c’est celui auquel j’ai retourné le bras hier. Je me demande comment il a réussi à se le mettre en écharpe : on a dû le faire pour lui, vu le nœud.

- écoutes … Je … Je suis désolé pour hier soir. Ca se voit à ton visage oui.- Je … On voulais … Ecoutes, je suis sûr que t’as pas vraiment à faire ça ! J’aie eu à planter l’œil de personne pour rentrer dans le groupe moi, je suis sûr que c’est pas le cas pour toi ! Il panique légèrement. Je me doute qu’il dit la vérité, et même si son argument n’est pas forcément des plus pertinents, je pense qu’il cherche à me donner du grain à moudre. Il reprend son souffle avant de continuer, visiblement conscient qu’il joue sa vie sur comment il parviendrait à m’influencer. - Je … J’ai une gamine. Qui a ton âge. J’hésite à lui répondre que ça rend particulièrement tordu le fait qu’il ait voulu me violer, mais ni le temps, ni l’envie, ni la possibilité pratique. - Tu n’es pas faite pour … des trucs … aussi sales que ça, hein ? D’un geste du menton, il me désigne les deux corps à côté de lui. Il a le visage couvert de sueur, mais tente de rester calme. Je finis par fermer les yeux en soupirant, et je regarde le crochet à un instant … Je finis par le passer dans ma ceinture.
- Debout. L’expression de soulagement sur son visage me fait presque peine à voir. Pas parce que je sais ce qui l’attends après … Plutôt parce qu’elle me fait prendre conscience d’à quel point la situation est moche. Mais bon.
- tu ne peux pas savoir à quel point je – Je parviens à le couper dans sa phrase d’un claquement de langue, lorsqu’il se redresse. J’ai mis du temps avant de trouver une manière qui fait autant de bruit, d’ailleurs. - … quoi ?
Je claque du doigts de telle manière à ce que mon index, à la fin de mon geste, désigne Krieg, qui se trouve pour l’instant derrière le pauvre bougre. Ce dernier m’observe, puis mon doigt … Puis, finalement, son chef.
- Et lui ?

Je parviens au résultat que je voulais : il finit, au bout d’un instant de réflexion, par réaliser que le fait que je ne sois pas son bourreau ne le tire en rien d’affaire, et se prépare à argumenter quelque chose pour son chef aussi. Je crois. Ou alors, il attends que ce dernier ne s’approche de lui, ne le regarde dans les yeux, et n’aspire son âme par ce simple geste. Je penses d’ailleurs que ledit boss compte dire quelque chose : que ce soit au pauvre minable, ou à moi ... Ou peut-être à Slick, en fait : c’est à cause de ce type que je suis là après tout. Mais quoi qu’il en soit, je ne laisse pas s’écouler plus d’une seconde, avant de franchir la distance qui me sépare du type en un ou deux pas. Ma main passe au-dessus de son crâne, et saisit quelques mèches de cheveux grasses, pile là où se termine le front : je le tire en arrière brutalement, en m’assurant de l’autre main qu’il ne tombe pas par terre. Grosso-modo, cela implique que je retienne une grosse partie de son poids sur un bras, mais j’ai vu pire. Il tente de pousser un cri étranglé lorsqu’il bascule : là aussi, ça ne dure pas beaucoup plus d’une seconde … Parce que je me penche sur son cou que je viens d’exposer, et que j’y plante mes crocs. Mes dents n’ont toujours pas changé depuis hier soir : la dentition de requin dont je suis pourvue déchire les chaires avec une facilité presque déconcertante.

J’ai le plaisir de parvenir à trancher aussi bien la carotide que la gorge : la première pisse le sang à l’intérieur de ma bouche (ce qui me permet de boire comme à une fontaine), tandis que la seconde change le cri qu’il poussait en un gargouillis incompréhensible, et bien moins pénible à l’oreille question intensité. Il tente de se débattre, sans succès : son bras handicapé est de mon côté, et l’autre n’a pas l’allonge nécessaire pour me faire quoi que ce soit de déterminant. Il met peut-être une, deux minutes à s’affaiblir à cause de la perte de sang : tout ce temps, je le légèrement penchée vers l’avant, à m’assurer qu’il ne tombe pas, et à laisser le liquide remonter dans ma bouche avant de passer dans ma gorge. L’anémie fait rapidement son effet, de même que le manque d’air : très vite, ses gestes deviennent bien moins violents, plus mous, puis … cessent tout à fait. Lorsque son cœur n’envoie même plus assez de sang vers le haut pour que je puisse continuer à boire de manière convenable, je referme encore plus les crocs, et arrache un lambeau de chaire, puis laisse le type tomber. Vidant ce que j’ai dans la bouche du plus de liquide possible en le mâchant lentement, je finis par recracher un petit morceau de viande informe, et par m’essuyer la bouche et le menton du reverse de la main … J’ai de la chance : la tenue un peu garçonne que j’ai mis aujourd’hui n’a pas la moindre tâche. Si ça pouvait rester comme ça … M’accroupissant sur le type agonisant, je dégaine finalement mon crochet, et met en pratique la leçon qu’on m’a filé quelques instants plus tôt : il ne résiste pas, ni crie, pas, et ne fais que me fixer d’un œil torve, alors que l’autre éclate, et que son orbite sert bientôt de point d’attache pour le crochet qui lui gratte l’intérieur de la boite crânienne. Me relevant, je soupire en regardant le corps à terre. Je ne sais même plus très bien quoi penser de la situation … C’est probablement la première fois que j’épanche comme ça ma soif sur quelqu’un sans défense. Et devant témoin, en prime. Je me demande si le dernier type va s’enfuir : il a l’air prêt à. Mais finalement, c’est William qui déchire le silence, d’une manière qui n’a pas dû surprendre que moi.

- C’était ça qu’elle voulait dire … Plusieurs paires d’yeux – et un autre, solitaire – se tournent vers lui, demandant de toute évidence une explication. - … Quand j’ai demandé … Si elle allait bien … Elle m’a dit qu’elle avait soif …

… Ce n’est absolument pas volontaire, mais je ne peux pas m’empêcher de pouffer dans mon poing lorsqu’il dit ça.



La mâchoire rouge... Pourquoi un tel nom ?:
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Krieg
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MessageSujet: Re: Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Icon_minitimeMer 22 Juin - 18:24

Krieg souriait en se grattant l'avant-bras gauche. L'air pensif, le vieux loup détaillait la ruine humaine étalée aux pieds de sa nouvelle collaboratrice. Malgré sa très grande expérience dans le domaine du meurtre de son prochain, il ne voyait rien de très intéressant à critiquer concernant la soudaine mise à mort qu'on venait de lui offrir. Ca avait été brutal, sanglant. Cruel aussi, dans une moindre mesure. Avec un peu de travail sur le style, cette gamine aurait toutes ses chances de devenir une très bonne exécutrice. Dans ce genre d'organisation -son genre! - Krieg savait d'expérience qu'il était important de faire peur. Et une bouffeuse de carotide de ce type pouvait faire, ma foi, relativement peur, une fois bien entrainée.
Le vieux loup leva les bras au ciel, parodiant ainsi efficacement une révélation divine, pouffa, puis applaudit vivement en s'approchant lentement de la demoiselle. Derrière, accroupi aux cotés d'un William occupé à rendre tripes et boyaux, Slick ricanait aussi, soulagé par l'apparente approbation de son chef. Les applaudissements du dirigeant de l'étrange meute mirent une longue minute à prendre fin, soixante secondes durant lesquelles Krieg s'amusa à tourner autour de la jeunette et de son cadavre en prenant soin de la détailler exagérément d'un œil critique. Finalement, une fois définitivement satisfait, le mercenaire vint se planter devant elle pour lui mettre la main droite sur le visage. Comble du bonheur, il eut la satisfaction de percevoir son léger mouvement de recul avant qu'elle ne se laisse toucher. Ce que le tueur lui offrit alors n'eut rien à voir avec une douce caresse sur la joue ou, au contraire, une humiliante claque, non. En vérité, ce fut bien plus étrange. Il lui enserra la face, sans pour autant forcer. La paume sur le nez, les doigts effleurant le front pour venir au contact de ses cheveux d'une couleur si étrange pour une femme de son âge. Et ainsi, tout en emprisonnant ce visage embelli par la présence d'un sang ne lui appartenant pas, Krieg fit d'un ton enjoué :
"-Ton avis Slick?"
L'intéressé, qui aidait William à se relever pour la troisième fois, lâcha ce dernier pour grincer, en souriant :
"-Honnêtement chef? En la regardant, je sais pas si je dois bander ou trembler."
Ledit chef retira sa main pour en lécher l'intérieur de la paume, désormais souillée par quelques gouttelettes de raisinés à moitié séché.
"-Dans le doute, fais-les deux." Cracha-t-il en plongeant son regard dans celui de sa trouvaille.
Le court silence qui suivit se révéla à la fois gênant pour William et hilarant pour Slick et son chef. Le premier observant d'un œil relativement inquiet les deux autres se retenir de pouffer comme des gosses. En entrant dans cette "organisation", le fouineur s'était attendu à bien des choses. Mais certainement pas à une série d'exécution précédant une blague incompréhensible et invraisemblablement immature. Et ce simple fait le fit froncer des sourcils. Tout cela ne faisait que confirmer un fait déjà particulièrement avéré : Il était parfaitement impossible de comprendre ce foutu cinglé aux dents en pointes.
"-Bon, trêve de plaisanterie." Dit finalement Krieg, tout simplement, avant de reculer de quelques pas pour casser, d'une torsion de main, la nuque du dernier survivant. Slick s'avança pour finir le travail au crochet mais le mercenaire ne s'attarda pas à observer la chose. Enfonçant profondément ses mains dans les poches de son pantalon de tissu noir, il se dirigea vers la forêt en invitant d'un mouvement de tête à la demoiselle de le suivre. William fit de même, principalement pour s'éloigner le plus possible du travail, relativement sale, du balafré de l'équipe. Une fois sûr qu'elle le suivait bien, le chef de bande commença son exposé :
"-Tu vois lorsque Slick m'a parlé de toi, la première fois, j'ai d'abord pensé que tu ferais une excellente pute. Ne te vexe pas, ce n'est pas contre toi. Le fait est qu'en général, les femmes de cette ville sont bien meilleures dans la prostitution que dans le meurtre et l'extorsion. La faute aux nobles, je suppose."
Il enjamba un tronc posé en plein milieu du chemin, ce qui déclencha un grand mouvement de panique parmi la multitude d'oiseau s'étant posé dessus. D'un geste vif, Krieg attrapa l'un des plus petits au vol pour lui briser l'échine du pouce et le faire disparaître dans sa bouche. Les craquements qui suivirent n'eurent strictement rien d'appétissant. Le mercenaire reprit juste après avoir avalé la boule de plume.
"-Mais en écoutant Slick, je me suis dis que j'allais te laisser une chance. Et j'ai l'impression d'avoir bien fait. Penses-tu que j'ai bien fais?"
Il ne fit pas attention à la réponse.
"-Maintenant qu'on m'a rapporté tes qualités de combat de rues et que j'ai vu tes qualités d'exécutrice. Je me pose une question plutôt...Comment dire...Relativement classique. Où diables pourrions-nous t'affecter?"
William se contentait d'écouter, à quelques pas dans leurs dos. Il sondait du regard la demoiselle. De base, cette dernière n'avait pas l'air franchement expressive, mais une fois posée aux cotés de ce psychotique tueur éternellement souriant, la mordeuse avait l'air d'une foutue statue. Est-ce qu'au moins elle écoutait ce que son chef lui disait? Le fouineur secoua la tête. Quelle importance? Le boss n'avait pas besoin d'avoir un auditoire attentif pour se perdre parmi ses propres paroles. Son amour pour le monologue semblait presque maladif.
"-Car je vois bien que tu ne prends pas plus de plaisir que ça à tuer ou malmener des types. Ce qui est tout de même un frein, dans le métier. Ca peux s'arranger avec l'habitude mais ce n'est pas le sujet. Tu serais peut-être meilleure dans un autre domaine, disons...Moins létal. Et encore une fois, je ne parle pas de prostitution. Tu n'as pas l'air d'avoir de maladie et tu n'es pas immonde à voir, mais ton air de portemanteau inexpressif ferait de toi une bien mauvaise catin, finalement."
William se gratta l'occiput. Elle n'avait pas l'air offusquée, c'était déjà ça. Ce qui l'impressionnait actuellement, dans le discours de son chef, c'était le fait qu'il n'imaginait même pas que l'étrange albinos puisse décider de leur fausser compagnie. Krieg semblait déjà la considérer comme l'une des leurs. Ce n'était pas le cas bien entendu, le vieux loup restait trop paranoïaque pour ça, mais sa façon de jouer le confiant père de famille juste après un massacre pour se rapprocher un peu plus de la nouvelle recrue était tout de même criante de vérité.
"-Excuses-moi, je joue un peu avec toi. Le fait est qu'en réalité, je sais parfaitement où tu pourrais t'épanouir. Les boulots de protections, les boulots d'intimidations. Briser des mâchoires sans tuer et être payer, ça te plairait bien, hein? Ce serait un bon début, pour toi. Ca t'apprendrais à travailler les bases. A faire peur. A faire mal. Ce genre de chose. Mais ce n'est pas le plus important, pour l'instant."
William se prit les pieds dans une racine et tomba en avant. Son patron s'écarta d'un pas pour le laisser s'écraser au sol, sans lui accorder le moindre regard, puis reprit.
"-Je voudrais que tu m'arranges une petite rencontre avec ton patron, au Broken Jaw."
Le fouineur se redressa en prenant appuie sur ses genoux endoloris. On y arrivait. Voilà, c'était ça. Depuis le début. Ce qui avait décidé le souriant tueur, ce qui l'avait convaincu d'organiser "une audition" pour la demoiselle. C'était ça. L'appât du gain. Étendre un peu plus l'influence de la meute. Creuser une nouvelle tanière, près des bastonneurs des Docks. Extorquer de l'argent à un patron de bar en échange d'une protection imaginaire. Des manières de gangs. Des manières que William connaissait bien.
"-Rien de très officiel, hm? Juste une petite discussion, à une table dans son bar. Histoire de discuter du potentiel avenir de son établissement. Tu penses cela possible?"


Ce monstre n'est pas un loup-garou ordinaire. Cruel, calculateur, sadique et manipulateur, il est l'avatar même de ce que nous, humbles chasseurs, avons jurés d'exterminer. ~Extrait du journal de feu Charles Moorhis.
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MessageSujet: Re: Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Icon_minitimeSam 9 Juil - 12:21

Je ne sais pas exactement ce que je suis supposé penser face à ce type. Je suppose que lorsqu’on le connaît beaucoup, on finit par s’habituer à ses petites manies, son humour étrange et sa tendance à parler seul pendant des heures … Pas que ça me dérange réellement de ne pas répondre, remarque. Je doute qu’il ait porté attention au « Peut-être » que j’ai laissé entendre lorsqu’il m’a questionné sur le bien-fondé de son choix. Et à vrai dire, je me demande un peu à quoi il pourrait réellement porter attention, de manière générale. Foulant la terre humide et les feuilles mortes, je me retiens avec un certain succès d’en coller une à William en suivant son chef, mais rigole lorsqu’il trébuche et s’écrase au sol. Je me reprends certes vite en main, mais le détail m’amuse … En outre, je suppose que le fait d’avoir bu m’a mis de relativement bonne humeur. Bon, le faire devant témoins, c’était plutôt inédit, mais je n’ai pas le sentiment que ça ait été une si mauvaise idée, en fin de compte : il semble prendre positivement ma méthode d’exécution. A tel point que la sienne s’est, au passage, clairement simplifiée pour sa dernière victime … Je doute qu’il en ait quelque chose à faire.

En revanche, je n’aime pas le ton qu’il prend pour certaines phrases. Le moment où il évaluait mes capacités de catin m’a plus donné envie de sourire qu’autre chose – il ne sait pas à quel point il a raison de ne même pas essayer – et je ne suis pas spécialement dérangée par son idée de me demander de taper sur des types : il a parfaitement raison de se dire que c’est ce que je ferai de mieux. Mais sa demande de s’entretenir avec David, ça … J’hausse un sourcil un instant, surprise, puis le fronce. Il me faut certes moins d’une seconde pour réfléchir à la réponse, mais j’en prends quand même plusieurs avant de la formuler à voix haute. En réalité, c’est juste parce que je prends le temps de sortir mon calepin de la poche arrière de mon pantalon, ainsi que le fusain que je cale dans la reliure. Ce n’est pas tout de dire « oui » ou « non » à une question de ce style : en général, il faut aussi justifier un peu … Ou en tout cas, dans mon cas, je trouve cela plus approprié. Surtout que je doute que ce soit vraiment la réponse à laquelle il s’attend.

Nan.Not there.

Je gratte le papier de manière calme, posée, en essayant d’être le plus lisible possible malgré mon absence de support décent pour écrire … J’espère qu’ils savent lire. Eh … suis-je bête : j’ai été conduite ici grâce à un bout de papier, après tout. Rédiger le billet doit bien me prendre une ou deux minutes, mais je n’en ai pas grand-chose à faire : je crois que Slick nous rejoint mais je ne relève pas les yeux vers lui pour confirmer. Après un petit moment de réflexion, je finis par plier le morceau de page, et par déchirer proprement le billet que je viens de noter pour le tendre. Il y a une adresse dessus : ce serait bête de la garder juste pour économiser une demi-page … William récupère la note après quelques instants où personne ne semblait vouloir daigner bouger, et la tend à son patron. L’idée qu’il lise le message à voix haute m’aurait surpris honnêtement, je doute qu’il sache lire,
lui …Enfin, qu’importe : c’est à Krieg qu’est adressé le message, tant mieux si c’est lui qui en découvre le contenu le premier. Surtout sachant que Slick n’était pas là les instants d’avant. Enfin … Pas juste là avec nous.

Pour un certain nombre de raisons, je refuse qu’on fasse le moindre entretien au Broken Jaw, j'ai déjà assez de mal à virer les clients tardifs et ivres de manière normale sans en prime garder trois types louches pour que moi et le patron on leur tape la causette.
Retrouvez-nous (moi et David, mon patron) plutôt dans 3 jours, à l’intérieur de l’entrepôt 21, sur les docks vers 2h du matin. On parlera du Broken Jaw, de moi et vous à ce moment-là.

(et oui, je ferai probablement la pire pute que vous pourriez trouver sans porter la moindre maladie : avec mes dents qui sont comme les vôtres, un faux mouvement et on perd définitivement un client)


Je lui balance un sourire laissant bien voire mes dents de requins lorsqu’il a fini sa petite lecture, avant de soupirer en reprenant mon air neutre, replaçant mon carnet dans ma poche. Je me sens las … impossible de dire pourquoi. La digestion, probablement … Encore que je sens, comme d’habitude, le sang « disparaître » de mon ventre, comme s’il était aspirer ailleurs, là où il ne prendrait pas de place. Ça m’en donnerait presque faim … il doit rester des biscuits secs à la taverne. Levant les yeux vers les arbres, je remarque que le soleil baisse … Je suppose que l’après-midi doit arriver vers sa fin. «
- Je rentre », que je lâche d’un ton un brin sec avant de pivoter les talons et de me détourner des trois malfrats. J’ai le déplaisir d’entendre un bruissement derrière moi, qui pourrait correspondre aux pas de quelqu’un de jeune, léger, et maladroit. Un « - Seule. » sans appel sort de mes lèvres, alors que je reviens vers les 4 cadavres qui se trouvent dans la boue, non loin de là. Celui qui a eu la nuque brisé va me servir à quelque chose … Le retournant sans trop d’efforts, je le dépouille de sa veste – à peu près – propre et la passe par-dessus mon gilet et ma chemise, qui eux sont tâchés de sang. Pas beaucoup, mais assez pour que ce soit louche. Et je ne tiens pas à attirer l’attention … Ajustant un peu mon béret et m’essuyant la bouche, je reprends le chemin vers Londres, en me demandant si le gamin sera toujours en vie demain soir, vu ses deux acolytes. Bah … Je ne sais pas ce qu’il fait avec eux, mais il a autant l’air à sa place qu’une sardine dans un banc de requins. L’image m’arrache un sourire.


*     *
*


David n’a pas été content lorsque je lui ai rapporté le résultat de mon après-midi … Et grosso-modo déballé toute l’histoire. Il a fait les 100 pas dans notre petite salle commune, à l’étage, grommelant dans sa barbe, et me posant de temps en temps une question directe à laquelle je réponds par oui ou non avant de me replonger dans mon bouquin. J’ai l’habitude de sa façon de « gérer mentalement les crises » … Et il a raison d’être inquiet, quand on y pense. Je n’ai pas franchement de regrets pour ce que j’ai fait, mais lorsqu’il me balance à la figure qu’on pourrait peut-être brûler cet endroit s’il refuse de payer – et il l’a dit très clairement : il cherchera un arrangement pour ne pas avoir à le faire – je comprends un peu mieux dans quel bourbier je l’ai mis … Au bout d’une bonne heure et demi, il finit par se calmer, s’asseoir sur une chaise qu’il installe à l’envers devant moi, et on cause. Pas bien longtemps, mais pas juste deux minutes non plus : le temps qu’il faut pour établir un « plan d’action » correct. Le coup du rendez-vous dans notre entrepôt abandonné fétiche était une bonne idée, selon lui. Ça nous laisse plus de marge qu’ici, déjà. Lorsqu’on a fini de voir ensemble comment devrait et devra se dérouler l’entretien, si on peut l’appeler comme ça, il me demande si j’ai envie de voir comment la nouvelle recrue se débrouille, seule en salle. Je lui emboîte le pas sans grande conviction.

Les deux jours suivants passent de manière mi tendue, mi morose. Il y a peu de clients. La faute au temps : il se met à pleuvoir des chats et des chiens sur Londres la veille du rendez-vous avec Krieg, et ça ne s’arrête pas par la suite. Et en plus, il y a un élément que j’ai oublié de prendre en compte … La nuit que j’ai choisi tombe le jour avant la veille d’une pleine lune. Et je ne sais pas si c’est une histoire de puissance, d’ancienneté ou quelque chose de ce genre, mais David y est sensible : Il est légèrement plus irrité que d’habitude...  J’ai l’espoir naïf qu’au moins, la pluie se calmera pour le rendez-vous, mais c’est  en vain. Lorsque nous avons fini de ranger la salle principale du Broken jaw, une fois tous les clients partis vers minuit / une heure du matin, et que nous sortons tous les deux couverts de grands manteaux de toile épaisse et cirée, il est impossible d’y voir à plus de 5 mètres. Heureusement qu’ils sont spécialement prévus pour ce genre d’occasion d’ailleurs : ma veste en toile normale n’aurait pas supporté autant de flotte, ou en tout cas pas en m’en protégeant totalement. Pourquoi j’ai décidé de remettre une jupe, une chemise et un gilet en dessous ? Aucune idée. Les bottes de cuir, c’est pour rester les pieds au sec, et le béret, c’est pour éviter de me mouiller trop le crâne, c’est tout ce que je peux dire … David quant à lui a mis la même tenue que d’habitude : pantalon en toile, haut en toile blanc, bretelles, et un pull par-dessus. S’il ne portait pas son imperméable, il aurait tout l’air d’un ouvrier … En plus grand et plus énervé, peut-être. Sa courte barbe noire me donne parfois l’impression qu’on a enfermé son visage dans un genre de rectangle … Il avait ricané lorsque je lui ai dit. Mais pour le moment, il est renfrogné comme jamais, et plus nous approchons de l’entrepôt, plus j’ai comme le sentiment que cet entretien risque de mal tourner. L’un dans l’autre, je sais que j’ai à peu près toutes mes chances d’y survivre, étant donné que je sais me transformer et guérir d’à peu près n’importe quoi … Et la « malédiction » de David lui permettrait facilement de ré-échapper à un ou deux coups de couteaux. Mais après, on ne sait jamais trop bien ce qui pourrait se passer, avec un type comme celui qu’on va rencontrer … Ni à quel point il sait bien se battre. Une petite voix me souffle « beaucoup mieux que toi ». Je la fais taire.

Lorsque nous arrivons à l’entrepôt, il est aussi vide, éventré sur un flanc et poussiéreux que d’habitude : même si le gros trou dans le mur (causé si mes souvenirs sont bons par l’explosion d’une caisse de poudre, quelques mois plus tôt) laisse rentrer énormément de pluie et d’humidité, la moisissure n’a visiblement pas réussi à s’installer de manière efficace … Trouvant un coin ni trop sale, ni trop exposé aux courants d’air, je m’installe pour patienter encore peut-être une demi-heure tandis que David, lui, fais de nouveau les 100 pas. Une demi-heure, c’est si notre ami aux yeux de corbeaux est ponctuel : je suis parfaitement préparée à attendre plus … Ou moins, ceci dit. Le temps passe dans un silence relatif, étant donné que la pluie ne cesse pas un instant. Cependant, je suis presque sèche lorsque nous entendons des pas, à l’extérieur, et une discussion … Est-ce un monologue ? Je n’en sais absolument rien, mais je reconnais instantanément les trois silhouettes qui, à leur tour, passent par l’ouverture « officieuse » du bâtiment. Un jeune con, un défiguré, et un type dont l’honnêteté semble aussi discutable que ma capacité à faire une lecture publique en bibliothèque. Presque aussitôt, David s’arrête de marcher en se posant à côté de moi, et je note à son expression que quelque chose cloche. Pointant sans honte les trois individus du doigt, je fais les présentations … Succinctes. Je lui ai déjà dit qui ils étaient, mais au cas où.

- Williame, Slick … … Et Krieg. Puis, mon doigt part cette fois vers le type qui m’héberge, alors que mes yeux vont vers les 3 malfrats. - David.
- Enchanté messieurs … Mais si vous voulez bien nous excuser une petite minute, répond le géant à côté de moi d’un ton un peu étrange.

Et la seconde d’après, il me choppe par l’écharpe, et me tire derrière lui. Dans la mesure où ce geste, auquel je n’ai pas vraiment été habitué, me surprend totalement et m’étrangle, je ne résiste pas vraiment, et le suit alors que nous … Ressortons dans la ruelle. Je mets moins d’une paire de secondes à sentir ma veste s’alourdir à nouveau et changer de teinte à cause de la pluie, et comme j’avais retiré mon couvre-chef, il en va de même pour ma tête et mes cheveux … Finissant par lui frapper la main pour qu’il me lâche, je recule d’un pas et le regarde dans les yeux en plissant les miens.

- T’es pas bien ? Je suppose que le fait que je sorte 3 mots de rangs, et la grimace que ça me fait tirer lui font un peu réaliser son geste, mais il n’a pas l’air particulièrement dérangé par ça, ni par l’eau qui lui ruisselle sur le crâne.
- Red. Deux de ces trois types sont comme moi. Je prends une seconde pour digérer l’info, mais ne fait même pas l’erreur de me tourner pour les regarder : ils ne doivent pas être visibles de toute manière … Sauf si l’un d’eux est sorti nous regarder. Ce n’est pas dur de deviner qui ne se transformera pas demain ou après-demain, de toute manière.- Tu savais ?
- Nope.
- … Bon. Viens.

Je cligne des yeux à deux reprises, et le regarde se retourner pour repartir … Il est sérieux ? Je secoue la tête en remarquant qu’il m’attend, et le rattrape en trois enjambées, maudissant cette météo. Je dois l’avouer, même si Krieg ne m’a pas semblé humain, je voyais la chose plus … Métaphoriquement. Lorsque nous rentrons de nouveaux, pas grand-chose n’a bougé : tout juste William a-t-il fait l’erreur de s’asseoir. Il va comprendre sa bêtise lorsqu’il se relèvera, sans doute … David, tendant son énorme paluche, serre des mains en prenant un sourire cordial presque naturel, pendant que je reste un peu derrière, perplexe. Je ne m’attendais pas à ça, non.

- Bien … Je suppose que vous l’avez remarqué, Red’ n’est pas très causante, - Pas toujours. que je coupe avec un petit sourire. Il reprend comme si de rien n’était :  … Mais elle a pris le temps de m’expliquer à peu près toute l’histoire … Et de m’informer du fait que vous vouliez me parler. Je suppose que dans les deux affaires, ce serait préférable que je joue l’interlocuteur … Sauf pour les questions en « oui / non », bien sûr. - Hun hum. - Maintenant, la question monsieur … Krieg, c’est bien ça ? Ce serait de savoir ce dont vous voulez parler en premier. Red’ … Mon pub … Ou autre chose.

Je me demande si William se rend compte qu’il est au beau milieux d’un groupe d’inhumains, qui même sans user de leurs « capacités » pourraient le tuer une bonne dizaine de fois chacun. Ou plutôt, je me demande si c’est à cause de ça qu’il tremble, ou du froid. Remettant ma barrette en place, j’élude la question … Ce n’est pas lui, la personne la plus importante, ici.


La mâchoire rouge... Pourquoi un tel nom ?:
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Krieg
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Classe sociale : Âme errante. Je n'existe pas aux yeux de votre société, vermine humaine.
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Proie(s) : Tout le monde.
Oui.
Absolument tout le monde.
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MessageSujet: Re: Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Icon_minitimeMer 5 Oct - 15:25

-Quel temps de chien.
Krieg ricana à l'entente de la réflexion du jeune Slick, qui fixait l'extérieur de l'entrepôt avec l'air blasé du type n'aimant pas la pluie.
-Pas étonnant que notre petit groupe soit de sortie, alors.
Personne ne répondit et un demi-silence tenta de s'installer, en faisant fi des clapotis de la pluie et des pitreries de William, qui tentait de s'asseoir sur un tas de taule sans déchirer plus qu'il ne l'était son manteau miteux. Une scène assez pitoyable en réalité, qui avait au moins le mérite d'occuper son esprit bien trop imaginatif. Après un court moment de flottement, Slick retira sa veste de cuir noir pour la jeter en direction du plus jeune du groupe. L'habit s'étala derrière ce dernier sans que le balafré n'y prête vraiment attention, le sol de l'entrepôt étant de toute façon moins sale que lui.
-Tu aurais dû le jeter cet après-midi. Souffla le chef de bande, les yeux rivés sur le tricot sans manche, partiellement blanc, et taché de sang, que son employé portait à même la peau.
-C'est ce que je voulais faire, mais je me suis souvenu que je n'avais plus de baillons, boss.
Krieg ricana et William l'imita, sans vraiment comprendre où était la blague...Ou même si il y avait une blague. Puis il entreprit de remonter la manche droite de son manteau, une énième fois. Le fouineur avait rejoint Slick et son chef une heure auparavant et son apparition avait instantanément causé une crise de rire aux deux tueurs. Soucieux de vouloir ressembler plus ou moins aux autres membres de la "bande" William avait volé le manteau qu'il portait actuellement à un grand type, sans vraiment se soucier du fait qu'effectivement, ce modèle-ci était pensé pour...Un grand type. Aussi traînait-il constamment derrière-lui vingt bons centimètres de tissu trempés par la pluie et la boue. Ca avait l'air exténuant. Slick, qui s'attendait à le voir abandonner au bout d'une dizaine de minutes, lui avait promit de l'arranger dans la semaine, pour qu'il ressemble enfin à autre chose qu'à un "gosse dans un costume d'adulte". La réflexion avait moyennement plut au concerné, mais ce dernier s'était contenté de hocher la tête en fixant ses manches trop longues. Les faits étaient là : On ne pouvait pas se battre en marchant sur son manteau.
-Il est à qui ? Manda justement le fouineur, brisant une nouvelle fois le silence s'étant installé dans le froid entrepôt.
-Quoi donc?
-Le sang.
-Oh.
Slick risqua un regard du coté de son chef, qui ferma les yeux pour lui donner son accord : Il pouvait en parler ici.
-Boyd et sa bande se sont entêtés.
-Vous les avez tous tués?!
Krieg ricana puis cracha quelque chose de noir, à ses pieds. Ca avait l'air d'être un mélange de sang et de salive. Le balafré, de son coté, balaya la zone du regard, comme si il s'attendait à voir des gardes débarquer par les trous des murs. William plissa les yeux. Ca se voyait que Slick était vraiment stressé. Parce que sa main droite s'était rapprochée de son couteau fétiche, celui accroché contre sa hanche droite, sous son tricot. Lorsque le malfrat voulait seulement intimider ou se donner un genre, sa main se posait plutôt sur le pommeau de la dague à sa ceinture. Chose étrange, pourquoi avoir peur ici?
-Calme toi Slick. Souffla calmement le chef de bande.
-Je ne l'aime pas.
-C'est parce que tu n'es pas habitué à sa présence. C'est comme ça entre loups. Krieg se passa la langue sur les dents pour se faire saigner un peu plus, comme à son habitude. William devina que son chef se préparait à s'égarer dans un long monologue. La méfiance animale, Slick. Lorsque deux loups solitaires se rencontrent, ils se méfient. Ici, c'est pareil. Une nouvelle preuve de la faiblesse du sang humain. Même lorsque la lune n'est pas pleine, notre instinct bestial prend parfois le dessus sur nos êtres...
-Excusez-moi de vous interrompre mais...vous les avez vraiment tous tués?
William fut surprit de constater que celui qui avait coupé son chef n'était autre que lui-même. Ses tempes se mirent à battre extrêmement rapidement, puis Krieg émit un nouveau ricanement.
-Non, bien sûr que non. Il n'y avait que Slick et moi contre...Hm. Environ trente des brutes de Boyd. Alors nous sommes parti en laissant tomber le paiement.
Le jeune homme haussa un sourcil, interloqué. Laisser tomber? Vraiment?
-Pourquoi alors...
-Tu te souviens de Jenna, la putain qui accompagne tout le temps Boyd?
-Celle avec un œil jaune et un œil bleu?
-Précisément. Maintenant elle n'a qu'un œil bleu.
William hocha la tête d'un air faussement détaché et Slick se passa le dos de la main gauche sur le front. Dehors, deux chats s'époumonaient à hurler dans le but d'impressionner l'autre, chose qui n'avait pas l'air de franchement fonctionner puisqu'ils persistaient depuis cinq bonnes minutes déjà. Hormis cela et l'abondante pluie, rien n'avait l'air d'approcher.
-Mais qu'est-ce qu'ils foutent !
-Il se méfie, comme toi tu méfies. C'est pour ça qu'il est ressorti. Je l'ai vu dans son regard.
-La seule chose que j'ai vu dans son regard, c'est de la peur, moi.
-De l'inquiétude, pas de la peur.
-Y'a une différence?
-Minime. Mais oui.
Slick s'immobilisa en voyant que les concernés s'apprêtaient à revenir dans l'entrepôt. En les voyant entrer, Krieg ricana puis pencha la tête sur le coté, patient sans en avoir l'air. Il fusilla tout de même du regard le patron de bar lorsque celui-ci vint serrer sa main, principalement pour faire comprendre que le faire attendre n'était pas forcément une bonne idée. Durant les salutations d'usages, le chef de la bande jeta un coup d'oeil en direction de Red. Son sourire avait l'air d'être un bon signe. Qu'il soit dû à sa nervosité ou à son amusement, ce rictus présageait -normalement- que la situation la sortait de son inexpression apparemment habituelle. La grosse voix du patron de la demoiselle le tira un instant de ses réflexions et, du coin de l'oeil, l'ancien mercenaire remarqua que Slick commençait à faire les cent pas, derrière-lui. Ce détail le fit sourire un peu plus. Le jeune fils de la lune agissait exactement comme sa propre personne, à l'époque où son âge se comptait encore en décennie, pas en siècle. Ca avait quelque chose d'assez amusant d'associer sa jeunesse à cette gueule cassée. William toussota, gêné par le silence de son chef, signe que cela devenait vraiment trop long.
-Hmmm...Hmmm. Souffla finalement Krieg en fronçant les sourcils, l'air profondément concerné. Une nouvelle minute de silence s'écoula lentement. Je ne sais pas. Où est-ce que tu chasses,  les soirs de pleine lune?
Ses deux comparses ricanèrent, mais seul le plus dangereux était réellement amusé. Le vieux loup se contenta de conserver son sourire de mauvaise augure.
-Le pub, bien entendu, je viens parler du pub. Le reste ne me concerne pas pour l'instant.
Nouveau silence. William se redressa un peu pour se gratter le cou vigoureusement.
-Les gars de ma bande ont besoin d'un endroit tranquille où se poser, dans le coin. Cracha finalement le chef de meute. Et j'ai besoin d'entrer en contact avec les bastonneurs des quais. Alors je me suis dis : Pourquoi pas faire d'une pierre, deux coups avec le Broken Jaw? En faisant de la cave de ton établissement l'une de nos planques, je  m'assure une petite rentrée d'argent et une entrée soignée parmi les gros bras de l'entrepôt. En fait, le mieux serait encore que ce soit toi ou Red qui m'introduise auprès de ceux qui s'occupent des pari.
L'ancien mercenaire marqua une pause, le temps que son vis-à-vis digère l'information. Le grand gaillard savait maîtriser ses expressions faciales, chose rare, pour un type avec un physique de débardeur. Mais il y avait des choses qu'il ne cachait pas. Comme ce furtif froncement de sourcil, lorsque les mots "rentrée d'argent" avaient été prononcés. C'était donc de ce coté que ça gênait. L'éthique, le fait d'être associé à une bande de salopards, ça n'avait pas l'air de le toucher. Voilà qui simplifiait pas mal de chose.
-Soyons plus clair : je ne prend pas en compte que mon intérêt personnel, cette...Association nous serait bénéfique, à tout les deux. En établissant une planque dans ta cave, ou ton grenier, qu'importe, je t'assure l'afflux d'une nouvelle clientèle fidèle et, pour la plupart, fichtrement portée sur la bouteille. De plus, ceux que j'affecterais à la surveillance ne seront pas des soudards incapable de se tenir mais bien de fidèles et discrets bouffeurs de chairs qui, en plus de ne jamais te gêner, se feront une joie de s'assurer que personne ne dérange ta clientèle lambda. La sécurité de ton établissement sera doublée. C'est donc normal que je demande un petit pourcentage, pas vrai?
Krieg étouffa un ricanement en constatant que sa plaidoirie semblait si grotesque que même William n'avait pas l'air convaincu.
-Un peu plus sérieusement, je te demanderais quinze pourcent tout en forçant mes gars à payer à chaque consommation. Tout en forçant nos futurs associés à payer. Tout en défendant le Broken, ses employés et ses clients.
-Ce que le boss veux dire, en fait. Le coupa Slick, en souriant nerveusement. C'est qu'il va pouvoir récupérer une partie de la paie de ses propres hommes grâce à ces quelques pourcentages, tout en leur faisant croire qu'ils gagnent à surveiller cet endroit...
Krieg ouvrit la bouche pour protester...Mais finit par se raviser.
-C'est exactement ça, huhu. Mais c'est pas tout. Au final, avec tout ce nouveau peuple dans ton bar, même en soustrayant mes quinze pourcent, tu gagnerais plus qu'avant, si mes calculs sont bons.


Ce monstre n'est pas un loup-garou ordinaire. Cruel, calculateur, sadique et manipulateur, il est l'avatar même de ce que nous, humbles chasseurs, avons jurés d'exterminer. ~Extrait du journal de feu Charles Moorhis.
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MessageSujet: Re: Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Icon_minitimeMer 19 Oct - 23:56

J’ai envie de faire comme William.

Je ne sous-entends pas par là « ruiner un manteau de toute manière trop grand pour moi », mais juste m’asseoir. J’ai passé la plus grande partie de mon après-midi à valser entre les tables avec des plateaux sur les mains, et de ma soirée à nettoyer la grande salle de nombre de choses peu glorieuses que pourraient y avoir laissé les clients : je commence à avoir les jambes fatiguées. Bon, soyons honnêtes : ce n’est pas comme si je risquais la moindre courbature demain matin. Peut-être un léger manque de sommeil. Je force, ces derniers temps … bah. William est bien assit, lui, pourquoi pas moi ? Je ferme les yeux, mon propre manque de sérieux me contraignant légèrement. J’insiste sur le « légèrement ». Je finis par rouvrir les paupières lorsque Krieg reprends la parole, et remarque seulement à quel point il a attendu avant de le faire. Une blague. Une blague spécifique. J’ai un soupçon d’appréhension. David va réagir … ? non. Enfin, une réaction à la David. Relativement inexpressif, mais je vois ses épaules se relâcher légèrement quand les deux ricanent. Subitement, je me demande ce qu’ils font là. L’un d’entre eux du moins … Red’Maw, ma fille. Ce sont des truands. Ils ne te font pas confiance, pas plus qu’à l’homme à côté de toi. C’est normal de venir à plusieurs, dans ce genre de cas … Même si, dans le pire des cas, William ne servirait franchement à rien. Mais je doute qu’on en arrive là.

Ensuite, ça parle du pub. Forcément, je me sens concernée, et pas qu’un peu … Mais la discussion me perd rapidement. Regardant les tôles sur lesquels tombent la pluie, je m’interroge. Est-ce qu’il reste à manger pour nous, à la taverne ? J’aimerais grignoter, en rentrant. Vu le temps, hors de question de traîner dehors. Un rat traverse l’entrepôt, rasant un mur éloigné. Je tourne de nouveau la tête vers le trio lorsque Slick prend la parole. Son expression me donne envie de grincer des dents, mais je m’efforce de rester neutre. Enfin, je m’efforce … je n’ai pas trop à forcer pour dire à mon visage de ne rien faire. Je tourne les yeux vers Krieg. Il n’a pas l’air d’apprécié d’être coupé dans sa phrase par son suivant. Est-ce qu’il va le frapper ? Finalement non. Dommage. Mon regard est un instant attiré par un corbeau qui se pose à côté d’une fenêtre cassée. Secouant son plumage trempé, il essaie de se cacher de la pluie. Il me rappelle Aylith … tsss. Probablement parce qu’elle a un corbeau en elle … si j’ai bien tout compris. Mince, de quoi on parle déjà ? David n’a pas encore pris la parole … Ils comptent le jouer longtemps, le coup du « je mets à chaque fois 15 minutes à te répondre » ? Ah. Il sourit. Ça, ça veut dire qu’il s’amuse … à sa manière. Que je ne comprends pas. Enfin … pas très bien.


- Mhhhh … Et là, c’est le moment où je dis : “c’est très intéressant ce que vous me proposez là … Mais … » … … Et il se tourne vers moi en attendant que je lui donne la réplique. C’était bien ce que je disais : il s’amuse.
- Maiiiiiiis ? que je finit par pousser, en lui rendant son regard.
- Mais. Laissez-moi vous raconter une histoire, Krieg. Oh nom de … - Il y a … 12 … il lève les yeux au ciel comme si il faisait un effort considérable pour se souvenir. - non, 13 ans. Il y a 13 ans, un jeune type pas beaucoup plus grand que Slick débarque dans le quartier irlandais, et monte un pub. J’étais déjà installé depuis 10 ans : autant vous dire que ça m’a fait étrange de voir ma clientèle baisser de moitié. Je me renseigne … Bon. Je suppose qu’il sous-entends par là qu’il a su pour le jeune type, parce qu’il ne détaille pas plus que ça. - Je laisse couler. Le temps passe … Quelques semaines, peut-être mois après, je vois des clients revenir. Pas un ou deux en plus tous les soirs … Presque … Presque tous ceux qui avaient déserté d’un coup, en fait. Alors je me renseigne, à nouveau. Nouveau sourire. Ca me rappelle celui qu’il a eu, ce jour où les policiers étaient descendu au broken … Une histoire de mec disparu, je crois … je ne sais plus. Mais c’était juste après une nuit complète passée sur les docks, et David ne cicatrice pas forcément aussi vite que moi … alors forcément, c’était très louche. Mais il s’était contenté de sourire, comme maintenant … avant d’expliquer plus ou moins directement qu’ils pouvaient fourrer le nez dans leurs propres affaires. J’espère qu’il ne va pas refaire la même. - Et l’info est pas très dure à chopper : elle est sur toutes les lèvres. Le jeune type s’était acoquiné avec un groupe, qui « protégeait » son bar. Normal : un concurrent un peu déloyal aurait pu vouloir le faire brûler « par accident », vous connaissez sûrement la musique. Bref … Le groupe qui protégeait son bar, un soir, a pris en grippe un client qui, en fait, avait surtout trop bu. Pas le genre méchant, mais méchamment con quand il est bourré. Et le client s’est fait planter à cause de ça. Tellement peu loin de la sortie que le lendemain, le jeune type a fait salle quasi-vide. Le temps que la nouvelle se répande, elle était totalement vide, et maintenant le jeune type a un œil en moins, traîne sur les docks, et est en permanence tellement murgé qu’on ne comprend rien de ce qu’il raconte.

Je baille. Visiblement, ça coupe David dans son discours. Sans que je sache pourquoi, j’en suis … satisfaite. Un peu. Je hausse les épaules en le regardant : il doit être 2h du matin, j’ai une tête d’ado, j’ai bossé toute la journée et il vient de raconter une histoire. Il s’attendait à quoi ? Et maintenant, il attend quoi ? Visiblement, ça doit venir de moi, vu que ses yeux noirs sont toujours rivés sur mon visage. Je finis par lâcher un soupire, et par regarder ailleurs, fourrant un peu le nez dans mon écharpe.

- Et ensuite ?
- … Et ensuite, rien. Mais tout ça pour dire que les “protections” de ce genre … Je m’en passe. Et du coup, vos 15 pourcent … ça va pas se faire non plus. Le broken jaw accepte tout type de clientèles, et de manière générale, les rares problèmes que j’ai eu … moi ou la petite blonde à côté de moi, on a généralement suffi à les régler. Donc ça peut marcher pour que vos hommes passent … Mais je ne vous refile pas 15% de mes bénéfices pour qu’ils protègent quelque chose qui n’en a pas besoin.

Je hausse un sourcil. Il est malade ? Ah … non. Vu son sourire, il continue à jouer. Je suppose qu’il a jamais rien incendié en jouant avec les braises, ou des allumettes. Dommage. Mais bon, qu’il continue … Après tout, tant qu’on lui laisse le temps de continuer.

- “Mais” … ah, merde. J’ai loupé celui-là. - je ne suis pas du genre à faire perdre leur temps aux gens, et encore moins à gaspiller le mien. Alors laissez-moi vous raconter une autre histoire, beaucoup plus courte. Celle des taxes. De base, je ne suis pas anglais. Et je n’ai rien contre cette chère Victoria, mais ça me fait mal de devoir lui verser un denier à chaque fois que j’achète de quoi faire tourner mon commerce. Surtout que je lui en verse souvent, et pas mal. Alors voilà le deal que je vous proposerais, plutôt. Je connais des gens qui font de la contrebande. Le problème, c’est que je leur revient pas, comme acheteur.

Si j’étais un « gros client », genre un de ces pubs de bourgeois où les clients entrent pour parler affaire, et dînent de je ne sais quels mets raffinés en buvant le fin du fin … Et surtout, si je vendais la bière importée d’Irlande 5 fois ce qu’elle vaut, il n’aurait aucun problème à me vendre la sienne. Mais, pour des raisons obscures, la dernière fois que j’ai voulu « faire affaire », je me suis fait raccompagner à la porte. Ça doit être ma gueule, l’emplacement de mon pub, ou mes arguments, je ne sais pas … Mais j’ai un truc qui cloche. Donc, voilà ce que je te propose. Je t’indique qui il est, où tu le trouves, et comment tu entres en contact … « de la bonne manière » avec lui. Et tu t’arranges pour me négocier un contrat qui me permettrait de m’approvisionner pour bien moins cher.

Et là, je n’ai pas les chiffres en tête, comme ça. Mais je pense que si je calcule bien, entre le surplus de clientèle et la baisse de coût pour le ravitaillement … Je dois pouvoir … « partager », en échange de ce service, jusqu’à 20% de ma recette. Tu n’as pas à m’assigner de gardes. Je te permets de récupérer un peu plus de la paie de tes hommes.


Et voilà … Lui tout craché. Je ne sais même pas si je suis vraiment surprise. Le corbeau ne bouge plus … je suppose qu’il dort. Me frottant les bras sous mon manteau, je balance d’un pied sur l’autre. J’ai des fourmis dans les jambes. Il fait froid, ici … la faute à la pluie. Elle ne veut pas se calmer. David continue d’échanger encore quelques instants sur sa proposition encore plus juteuse de contrat, mais je n’écoute pas les détails : il connaît son affaire, et sait la gérer. Je suis presque un peu surprise qu’il n’ait pas déjà commencé à tenter de sympathiser plus que ça avec le … … j’ai un doute. Comment je peux qualifier Krieg ? Tout sonne … à côté. Comme si à chaque fois, il fallait pire. Bon … Sympathiser avec le monstre ? Oui, ça paraît bien. Un monstre, donc … et ce qui m’étonne, c’est qu’il ne tente pas de faire ami-ami avec. Je sais qu’il n’en tirerait probablement pas grand bénéfice. Non, ce qui lui plairait, dans ce genre de choses … ce serait le frisson du danger. L’amour du risque. Mettre sa tête dans la gueule du loup … en en étant un soi-même, cela dit, le danger est un brin plus relatif, je suppose. Mon attention est brusquement retenue lorsque j’entends mon nom dans la discussion.

- ‘maw pourra toujours vous - Hein ? - … content de voir que tu suis. Donc, je disais … Red’Maw pourra toujours vous accompagner, pour les types qui gèrent le club comme pour le contrebandier … Vu qu’elle va faire du temps partiel pour vous. Par contre … Il y a un détail qui vient de me revenir. Red’ ?
- Moui ?
- Tu leur a dit ?
- Dit quoi ? Je pose la question honnêtement en plus : j’ai vraiment de plus en plus envie d’aller dormir. Il roule des yeux dans les orbites, comme s’il voulait regarder au ciel puis aux enfers le plus vite possible, et je réalise. Retroussant les lèvres, je montre les dents de requin, posant un doigt dessus. - Oh. Ca ?
- Oui, “ça” … ça me semble quand même plutôt important à mentionner, non ?
- Ouaip … mais non.
- Non … Tu n’as rien dit.
- Nope.

Il éclate de rire. Un bon gros rire bien franc, qui lui colle parfaitement : le rire d’un type honnête qui trouve quelque chose vachement drôle. A vrai dire, je trouverais presque ça amusant aussi … « presque ». Il secoue la tête et s’excuse au bout de quelques secondes, se massant le visage avec sa main, avant de regarder les trois. Je suppose que pour eux, ça ne doit pas avoir beaucoup de sens. Encore que. J’ai un comportement encore moins humain qu’eux, quand j’y réfléchis bien … mais ça ne m’a pas trahi trop souvent, ces dernières années.

- Désolé … Enfin … En même temps, dans la mesure où elle ne savait pas que vous aviez un… hmmm … Disons, « cycle menstruel », ça ne m’étonne pas qu’elle ait gardé les lèvres closes. Mais je suppose que vous aviez dans l’idée de la mordre, à un moment ou un autre, peut-être ? Peut-être pas remarque … Si c’est le cas d’ailleurs, tant mieux. Ça ne marcherait pas. Mais elle expliquera ça mieux que moi.

Si je le pouvais, je sortirais un « la bonne blague ». Mais c’est un mot de plus que ce que je peux dire à la suite. Je déteste mon cerveau.


La mâchoire rouge... Pourquoi un tel nom ?:
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Krieg
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Krieg
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Classe sociale : Âme errante. Je n'existe pas aux yeux de votre société, vermine humaine.
Emploi/loisirs : Chef de meute. Tente d'unifier les gangs de Londres sous la lumière de La Lune.
Age : 334
Age (apparence) : La trentaine passée.

Proie(s) : Tout le monde.
Oui.
Absolument tout le monde.
Résistance mentale : 5/5 de résistance mentale.
Crédit Avatar : Veronica Anrathi
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MessageSujet: Re: Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Icon_minitimeJeu 20 Juil - 19:33

Dès que le silence s'était jeté sur leur conversation, Krieg l'avait chassé en entrechoquant vivement ses mains l'une contre l'autre. Assez violemment pour que William sursaute et que Slick cesse de faire les cent pas derrière-lui. Le vieux loup souriait en applaudissant, sans grande surprise d'ailleurs. Il souriait, riait même de temps à autres, sans s'arrêter de frapper ses mains. Une scène pas si troublante que ça, au final, en tout cas pour ces témoins si...Particulier. Mais une scène qui dura tout de même deux longues minutes.
"-Boss?"
Krieg cessa d'applaudir pour se tourner vers l'auteur de cette interruption : Slick, qui l'observait, la tête légèrement penchée sur la droite, avec son air impatient de chien fou.
"-Hm? Je pensais que répondre tout de suite de vive-voix à nos nouveaux associés risquaient d'aller à l'encontre de leurs habitudes, du coup j'ai simplement voulu temporiser."
Slick ouvrit la bouche pour répondre...Puis se ravisa. Son chef lui accorda un discret et incompréhensible mouvement de menton, puis fit volte-face pour de nouveau river son regard dans celui du grand aubergiste.
"-Avant toute chose : Me permets-tu quelques instants?"
En réalité, Krieg n'attendit pas la réponse pour se diriger vers Red'Maw. Une fois sa question posée, il sembla glisser littéralement jusqu'à la demoiselle, pour ensuite se pencher délicatement vers elle et...Sentir son visage. Littéralement. Slick fronça les sourcils. William émit un toussotement gêné en se demandant si une bagarre risquait d'éclater...Mais Krieg persista, ses sourcils froncés et son regard presque sérieux trahissant une indubitable concentration.
Quelques instants relativement gênants plus tard, l'ancien mercenaire cessait de renifler bruyamment pour se redresser, en pinçant au passage le nez de Red. Cette dernière découvrit aussitôt ses dents en affichant une grimace de désapprobation que son "pinceur" détailla avec sérieux en croisant les bras.
"-C'est pas des crocs de vampires à première vue...Et, sauf si mon odorat a soudainement disparut, t'es pas l'une des nôtres. Du coup je sèche. Je n'ai encore jamais croisé d'humain naturellement immunisé à notre don. Hmmmmm."
Court silence. William et Slick échangèrent un regard chargé d'incompréhension.
"-Peut-être une création originale? Oh ! Le nom de l'illustre Alchimiste Richard Von Klinge te dis quelque chose? Hm. Visiblement non. Trop jeune sans doute.
-Boss?
-Chut. C'est important. Le plus plausible reste le fait que tu sois une création alchimique, donc. Qui l'eût crut? Je ne pensais pas pouvoir un jour parler avec l'une d'elle. Jusqu'à maintenant je n'ai jamais réussi à reconnaître un phénomène de ton genre vivant. Oh ! Il faudra que je te présente au doc'.
-Boss !"
L'intéressé cessa son avalanche de parole.
"-Oh pardon."Le regard de Krieg traversa la pièce pour se poser sur Slick, qui affichait désormais ouvertement le fait d'avoir dégainé l'une de ses lames."Oui, non, ranges ça. On ne le tue pas, il est avec nous."
William émit un soupir de soulagement si fort que l'unique mèche de cheveux de son comparse meurtrier en fut soulevée. Ce dernier s'exécuta en rengainant sa dague, puis décida qu'il était temps de se détendre. Alors, sans un mot de plus, il s'assit par terre. Son chef quitta la jeune chimère pour retourner vers ce gros costaud d'aubergiste et lui taper sur l'épaule.
"-C'est foutrement généreux, tout ça, coco. Ca laisse présager une fameuse association, tu sais? Je te serrerais bien dans mes bras mais...Non...Hm. J'ai l'impression d'oublier quelque chose, là."
Slick se retint d'émettre un claquement de langue agacé en constatant que son boss recommençait son petit manège. Dans n'importe quelle autre condition...Non. Avec n'importe qui d'autre, à la tête de sa bande, le balafré n'aurait même pas pensé à cacher son ennui, son mépris, pour toutes ces fastidieuses négociations. Mais avec Krieg...C'était différent. Le jeune chien fou voulait prouver au vieux loup qu'il le respectait. Que, même si il ne le comprenait pas vraiment, il le suivrait jusqu'au bout. Pas par peur...Ou même par admiration. Non, en réalité...Ce qui le forçait, d'une certaine manière, à suivre son chef, c'était quelque chose de bien plus primaire qu'un simple sentiment. Ca venait de son sang de loup. Celui que Krieg lui avait offert en reconnaissant ses capacités.
C'était l'esprit de meute.
Alors Slick s'éclaircit la gorge et dit, comme son chef l'attendait :
"-Les quais, boss."
Krieg hocha la tête vivement, plusieurs fois.
"-Les quais, c'est ça. Il ne faudrait pas oublier le coup de me présenter aux gros costauds des quais, hein? C'est un détail qui a son importance, tout de même. Les combats, les paris, y'a rien de mieux pour trouver de nouveaux employés. Pour se faire encore un peu plus de fric. Et pour se faire un nom."
Nouveau silence.
"-Mais qu'importe, on verra ça plus tard j'imagine. Maintenant, ce qui compte...C'est de savoir."
Lentement, Krieg fit volte-face pour se diriger vers le siège improvisé de William. Ce dernier se leva aussitôt pour lui laisser la place, en manquant de trébucher sur son propre manteau. Une fois installé, le lupin continua.
"-Dis-moi, très cher associé. Dis moi tout ce que tu sais... sur celui qui t'a manqué de respect."

†††

"-Boyd arrive boss."
Long soupir. Le vieux loup résista à l'envie de se lever du siège pour accueillir ledit Boyd à coup de surin. Il n'était pas assez irréfléchi pour céder à une telle tentation. Mais son esprit restait assez vicieux pour l'envisager.
"-Ils sont nombreux?"
Slick poussa un peu plus les vieux rideaux de l'unique fenêtre illuminant ce qui lui servait de "planque". L'équivalent d'une petite chambre, dans laquelle il avait empilé toutes ses pauvres possessions. Un siège en cuir au dossier ouvert –celui sur lequel se trouvait son patron actuellement-, une poêle à frire couverte de suie, un seau métallique constamment remplie d'eau de pluie, un tapis en laine presqu'aussi infesté de puce que le matelas qui se trouvait au-dessus de lui et...Environ une dizaine de vêtement dépareillés, aux doublures et aux poches remplies d'objets rouillés, pointues ou coupants.
"-J'dirais qu'ils sont dix. Peut-être plus."
Krieg haussa un sourcil en entendant son sous-fifre pouffer.
"-Hm?
-Jenna est aux bras de Boyd. Ils lui ont foutu un bandeau sur l’œil."
Les lèvres du vieux loup se retroussèrent en un affreux sourire.
"-Quel œil?"
Le duo de tueur rit cruellement. Puis Krieg passa sa main sur l'accotoir droit de son siège en fin de vie.
"-Comment fais-tu pour vivre là-dedans?
-Je survis, boss."
L'ancien mercenaire secoua la tête. Calmement, il attrapa une puce venant d'atterrir sur la manche de son manteau et l'écrasa entre ses ongles.
"-Il va falloir changer ça. Le sang de loup ne te protège pas des puces, au contraire. Fais-les entrer. Pas plus de quatre.
-Ok."
Slick ouvrit la fenêtre pour recracher sèchement les instructions de son chef au visage des nouveaux arrivants. Les casseurs de la bande de Boyd plissèrent des yeux en entendant le ton employé, mais personne ne tenta quoique ce soit de stupide. Quelques secondes plus tard, Boyd et sa trainée annonçaient leur entrée en faisant grincer l'antique porte en bois de la planque.
Le premier arrivant ne pouvait être autre chose que l'équivalent d'un garde du corps pour Boyd. A peu près aussi large d'épaule que la porte d'entrée, l'air particulièrement énervé... Son nez écrasé, ses petits yeux de teignes, éternellement plissés, et son large front, laissaient d'ailleurs penser qu'il avait un quelconque lien de parenté avec son chef, qui partageait, hélas, les mêmes traits, forts peu séduisants. A la suite du grand costaud venait l'éternelle petite fouine dont Krieg avait oublié le nom, mais pas la gueule. Ce semi-homme, d'un peu moins d'un mètre cinquante, avait été catapulté au rang de conseiller et ami proche du chef de sa bande après le coup de foudre de ce dernier pour...Sa soeur, Jenna. Cette raclure avait vendu sa propre sœur à un espèce d'imbécile psychotique. Et celui-ci l'avait remercié en le faisant devenir son conseiller.
Même pour Krieg, c'était un raisonnement incompréhensible. Comment pouvait-on ne serait-ce qu'imaginer que ce genre de sous-homme connaitrait un jour le sens même du mot "loyauté"? Ca le dépassait. Le répugnait. Presqu'autant que le regard faussement amical que la fouine lui lança dès qu'elle fut suffisamment proche.
Bien entendu, les deux derniers arrivants débarquèrent bras-dessus bras-dessous. Boyd lui-même et Jenna. Le premier, grand et un peu gras. La deuxième, petite, frêle...Et visiblement droguée. Le pansement qu'elle avait à la place de l'œil que Slick lui avait prit, deux jours auparavant, avait l'air relativement propre. Malgré ses bords tachés de sang.
"-Quel endroit répugnant." Gronda le chef de gang, en guise de présentation.
Krieg acquiesça en rivant son regard sur celui du grand garde du corps, sans pour autant se lever de son siège.
"-Salutations à toi-aussi, Boyd. Tu as réfléchi à notre petit arrangement?"
L'autre cracha dans la poussière à ses pieds.
"-Oui. Ce n'est pas un arrangement, fils de putain. Tes méthodes sont aussi dégueulasses que cet endroit. Ou la sale gueule de ton petit chien."
Slick adressa un grand sourire au chef de gang et Krieg ricana.
"-Venant d'un chef de gang qui culbute un demi-visage depuis deux jours, c'est pas très crédible, coco."
Le regard de Boyd s'enflamma.
"-T'es vraiment qu'un sale fils de putain.
-Hmmmm." D'un mouvement de la main droite, le vieux loup l'encouragea à continuer.
"-...Mais on te suivra...Mes hommes sont les tiens, désormais. Tant que tu respectes le marché."
Le sourire de Krieg réapparut, gagnant en intensité, et Jenna, qui l'évitait pourtant du regard, se mit à trembler.
"-Bien sûr, huit pourcents, c'est ça?
-C'était dix !
-Oui, mais tu as mis deux jours pour te décider.
-Espèce de..."
La pute borgne murmura quelque chose à "son aimé". Et Boyd se tut un court instant...Avant de hocher la tête.
"-Va pour huit pourcents."
Krieg frappa ses mains l'une contre l'autre, brutalement. Si bien que même le garde du corps sursauta. Puis il se leva de son siège pour se diriger vers la porte d'entrée.
"-Suis-moi, veux-tu? Allons officialiser tout ça."
Dehors, les autres gros bras attendaient, rassemblés autour de la planque. Elle se trouvait dans les landes, bien entendu. Vu de l'extérieur, ce n'était rien de plus qu'une ancienne cabane de chasseur laissée à l'abandon. Et, après tout, au final, ce n'était guère plus. La planque avait été construite quelques décennies plus tôt, entre deux petits arbustes insignifiants. Désormais, lesdits arbustes, devenus de robustes chênes, projetaient leur ombre au-dessus d'elle tandis que leurs jeunes pousses l'encerclaient toute entière. Une ruine de cabane de chasseur, perdue au milieu de la végétation...Et servant de refuge à un loup-garou. En ajoutant à cela un ciel gris et un discret brouillard planant tout autour, on aurait pu obtenir un sinistre tableau. Mais le ciel était bleu, dépourvu du moindre nuage. Et l'air était sec. Alors le sinistre passait aux oubliettes, pour laisser place au pittoresque.
Ce qui, en réalité, était un peu gênant, selon Krieg.
"-Bon, Boyd, tu te dépêches?"
Le concerné se détacha des bras décharné de sa catin pour sortir à son tour.
"-Bien. Genoux à terre maintenant.
-Quoi?"
Krieg leva les yeux au ciel.
"-Genoux à terre. Je veux que tu prêtes serment, bon sang. Je veux que tu t'humilies devant tout ces gars, qui te respectent et ont peur de toi. Pour qu'ils comprennent qui est le boss, maintenant.
-Je ne...
-Tu aurais pu discuter mes conditions si tu avais fermé ta grande gueule, il y a deux jours. Pas maintenant."
Boyd balaya du regard l'assemblée. Ses yeux se posèrent sur chacun de ses hommes. Et aucun d'eux ne parvint à soutenir son regard. Alors, le chef de gang soupira...Puis plia, lentement, douloureusement, l'un de ses genoux, pour s'incliner face à son nouveau dirigeant.
"-Parfait."
Le coup fut trop rapide, trop précis, pour que Boyd ne le remarque. Le couteau s'enfonça profondément dans son poumon droit, puis remonta lentement, pour creuser un tunnel de chair et de sang jusqu'à son épaule. Entre temps, Slick s'empara de la scie rouillée, planquée sous sa fenêtre, pour la planter en plein milieu du crâne du garde du corps estomaqué, qui se révéla assez entêté pour mourir debout. Jenna poussa un glapissement de terreur et de désespoir. Et la fouine resta sans bouger.
"-Gardes les yeux ouverts, improbable, stupide, énorme fils de pute." Souffla Krieg en rattrapant le corps de sa victime qui tombait à la renverse. Son venimeux regard croisa celui de Boyd,  gorgé de peur, de douleur. Et le vieux loup tourna vicieusement sa lame dans la plaie."Regardes-moi. Je suis la dernière chose que tu vas voir dans ta misérable vie. Et, crois-moi, il n'y en a pas d'autre."
La lame se retira de la chair pour s'y replonger aussitôt, libérant une nouvelle rivière de sang. Elevant la voix, le mercenaire s'adressa aux hommes rassemblés autour de lui :
"-Je trucide actuellement votre chef. Personne ne veux m'arrêter?"
Personne n'osa répondre. A part la plus frêle de la bande.
En poussant un ultime cri de rage, Jenna parvint à se libérer des frêles bras de son frère pour tenter de se précipiter sur son homme à l'agonie.
Slick l'en empêcha en lui brisant la nuque. Avant de se tourner vers l'horrible fouine. Le vieux loup l'arrêta sans quitter des yeux Boyd.
"-Pas lui coco. On va en avoir besoin."
Sa victime se tortilla faiblement, visiblement plus préoccupé par le fait d'échapper au regard qui buvait sa douleur que par celui de survivre à la lame qui déchirait sa vie.
"-Ta copine vient de mourir. Et je suis en train de te tuer. Qu'est-ce que tu dis de ça, hm?"
La réponse vint sous la forme de quelques pitoyables soubresauts. Puis Falmer Boyd dit "Le nerveux" décida qu'il était temps de mourir.
Son assassin laissa le corps tomber à ses pieds, se redressa en léchant le sang qui ornait ses mains, puis scruta l'assistance autour de lui. Un petit gars avec un bandage couvert de suie sur le bras droit se dépêcha de mettre les choses au clair :
"-On a comprit le message, boss."
Le concerné souffla du nez.
"-Ah, il y avait un message?"
Court silence. Slick se mit à rire.
"-Je plaisante. Slick, approches–toi s'il te plait." Après quelques secondes d'hésitations, le loup ajouta, à l'attention de la fouine tremblante :"Toi aussi...Truc."
Le chien fou s'exécuta en enjambant le corps de la malchanceuse qu'il venait de tuer, trop rapidement à son goût. La fouine le suivit, sans cesser de trembler...Et manqua de sursauter lorsque Krieg se faufila entre lui et Slick pour passer ses bras autour de leurs cous.
"-Bon, de deux choses l'une. Tout d'abord, dites bonjour à votre nouveau supérieur direct : Slick, à ma gauche."
Ledit nouveau dirigeant hoqueta de surprise mais son chef ne lui laissa pas le temps de répondre.
"-Je suppose que votre ancien boss avait une baraque bien à lui?"
Personne ne répondit. L'ancien mercenaire resserra un peu plus sa prise autour du cou de la fouine tremblante.
"-Truc?
-Oui ! Oui oui oui. Il a une maison. Avec plusieurs chambres. Une cuisine. Et deux cheminées.
-Bien. Tout le monde, vous êtes d'accord pour que Slick soit votre chef?"
Si quelqu'un ne l'était pas, il se garda bien de le faire savoir.
"-Paaaarfait. Maintenant, si l'une de vos putes fait mal son boulot, vous en parlez à Slick. Si l'un de vos potes prend un peu plus que sa part, vous en parlez à Slick. Si une autre bande vous manque de respect, vous en parlez...Enfin vous comprenez, quoi. Maintenant... Machin?"
La fouine trembla un peu plus.
"-Je veux que tu mènes ton nouveau supérieur à la baraque qui lui revient de droit. Et je tiens aussi à ce que tu le mettes à jour. Je sais que c'est toi qui t'occupes du registre de vos petites...Employées. Si j'interroge Slick demain, je veux qu'il puisse me dire où se trouve chacune de vos catins, qu'elles soient à Whitechap' ou même dans les égouts. Compris?
-Parfaitement."
Krieg le toisa jusqu'à ce qu'il se sente obligé de baisser les yeux. Cela prit un peu moins de trois secondes.
"-Tant mieux. Vous pouvez disposer mesdames."
Les dames disposèrent donc. Sans hésitation. Sans même montrer le moindre signe de désapprobation. Intérieurement, l'ancien mercenaire poussa un long soupir de déception. C'était trop facile. Les protestations allaient prendre la forme de revanches anonymes dans les semaines à venir. Faute de pouvoir l'atteindre, lui. Ils mettraient des petits coups dans le dos de Slick en espérant qu'il le tiendrait responsable du désordre. Peut-être quelques bagarres, un ou deux meurtres...Foutus poltrons.
A moins que cette bande-ci ne se soit suffisamment ramollie pour vraiment accepter son nouveau patron sans rechigner. Ce qui, en réalité, serait presque pire, finalement.
Il relâcha finalement son étreinte, laissant la fouine et Slick s'écarter un peu. Le premier s'écarta rapidement pour s'accroupir auprès du cadavre de son ancien patron, dans le but de lui faire les poches...Et le deuxième se tourna vers son chef.
"-C'était prévu, ça?"
Krieg haussa les épaules.
"-Pas vraiment, l'idée m'est venue en voyant le taudis qui te servais de baraque. Même William vit mieux que toi. C'est un peu triste. Pourquoi? Tu n'aimes pas?
-Sisi...C'est juste un peu soudain, quoi."
Le mercenaire souriant tapa dans le dos de son assistant balafré.
"-Les surprises, c'est important dans la vie fiston. Allez va, maintenant. T'as encore du boulot."
Slick ne se fit pas prier. Après un rapide hochement de tête, le balafré se dirigea vers la fouine, l'attrapa par le col pour l'inviter à passer devant lui via un vif et douloureux coup de pied dans le dos. Le pitoyable bonhomme s'exécuta ventre-à-terre en s'humiliant à grands coups d'excuses et de piaillements incompréhensibles.
Krieg les observa partir, ses mains tâchées de sang à moitié enfoncées dans les poches de son pantalon gris, usé et troué au niveau du genoux droit. Le mercenaire demeura parfaitement immobile jusqu'à ce que son sous-fifre disparaisse de son champ de vision. Il fit volte-face dès que ce fut chose faite pour se trainer jusqu'au gros cadavre de Boyd et s'accroupir près de lui.
"-Z'êtes en avance de dix minutes les enfants." Souffla-t-il à l'attention des deux formes qui l'observaient, planquées derrière un des deux chênes encadrant la baraque. "Mais c'est pas grave. Venez me filer un coup de main."

Red'Maw fut la première à sortir de sa planque. Sans doute parce qu'à l'inverse de William, elle n'avait pas vraiment essayer de se faire discrète. Son avancée silencieuse sembla d'ailleurs encourager le fouineur, qui osa faire un premier pas dans la direction de son patron quelques secondes après la dame. L'air profondément pitoyable, le souffle court, il marmonna quelque chose dans le but de s'excuser d'une voix bien trop fluette pour que Krieg n'y prête la moindre attention.
"-Au moins vous avez trouvé rapidement. J'ai dû chercher ce coin pendant une demi-heure, ce matin. 'faut dire qu'il y avait un peu plus de brouillard. William, veux-tu m'aider à trainer ce foutu déchet dans la baraque?"
L'intéressé répondit en tombant à genoux pour régurgiter son déjeuner. Le loup-garou leva les yeux au ciel.
"-Comment t'as fais pour survivre jusque là fiston?"
Entre deux bruyants hoquets, l'intéressé parvint à placer :
"-Je ne...Tuais personne."
Le chef de bande secoua négativement la tête, partageant ainsi tout le mépris qu'il ressentait à l'égard d'une existence sans meutre ni combat. Puis il attrapa les deux bras du cadavre à ses pieds et entreprit de le tirer en arrière.
"-Je finis ça et on est parti, du coup. Tu vas pouvoir suivre le rythme de la dame coco?"
William hocha la tête vivement.
"-Je suis pas en mousse non plus...Je veux toujours...Je peux toujours venir.
-Ah mais quel fils de..." Grogna le mercenaire à l'attention  du macchabée en relâchant les bras de ce dernier pour se masser le dos. "Comment est-ce qu'une nana aussi fine pouvait se faire un truc aussi gras? Il pèse une tonne !" Constatant que son sous-fifre affichait une mine confuse, en ayant sans doute prit l'insulte pour lui, il pencha la tête sur le coté. "Ouai, tant mieux. Plus on est de fou plus on rit, héhé...Red', je sais que c'est pas très galant, mais pourrais-tu me filer un coup de main? Je suis prêt à parier que tu soulèves plus que l'autre oiseau, là.
-Hé!"
Ledit volatile se redressa d'indignation, au mépris d'un vertige qui manqua de le faire retourner au sol. Krieg ricana.
"-C'est l'esprit coco." Sourit-il. "Oh, Red. Ton problème de blabla dont parlait ton patron, hier, il est physique ou psychologique? Tu risques pas de nous faire une syncope en plein milieu des négociations, hein?"


Ce monstre n'est pas un loup-garou ordinaire. Cruel, calculateur, sadique et manipulateur, il est l'avatar même de ce que nous, humbles chasseurs, avons jurés d'exterminer. ~Extrait du journal de feu Charles Moorhis.
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MessageSujet: Re: Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Icon_minitimeLun 4 Sep - 17:42

Je dois avouer que les applaudissements ne me surprennent que les premières secondes … Mais après tout, s’il a envie d’être excentrique. De toute façon, ce n’est pas moi qui va commenter quoi que ce soit, et lorsque je regarde David, je ne pense pas que lui non plus. Il s’attendait probablement à une réaction plus … utile, disons. Quelque chose auquel il pourrait répondre. Mais si ça lui chante d’attendre … Je patiente sans compter les secondes qui passent. Au bout d’un moment, je sens que je somnole … Mais au moment où ça devient trop fort, on me réveille. Slick. Visiblement, il suffisait de ça pour remettre un peu les choses en branle … les paroles de Krieg ont un petit côté étrange, mais je suppose que ça ne dénote pas de d’habitude. Par contre, sa manière de marcher d’un pas pressé jusqu’à moi et de me renifler me fait faire un pas en arrière, et me réveille tout à fait. Je me tourne vers David, à la recherche d’un peu d’aide … Il semble perplexe, mais pas tant que ça. C’est normal de « sentir » une potentielle recrue comme ça ? Puis je réalise … Il est loup-garou. Mais à part de la bière, je ne vois pas très bien ce qu’il peut sentir sur moi … Bon, du tabac, mais je n’ai pas beaucoup fumé récemment. Lorsqu’il se redresse enfin, il me … Pince le nez ? Là je me sens forcée de retrousser les lèvres, et je lui aurais mis un coup dans la main s’il ne l’avait pas retiré en quelques secondes. Sa simili explication de pourquoi il vient de me faire tout ce cirque me calme. Je lâche juste deux mots à moitié sifflés à son « une créature alchimique » pour faire bonne mesure, mais quelque chose d’autre me retient l’attention.

- Une chimère.  

Le fait que Slick ait dégainé un de ses couteaux me ternit brusquement tout le – peu – de sympathie que je pouvais avoir pour le personnage. Je ne sais pas qui il menace, mais s’il a envie de jouer à ça, il ne va probablement pas gagner. Heureusement, son chef calme le jeu … David est resté relativement impassible, mais il a passé les mains dans le dos. Il fait souvent ça, aussi, lorsqu’il va faire des combats nocturnes … Mais bon. Je me rends compte qu’un de mes poings était particulièrement crispé, et y remédie également. Le sujet de conversation passe à autre chose : les contrebandiers. Là, David s’éclaircit la voix, et pour la première fois de la soirée – dieu merci – il décide de répondre rapidement.

- Le type s’appelle Tatch. Il a un petit comptoir sur la tamise, là où elle sort de Londres, sur la rive Est. Il a aussi une petite bande. Majoritairement des gros bras qui transportent tout ce qu’il fauche … Enfin, « subtilise » aux transporteurs légaux. Le meilleur moment pour le rencontrer, c’est en début de soirée, entre 18 et 21 heures … Il fait ses comptes à ce moment-là, avant de partir dîner. Ou au bordel, m’a-t-on dit … Pour ce que ça me regarde. Un conseil … Les gros-bras sont majoritairement des cons, pour parler franchement. Mais ils savent se battre … Même si, pour le bien-être du commerce, c’est mieux d’éviter de les endommager, eux ou leur patron. Tatch est plutôt bon à ce qu’il fait, et puis bon … Depuis toutes ces années, on peut dire que dans le milieux, il fait partie des meubles, tout le monde le connaît. Red’ pourra vous y conduire, je lui ai déjà montré l’endroit où il bosse … C’est à côté d’un entrepôt qu’il possède, et où il entrepose la majeure partie de ce qu’il revend.

*     *
*


La majeure partie du reste de l’entretien m’échappe … Le sommeil, je suppose. Je sais juste que ça se finit sans heurt, que William, au moment du départ, finit par se prendre les pieds dans son trop grand manteau et s’étaler de tout son long dans une flaque d’eau boueuse, et que quand on arrive enfin à la maison, je me contente de retirer tout ce qui a été trempé par la pluie, et par m’écrouler sur mon matelas pour une nuit sans rêve. Lorsque je me réveille, David, qui avait très bien compris que j’étais trop fatiguée pour être d’une quelconque utilité la veille, me fait un récapitulatif. Demain, je pars avec William retrouver Krieg lui-sais-où en fin d’après-midi. « Avec William » veut surtout dire que je vais d’abord le chercher lui, avant d’aller voir son chef … Je hausse les épaules. La journée passe de façon monotone, attendue … la soirée est bonne, mais rien d’exceptionnel. Lorsque je vais me coucher, je passe quelques minutes dans mon lit à jouer avec mon stylet … En l’observant à la lumière de la lune, je me dis qu’il serait peut-être temps que je me dégotte autre chose. Après tout, si je veux être hors-la-loi … Mieux vaut que j’ai plus d’une arme à disposition, non ? Être une chimère est une arme, ceci dit … Mais pas une sur laquelle je dois trop compter.

Le lendemain, lorsque je toque à la porte de William, c’est une voix féminine qui me répond, cette fois. En attendant un peu, je vois une femme, clairement plus âgée que moi, m’ouvrir et me regarder quelques secondes … J’hésite sur quoi dire, jusqu’à ce qu’un sourire n’illumine ses traits à elle, et quelle ne se retourne vers la maison.

- William ! Ta petite amie est arrivée !
- Ah … Non, je …
- Merci m’man ! J’arrive !
- Vous êtes ravissante … Il ne vous emmène pas crapahuter dans des endroits trop étranges j’espère ?
- Non non … Mais …
William arrive précisément à ce moment-là pour passer sous un bras de ma mère, me prendre par le coude et me tirer hors de portée de ses questions.
- Merci m’man on file on se revoit en fin de soirée !

A vrai dire, je ne sais pas si fuir en courant devant sa génitrice fait vraiment partie des habitudes des garçons de son âge, mais lui, il est douée … En quelques minutes, nous sommes totalement sortis de Londres, et alors seulement consent-il à ralentir le pas. Décrochant mon bras de son emprise, je lui jette un regard noir, face auquel il préfère se défiler … Il tente bien de dire qu’il ne m’avait pas appelé dans ces termes, et que sa mère associait « petite » et « amie » sans vraiment penser aux deux ensemble … je préfère ne rien répondre et me contenter de marcher vite aussi. Il nous faut une bonne demi-heure pour rejoindre l’endroit où son boss lui a donné rendez-vous : de ce que j’arrive à lui tirer, c’est l’endroit où vit Slick … Ce qui m’étonne, je l’aurais cru plus proche de la ville en elle-même. Mais au final, lorsque nous arrivons au cabanon, je me dis que finalement, l’endroit lui va tout à fait. En revanche, il y a du monde. –beaucoup- de monde. William ne reconnaît pas la plupart des têtes, et nous préférons nous faire discrets, derrière la maison … Lorsque Krieg et Slick sortent, accompagnés de 4 autres personnes, je pense me révéler, mais William est
quand même mort de trouille. Soupirant, je reste à couvert. J’assiste à un triple meurtre qui me semble relativement gratuit … Le manque de réactions dans l’assistance est presque aussi surprenant que le geste en lui-même. S’en suivent quelques minutes de « mise en place d’une nouvelle organisation », si je comprends tout bien, puis on nous fait signe de sortir. Ça ne m’étonne pas le moins du monde d’avoir été repéré : je sors sans vraiment attendre, et me plante non loin du gros type mort … Boyd, si j’ai bien compris.

Je me serais bien encombrée d’un bonjour … Si j’avais eu l’impression que ça aurait pu être utile. Au lieu de ça, je regarde William refuser la corvée de traînage de cadavre … De façon poétique. Lorsqu’on me demande si je veux filer un coup de main, je hausse les épaules, puis hoche la tête. Je ne réponds pas à la question sur mon « problème », et fait simplement deux pas pour me retrouver … à l’endroit où est Krieg. D’un geste de la tête, je lui fais signe de se décaler, et m’accroupis pour saisir les bras du gros tas. Ne lui en déplaise, mais même s’il fait une tête de plus que moi, j’ai quand même l’impression d’avoir de plus gros bras. Bon, certes. Ce gros tas mort est lourd. Mais il bouge. Et pas trop difficilement. Il me faut quelques instants pour le faire glisser jusque dans la baraque de Slick : en rentrant dans cette dernière, je fronce le nez d’une manière qui fait presque sourire William. Lorsque je le laisse tomber cependant, je retiens un de ses bras … Sa main est légèrement boudinée, mais ce n’est pas ce qui m’intéresse. Ses doigts. Il portait plusieurs bagues. J’en saisis une, et la tire … Lorsque je l’ai, je laisse le bras retomber à terre avec un bruit mou. L’anneau est en fer poli, avec un renforcement sur un côté … Je tente de le passer à mon doigt. A ma surprise, il tient sans jeu. Je fais bouger mes doigts, ferme le poing. Je mets un bon direct dans l’encadrement de la porte. Le métal a enfoncé le bois sur un petit cercle. Avec un sourire satisfait, je glisse la bague dans une poche, puis sort de la maison. Nous repartons vers Londres … Vu que le trajet ne prend pas deux minutes, j’en profite pour sortir carnet et fusain de leurs poches attitrées respectives, et griffonne un peu en cours de route, avant de passer le papier à Krieg. J’aurais fait mieux si je n’étais pas immobile, mais bon …


Le problème dont je souffre est physique, je n’ai pas de problème à former des phrases. Juste à les dire. Je ne sais pas ce que c’est qu’une sincaupe, mais à part m’ennuyer, je ne vois pas ce qui pourrait m’arriver pendant les négociations. Sinon, quand j’ai grand-chose à dire, je l’écris, lorsque c’est possible.


William jette des coups d’œil furtif à mon papier, mais j’ai de gros doutes sur s’il sait écrire et lire. Après tout, peut-être, mais si c’est le cas, il cache bien son jeu. Comme … Vraiment très bien. Le trajet, pour ma part, se déroule dans un silence monotone … Je dirige nos pas vers les entrepôts où ont lieu les combats clandestins. Il n’y en a pas pour l’instant : en plein milieu de la journée, les gens essaient généralement de travailler. Mais je sais que normalement, le patron du « bar » qui se trouve dans l’entrepôt, si on peut l’appeler comme ça, doit faire l’inventaire de ce qu’il lui reste. Or, il fait ça avec celui qui gère les combats. Et souvent un ou deux assistants qui aident à déplacer les tonneaux, rafistoler le ring ou l’entrepôt en lui-même, ce genre de choses. Je me rends compte, en entrant en ville, que cette dernière pue. L’odeur ne m’avait pas manqué pour un sou. Nous atteignons notre destination au milieu de l’après-midi. Ce n’est pas dur de repérer l’entrepôt où nous nous rendons : c’est un des plus miteux, de l’extérieur. Il n’est pas spécialement grand non plus, d’ailleurs. Je toque à plusieurs reprises à la porte dérobée qui permet d’accéder à l’endroit, vu que la principale est condamnée. On met plusieurs minutes à venir m’ouvrir. Normal : personne à faire le guet derrière le battant … Pourtant, c’est Cyril, le même gosse que d’habitude, qui ouvre le judas. Il reconnaît mes yeux rouges tout de suite. Puis, il tombe sur ceux, noirs, de Krieg à côté de moi. Il nous observe un instant en silence. Puis ouvre le battant quasi sans un mot. Krieg et moi entrons avec de brefs saluts … Et William se prend la porte en pleine figure lorsque Cyril veut la refermer. L’incident me fait sourire en coin. S’en suit une scène affreusement bête et banale, que j’écoute en marchant devant Krieg : les rares bruits dans l’entrepôt ne me cachent pas les deux voix un peu fluettes de deux ados trop maigres.


Vraiment désolé, je t’avais pas vu … T’as pas eu trop mal ?
N-non non, c’est bon,, rétorque William en essuyant le sang qui lui coule sûrement du nez ou de la lèvre. Je n’ai pas regardé : j’en sens simplement l’odeur d’ici. William … ‘chanté.
Moi c’est Cyril, j’bosse ici … Dis, Red’Maw, je la connais, mais … L’autre, c’est qui ? Il vient se battre ?
Mon patron. Et je ne sais pas vraiment …
Bah, en tout cas, j’espère qu’il est plus causant qu’elle, he he he …

Je m’arrête sur place, et tend le bras pour empêcher Krieg de continuer à avancer. Inspirant profondément, je souffle, puis me tourne vers lui avec un sourire.

- Je reviens.

Nous ne sommes qu’à une paire de dizaine de mètres des gérants de l’endroit. Ils se sont déjà arrêtés de bosser pour observer Krieg d’un œil rassuré, sans trop l’être … Mais je suppose que comme je suis avec lui, ils n’ont rien dit aux gorilles derrière eux. Pivotant sur le sol poussiéreux, je me met à marcher en sens inverse vers les deux ados. Ils continuent d’échanger, et je crois que William tente d’expliquer que je ne suis pas débile. Il aurait surtout mieux fait de préciser « pas sourde », mais c’est trop tard de toute façon. Lorsque j’arrive à environ 5 pas, ils me remarquent tous les deux, et se tournent vers moi. Cyril lève les mains, souriant d’un air peu assuré. Soit il a deviné pourquoi je viens, soit il fait très bien semblant, mais sa voix tremble quand il parle.

- Heum, Red’, tu sais, j’rigolais hein, j’voulais juste dire …
- La ferme.

Je lui offre le plus beau sourire du monde lorsque je lui dis ceci, pieds joints, juste devant lui, mains l’une dans l’autre et tête penchée sur le côté. William saigne de la lèvre, et tente de presser sa main sur cette dernière pour arrêter le sang. Ça ne marche qu’à moitié. Cyril tourne un instant le regard vers lui en voyant que je l’observe un peu. Ce n’est que lorsqu’il se tourne de nouveau vers moi que mon poing lui percute la bouche de plein fouet. Je l’envoie littéralement sur le cul. Certes, pas très dur : il a 12 ans, doit peser 50 kilos tout mouillé et les poches pleins de cailloux, et il n’a pas de très bons appuis. Mais ça n’empêche que j’ai la satisfaction de constater que ma main lui a ouvert la lèvre. Criant de douleur dans sa main, il recule un peu, mais se rend compte que je ne vais pas le poursuivre, et que ma main ne le châtiera plus. La frottant en observant toujours le gosse avec un sourire, je penche la tête sur le côté, puis, d’un coup de tête, désigne le visage de William à Cyril.

– Voilà. Harmonisés.

Faisant de nouveau volt-face, je rejoins Krieg en quelques grandes enjambées, continuant de masser mes phalanges. Frapper de cette manière fait quelque peu mal aux poings, et je pense m’être fait craquer le poignet … Mais ça en valait amplement la peine. Les gérants du club connaissent parfaitement l’historique entre moi et Cyril, et cela fait bien longtemps que je peux en coller une à ce petit con sans m’inquiéter. Tant que je n’abuse pas … Arrivant à côté de Krieg, je lui fais de nouveau signe d’avancer, l’air radieuse.

-  C’est bon.


La mâchoire rouge... Pourquoi un tel nom ?:


Dernière édition par Red'maw le Sam 30 Sep - 11:39, édité 1 fois
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Krieg
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Krieg
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Race : Loup-garous, indubitablement
Classe sociale : Âme errante. Je n'existe pas aux yeux de votre société, vermine humaine.
Emploi/loisirs : Chef de meute. Tente d'unifier les gangs de Londres sous la lumière de La Lune.
Age : 334
Age (apparence) : La trentaine passée.

Proie(s) : Tout le monde.
Oui.
Absolument tout le monde.
Résistance mentale : 5/5 de résistance mentale.
Crédit Avatar : Veronica Anrathi
Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Empty
MessageSujet: Re: Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Icon_minitimeVen 29 Sep - 12:31

"-Ah."
Ce n'était pas une réponse très intelligente, ni même appropriée, mais le coup que venait de faire (ou plutôt de donner) Red'maw avait laissé Krieg légèrement dubitatif. La tête penchée sur le coté et le sourcil droit haussé, le loup jeta un coup d'œil du coté du gosse malmené en lui adressant, au passage, un petit sourire se voulant "apaisant". Le pauvret se mit aussitôt à fixer ses chaussures comme si sa vie en dépendait et Krieg, loin d'en prendre ombrage, ricana. Bien sûr, sa définition "d'apaisant" n'était pas exactement la même que le commun des mortels.

"-Red. Qu'est-ce que tu nous amènes là?" Gueula un type étrange, tout tordu, complètement avachi contre un tonneau faisant à peu près sa taille...Et pesant visiblement bien plus lourd. Au premier regard, il n'avait pas l'air d'être une figure importante, avec sa tête de rat, ses dents gâtées, ses sourcils broussailleux, plus épais que l'entièreté de sa carcasse famélique et ses frusques grotesquement rapiécées...Cependant...Les trois gorilles autour de lui prouvaient que sa vie valait quelque chose, au final. Première et intéressante surprise.
"-Hm. Moi." Répondit finalement le vieux loup, en exécutant, au passage, une révérence particulièrement grotesque, avant d'avancer jusqu'au type étrange.
Sans grande surprise, un des grands costauds se plaça aussitôt en travers de son chemin. Son supérieur l'en écarta d'un sifflement, apparemment intrigué par ce nouvel arrivant.
"-C'est toi le gérant?
-Ca dépend. T'es qui?
-Un ami de Red'."
La trop légère carcasse fut secouée par quelques quintes de toux censées évoquer un rire. Le type avait l'air encore plus pitoyable de près. Ses cheveux gris, longs et filasses, semblaient trempés tant ils étaient gras. Et un bandage gris de saleté recouvrait la quasi-entièreté de sa gorge. Ses lèvres étaient...Eh bien, figées, dans une espèce de grimace éternelle, maladive, définitivement non-voulue, qui ressemblait autant à un sourire qu'à un début de sanglot. En ajoutant à ça son nez, long et crochu, le type avait l'air d'un sorcier sortant tout droit d'un conte pour enfant.
"-Red a des amis?"
Une fois suffisamment proche de l'étrangeté pour pouvoir sentir la sueur du gorille situé derrière ce dernier, Krieg répondit, en tentant d'imiter la grimace figée sur le visage de son vis-à-vis :
"-Manifestement. "
L'autre pouffa. Le son se révéla tellement désagréable que William, à l'autre bout de la pièce, grimaça. Krieg resta stoïque et souriant.
"-Un effronté, évidemment. Qu'est-ce que Red aurait pu amener d'autre ?" Les gorilles autour d'eux, leurs énormes bras croisés sur leurs poitrines, rirent comme un seul homme. Puis le silence revint. "Bon, tu veux te battre, c'est ça? Les combats commencent dans la soirée, tu veux qu'on te présente sous quel n...
-Dans un premier temps. Le coupa Krieg. J'aimerais connaître ton nom, fiston.
Nouvelles "quintes de rires" de la part du principal concerné, qui prit un peu plus appui sur son tonneau, dans le but de se tenir presque droit. En réalité, sa silhouette restait tellement tordu que son menton arrivait à peu près au niveau du torse de Krieg, qui était lui-même déjà fort vouté.
"-Ca fait bien longtemps que plus personne ne m'appelle fiston, ah ! Tu essais de me complimenter maintenant? Hm ! Je t'aime bien. Je suis Stuart. Officiellement. Officieusement, c'est moi, Brook-le-vrai.
-Ah."
Krieg pesta intérieurement. Cela faisait maintenant deux fois en quelques minutes qu'une répartie cynique lui manquait. Il allait falloir veiller à ce que cela ne devienne pas une habitude.
"-Et c'est censé me dire quelque chose?"
Une quinte de rire de trop sembla manquer d'expédier Brook-le-vrai au tapis, si bien que le loup-garou eut presqu'envie de le retenir avant qu'il ne tombe à la renverse. Presque.
"-T'es pas tant informé que ça finalement hm? Bon c'est pas grave, je m'en fous. Pour simplifier, c'est moi qui m'occupe des paris. Tout les paris. Maintenant que tu connais mon nom, expliques-moi c'que tu...
-Je voudrais acheter ton établissement."
L'un des gorilles, incapable de se retenir, pouffa. Krieg lui adressa un sourire avenant signifiant "si tu continues, je vais t'égorger avec l'os de ton propre bras". Le vieux, de son coté, fixait cet acheteur inattendu d'un air particulièrement soupçonneux. Satisfait de son effet, le mercenaire attendit qu'une réponse vienne, qu'importe la forme de celle-ci.
"-Quoi?"
Bien, au moins ce n'était plus lui qui manquait de répliques cinglantes. Les choses allaient en s'améliorant, visiblement.
"-J'ai de l'argent, suffisamment. Mais ce sera pour plus tard. Je sais comment fonctionne ce genre de coins. Les "employés" ne respectent pas les nouveaux arrivants, surtout si ils sont assez garnis de pognon pour pouvoir acheter l'établissement qu'ils fréquentent depuis leur plus tendre jeunesse. Il faut prendre le temps de connaître les gars. Et surtout, de se FAIRE connaître des gars, pas vrai?"
L'autre n'avait pas l'air de vouloir lui couper la parole. La puanteur se dégageant de sa personne donnait, par ailleurs, l'envie à Krieg d'arracher le pansement qui bandait son cou pour voir si la plaie que le tissu recouvrait se mettrait à saigner jusqu'à ce qu'il en crève. Une idée intéressante. Peut-être plus tard.
"-Moui, moui. L'établissement perdrait toute crédibilité si le premier bourge venu pouvait se l'approprier." Finit par dire l'étrange rongeur humain.
Krieg hocha la tête et posa avec réticence sa main sur l'épaule du vieux bougre.
"-Exact. Donc on s'en cogne, de cette histoire d'achat, pour l'instant, j'ai des besoins plus pressants. Le premier concerne ma réputation. Je suis un outsider, comme vous dites par ici. Et mes gars sont des originaux. T'as entendu quelque chose sur les gars de Slick et les punitions qu'ils infligent?
-Nan.
-Précisément. Mes gars font peur dans leur quartier. Et bientôt dans celui de ce gros abruti de Boyd. Mais on manque singulièrement de rumeur à notre sujet. Bonnes comme mauvaises. Personne n'a envie de rejoindre une bande d'ancien gagne-petit soudainement devenu les sbires d'un énième outsider, pas vrai?
-Boyd est avec vous?"
Le sourire que Krieg lui adressa en guise de réponse fit comprendre à l'ancêtre que "Boyd ne sera plus avec personne". Et cela lui fit froncer les sourcils. Aussitôt, deux gorilles se posèrent dans le dos du loup-garou.
"-Quel genre de petits merdeux tu m'as ramené, Red?"
La main sur l'épaule de l'ancêtre se serra.
"-Le genre dangereux, fiston. Qu'est-ce que ça peut te foutre? Je ne veux pas te tuer, toi."
Cette dernière révélation eut le mérite de détendre l'atmosphère. D'un regard, le vieux fit reculer une nouvelle fois les gros costauds...Puis se dandina difficilement vers un comptoir miteux, fait de brics et de brocs –sans doute le bar de "l'établissement"- pour y chiper une bouteille d'un alcool quelconque.
"-Je n'aime pas parler le gosier sec.
-Et je déteste parler avec des types complètement bourrés. Donc vas-y mollo, fiston."
Ledit fiston fit craquer sa vieille carcasse en renversant sa sale tête pour boire au goulot de la bouteille, puis reporta son regard vers l'invité surprise.
"-C'est encore mon établissement, que j'sache. Mais t'en fais pas, je tiens la route.
-Certes. Qu'en dis-tu?
-Que j'ai rien à dire parce que tu n'm'as rien dis d'bien intéressant, foutredieu."
Le tueur se massa l'arcade sourcilière. Visiblement, il n'avait pas été assez clair.
"-Je veux que l'un de mes gars puisse faire sa petite entrée dans votre grande famille. Et je veux qu'on le mette en face d'un gros méchant, un des favoris de préférence. Du genre de ceux qui ont convaincu la garde de ne pas traîner la nuit dans les docks.
-Pourquoi tu n'prends pas Red? Elle fait pâlir beaucoup d'nos gars ici."
Krieg jeta un coup d'oeil du coté de la concerné. Aussi animée qu'un porte-manteau abandonné, la chimère avait l'air de s'ennuyer ferme. Le loup soupira.
"-C'est déjà une tête connue. Et elle s'est battue pour elle-même, bien avant que ma meute ne débarque. Ce ne serait pas assez...Comment dire? Significatif?
-Ta "meute"?" Répéta l'ancêtre, en essuyant sa bouche trempée d'alcool.
Le loup haussa les épaules.
"-Ma meute, ouai.
-Un nom de bande un peu classique, mais avec ta gueule d'animal sauvage, ça te va pas trop mal.
-Je prends ça pour un compliment.
-C'en est un. Continue."
Krieg le salua d'un hochement de tête entendu et s'exécuta :
"-Le fait que Red soit de mon coté aidera un peu, mais je veux marquer les foules."
Le rire de l'ancêtre, encore plus désagréable que d'habitude, le coupa aussitôt.
"-Les foules, qu'y dit ! Ah ! Y'a pas mal d'habitués les soirs, mais bon dieu, c'est loin d'être une "foule". Alors "LES foules", t'es pas près d'les trouver ici.
Mais le vieux loup ne se démonta pas pour autant.
"-C'est parce que tu ne sais pas ce qui intéresse les gens. Ca aussi, on le changera, mais plus tard. Pour l'instant, ma meute doit faire son entrée. Et j'ai besoin de ta coopération pour ça.
-Et qu'est-c'que j'y gagne, moi, le p'tit chef?" Manda l'autre, en enchainant sur une autre gorgée.
Krieg attendit qu'il ait finit de boire pour répondre:
"-Je traite bien mes associés. Je les paies bien, surtout.
-Tu n'm'as pas l'air très riche.
-Je n'aime pas afficher mon aisance." Renchérit le mercenaire, en sortant de la poche de son pantalon couvert de poussière une bourse bien garni, qu'il jeta aux pieds du vieux.
La récupération de ladite bourse se révéla plus compliquée que prévu, principalement parce que le dos du prénommé "Brook-le-vrai" n'avait pas l'air de s'accorder avec le reste de son corps. Mais lorsqu'il mit la main dessus et qu'il en vérifia le contenu, le vieux rat sembla plus que satisfait.
"-C'est pas une p'tite somme, t'en aurais pas d'autres comme celle-ci?
-Pas maintenant."
Principalement parce que Deydreus, malgré sa situation, ne lui fournissait pas des fonds infinis.
Le vieux cligna furieusement des yeux pendant plusieurs secondes sans jamais cesser de regarder la bourse, puis posa cette dernière sur le comptoir.
"-Donc, tu plaisantes pas, t'as vraiment les moyens d'acheter c'coin si tu l'veux.
-Oui." Mentit Krieg, sans cesser de sourire. "Mais ça viendra plus tard, comme je te l'ai dis."
L'autre fit dodeliner son étrange tête.
"-D'accord, d'accord, ton gars aura sa place et son combat. Avec Le Quinze, tiens. Il se couchera au douzième coup. Il simule bien, t'en fais pas.
-Qui a parlé de simulations?"
Le vieux fronça les sourcils en comprenant où l'original voulait en venir.
"-Dis donc, p'tits chef, j'aime pas trop le ton que tu prends. Nos gars sont des durs à cuirs.
-Pourtant ils pâlissent en face de Red'.
-Elle est plus costaude qu'elle en a l'air !
-Et?
-Oh, va t'faire ! Y'aura un combat. Et aucun trucage. Comme tu l'auras décidé. Mais j'veux pas t'voir revenir en pleurant parce que ton gars s'est fait casser des os qu'il ne pensait même pas avoir ! Le Quinze n'est pas un enfant de coeur."
Krieg ricana.
"-D'où lui vient ce nom, au fait?
-Le jour où sa femme est morte, il a enchainé quinze combats sur le ring. Et il les a tous gagnés.
-Et le seizième?"
Le vieux désigna de son menton tordu la jeune Red, qui les observait en silence dans son coin. A cet instant, Krieg eut l'impression de voir un sourire fugace traverser son visage inexpressif.
"-Je vois." Il s'éclaircit la gorge bruyamment. "Bon, alors c'est entendu?
-Ouai. Que ton gars se présente ici en disant qu'il fait partie de "la meute" et on s'en occupera. Comment j't'appelle p'tit chef?
-Krieg.
-Ouh, quel nom de grand méchant !" Ironisa le vieux, en ponctuant cette dernière réflexion d'une dernière rasade de mauvais alcool. "Va pour Krieg. Simple, facile à retenir. Krieg, très bien."
Le concerné observa son vieux cinglé d'interlocuteur essuyer sa bouche tordue, pleine de bave et d'alcool, en silence pendant quelques longues, très longues secondes...Puis fit brusquement volte-face pour se diriger vers la sortie.
"-Parfait. On se reverra d'ici peu." Cracha-t-il, une fois face à la porte d'entrée. William, un mouchoir sur la bouche, se dépêcha de le rejoindre pour lui ouvrir le passage.
-J'espère bien, héhé !" Fit Brook-le-vrai, en soupesant une énième fois sa nouvelle bourse.
Krieg n'entendit pas le "a bientôt p'tit chef !" que le vieux rat lui adressa ensuite, car la porte s'était déjà refermée dans son dos. Sans un mot, calmement, il s'éloigna de quelques pas de l'établissement, s'enfonça un peu dans les ténèbres avoisinantes et les caisses de bois pourries, prit une grande inspiration...Eut aussitôt l'impression qu'un poisson mort s'était infiltré dans ses narines, grimaça, cracha, balaya les environs du regard histoire d'être sûr que personne ne les avait encore prit en chasse, et, finalement, se détendit en s'affalant contre la paroi grinçante d'un hangar presqu'aussi miteux que le bâtiment dont il ressortait.

"-Ca veux dire que ça s'est bien passé, ça?" Demanda bêtement William, la main toujours posée contre sa narine molestée.
Le loup ne répondit pas tout de suite. D'abord, il prit le temps de faire comprendre au jeunot que c'était une question idiote en le fusillant du regard, chercha ensuite quelque chose pouvant lui servir de siège improvisé, jeta son dévolu sur un tonneau renversé calé entre deux caisses, s'écroula quasiment dessus...Et répondit :
"-J'ai même pas eu à tuer quelqu'un coco, donc oui."
Ledit fiston renifla douloureusement.
"-Ah bon. Mais...
-Hm?
-Tout ce charabia concernant les rumeurs, la meute...
-Ouai?
-C'était vrai? J'veux dire, tu veux vraiment qu'on s'fasse connaître plus encore? On risque pas de..."
Krieg posa ses coudes sur ses cuisses et croisa les mains.
"-On risque gros, évidemment, surtout si un hunter décide de se pencher sur notre cas. Mais on risque pas plus que lorsqu'on a massacré cet imbécile de Boyd ou...Ah, Red, au passage."
L'intéressée, qui se tenait légèrement en retrait sans piper mot –pour changer-, eut l'air de soudainement sortir de sa torpeur :
"-Fais particulièrement attention à toi, ces prochains jours. Pour peu qu'un ou deux fouineurs revanchard t'ais vu traîner avec William ou Slick, tu risques de devenir une proie rêvée pour ceux qui ont une dent contre moi. Je me doute que tu es débrouillarde, mais un coup bien placé à l'arrière du crâne, ça calme n'importe qui. Donc, hm. Tout d'abord, prends ce que William va finir par sortir de sa poche quand il aura retrouvé l'usage de ses mains."
Ainsi William, après avoir retrouvé l'usage de ses mains engourdies, finit par sortir de sa poche un petit pendentif argenté représentant une simple croix. Krieg fronça les sourcils à la vue de son éclat, mais continua :
"-C'est de l'argent. Je te déconseille de le filer à ton patron, d'ailleurs. Range donc cet air étonné, veux-tu? C'est simplement pour éviter qu'un hunter ne te prenne pour cible en traquant l'un de nos gars, avec ça, tu auras l'air d'une parfaite et innocente petite serveuse. Ça ne marchera pas avec les vieux chasseurs qui ont roulés leur bosse, mais ça marchera avec les jeunots peu expérimentés. Crois-moi. Ensuite, bon...Le Broken Jaw est un endroit sûr pour toi. Le patron n'a pas exactement l'air d'être un grand plaisantin, ni d'être ce genre de rapace prêt à vendre sa protégée au premier salopard venu. Donc tu n'as, à priori, que très peu de chance de te faire égorger dans ton sommeil. Cependant, si, dans les semaines à venir, tu te rends compte qu'un habitué ne se pointe plus, que quelqu'un te suit ou te regarde bizarrement...Même si tu n'as qu'une simple et fugace impression. Tu prends ce fichu collier et tu le jettes à l'entrée du Broken. A n'importe quelle heure, du jour ou de la nuit, tu comprends? Je ne peux pas avoir les yeux partout tout le temps, pas encore. Mais ça, ça te permettra de focaliser mon regard ou celui de Slick pendant un certain temps."
Le jeune fouineur, qui n'avait de cesse de hocher la tête d'un air concerné depuis le début du résumé de son chef, s'exclama finalement :
"-Hé, mais moi j'ai jamais eu ça !"
Krieg sourit. Encore.
"-Qui voudrait te tuer?"
Long silence. Le vieux loup finit par prendre appui sur ses genoux pour se relever et déclarer :
"-Bon, ceci étant fait, ceci étant dit, place à la prochaine adresse. Amènes-nous donc à ceux qui manquent de respect à ton patron."


Ce monstre n'est pas un loup-garou ordinaire. Cruel, calculateur, sadique et manipulateur, il est l'avatar même de ce que nous, humbles chasseurs, avons jurés d'exterminer. ~Extrait du journal de feu Charles Moorhis.
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MessageSujet: Re: Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Icon_minitimeMer 4 Oct - 17:11

Le quinze … Pas une victoire si glorieuse que ça. Au treizième combat, un coup de coude sur la tempe l’avait déjà bien sonné. Et lorsque je suis monté sur le ring, il avait la tête en sang. Ceci dit, il cognait toujours aussi fort. Je retrouve un air neutre en peu de temps. Les négociations ont l’air de bien se passer … je pense ? Avec Krieg, les choses sont souvent confuses, pour les autres. Il les aime comme ça, surement. William et Cyril se « rendent utile » dans le fond de l’entrepôt, sous les ordres d’un gorille quelconque. Puis, la discussion prend fin … Un échange de bourses, un échange de noms, un petit arrangement de combat, et voilà ? ça semble si simple. Mains dans les poches, je sors derrière le vieux loup, et fronce aussitôt le nez. L’air dans l’entrepôt m’aurait presque fait oublier celui de l’extérieur. Marchant sur quelques mètres, nous nous arrêtons, histoire que le « patron » fasse une pause … mh. C’est drôle de l’appeler comme ça, quand j’y pense. Pourtant … c’est le cas, maintenant. Je me demande quand viendra la paye … De combien elle sera … Quand j’y pense, mon embauche doit être une des plus étranges dont j’ai jamais entendu parler. En fait, je ne sais même pas si j’ai eu le choix … bah. C’est toujours plus intéressant que faire serveuse, en tout cas.

- Mh ?

Le fait d’entendre mon nom me fait lever la tête. Et entendre Krieg parler me fait hausser un sourcil. Il s’inquiète pour moi ? S’il n’avait pas cette tête, je trouverais l’acte « mignon » … Là je suis juste perplexe. Et ça ne s’arrange pas lorsque William me tend une croix … En l’observant un peu, je comprends tout de suite de quel métal elle est faite. En y réfléchissant, après tout … effectivement, quel meilleur moyen de berner un chasseur pensant traquer un groupe de loup-garou ? Enfin … Un groupe où il n’y a que ça. Je finis par le ranger dans une poche … M’afficher avec ne me fait pas envie. Et David risque de grincer des dents à chaque fois qu’il la voit. Enfin … je m’y ferais, surement. Ou au pire, je ne la sortirais que de temps en temps. Et quand j’y pense … C’est aussi une arme. Pas pour un humain normal …Mais contre un loup-garou, ou même un vampire. Le fait que Krieg m’en confie une prouve qu’il a assez confiance pour se dire que je ne tenterais pas de l’attaquer avec …Encore que. Se procurer quoi que ce soit de létal en argent n’est pas très compliqué, et une croix ne serait pas la meilleure. Enfin. Lorsqu’il termine son monologue, j’hoche la tête pour approuver.

- ça marche.

La suite prête à sourire, de mon point de vue … De façon cruelle, mais juste, William est bien le dernier qu’on prendrait comme cible pour un assassinat. A vrai dire, le fait qu’il soit encore en vie à l’heure actuelle est un miracle en soit … Un miracle qu’il met à l’épreuve à chaque instant qu’il passe à proximité de Krieg. Je soupire … Il va déjà être temps de repartir. Ceci dit, cesser d’avoir le nez agressé par les docs ne me fera pas de mal. L’endroit où on se rend sent … un brin meilleur. Ça se situe toujours sur les bords de la tamise ceci dit, mais … un instant. Quelque chose cloche … Un bruit étrange … Et soudainement, j’ai un réflexe. Pousser William. Mon « coup », si on peut l’appeler comme ça, le percute à l’épaule, et le décolle presque du sol. Il s’écrase contre la paroi de briques de l’entrepôt avec un bruit étrange, et tombe à terre en glapissant. Il s’écoule une ou deux secondes de battement, relativement étranges. Et peut-être pour la première fois depuis que je le connais, il a l’air énervé lorsqu’il se relève.

- MAIS CA VA PAS LA TÊ … te … Oh … Oh mon …

Son pic de rage retombe encore plus vite qu’il n’était monté. Le mien, au contraire, crève le plafond. Car la main avec laquelle je l’ai poussé, je la crispe au maximum pour tenter d’encaisser la douleur. J’ai un carreau d’arbalète qui me ressort par le milieu de la paume. Un de ces carreaux pas chers, en bois, même pas très pointu. Observant ma blessure un instant seulement, je me tourne aussitôt vers le toit. Le tireur et son compagnon n’ont pas eu la bonne idée de se planquer. Pas tout de suite en tout cas. Mais c’est trop tard. Ils sont tous les deux nichés sur le bâtiment sur lequel débouche la ruelle dans laquelle nous sommes. Les deux ont une arme à distance, de piètre facture. Je crois reconnaître la tête d’un des deux … un des hommes de mains du gros. De toute façon, je sais avec quasi-certitude que ce n’est pas l’œuvre d’un hunter … le projectile de l’arbalète en dit long sur celui qui la manie. Sa cible aussi, si c’était bien ce qu’il visait. Dans un peu tous les cas, au final, ça ne change pas grand-chose. Parce que je suis furieuse, désormais. Retirant le carreau en tirant lentement dessus, je lèche légèrement la pointe ensanglantée après l’avoir extrait … Puis, retire mes bottines. Je m’approche du mur auquel s’adossait Krieg, il y a quelques instants. Et surtout, je laisse cette énergie étrange crépiter autour de moi, parcourir mon corps … Et le transfigurer. Mes pieds s’allongent. Mes muscles triplent en densité. Mille millier d’écailles percent ma peau, la recouvrent, et lui donnent cette teinte orange et noire. La serveuse s’efface et laisse place à la chimère … Et aussitôt, la transformation me donne soif de sang. Mais je m’en fiche. De toute façon, j’ai deux proies à me mettre sous la dent … Je suis juste obligé de tirer l’arrière de ma jupe vers le bas, le temps que ma queue ne puisse sortir, et se déployer derrière moi, se générant en un clin d’œil.

Je bondit devant un william terrifié. Pauvre gosse. Perdu au milieu des monstres. Les briques offrent des appuis faciles. Mes griffes s’enfoncent légèrement entre. Je n’escalade pas. Je me jette vers le haut, puis m’accroche. Il ne me faut que 3 secondes pour atteindre le toit. Je regarde en face. Ils étaient 3, au final. Tire-laine. Petites frappes. Cache-misère. Viande froide. Un d’eux recharge son arbalète. Mes griffes arrachent un morceau du toit. Je lui lance. Je le touche à l’épaule. Il tire dans le sol. Je souris. Je me met à galoper. Le bord de mon toit se rapproche. Très vite. Sans importance. Je bondis. Mon corps passe au-dessus du vide. Deux des trois comparses ont déjà commencé à courir. Vers l’échelle, sûrement. Déjà trop tard. Je met un coup au troisième en passant. Il crie de douleur. Bras qui a craqué. Je ricane. Les deux autres sont lents. Je les dépasse en un instant. Je pivote pour les regarder. L’un d’eux se pisse dessus. Ils freinent autant que possible. Pas assez. Je bondis vers eux. Mes mains rencontrent leurs gorges. Ils sont emportés par mon élan. En retombant, je pousse leurs têtes vers l’avant. Elles percutent le toit en concert. Joli bruit. L’un d’eux avait un couteau. Il l’avait sorti. Il le lâche. Je le prends. Lui plante dans la joue. Il ne crie pas. Il ne crie pas ? Je fronce les sourcils. Sa gorge est nue. Mal rasée. Ah. Une cicatrice. En plein milieu. Muet.Je les prends par le col. Les traîne. Retourne vers Krieg et William.

Au bord du toit. Je jette celui qui parle. Là, il crie. Pas longtemps. Il percute le sol avec un bruit mou. Bras cassé le suit. Il ne meurt pas de sa chute. Mais je regarde en bas. Krieg. William. D’autres silhouettes ? Stupide. Je ricane. Pas de joie. Je prends muet par la gorge. Il se débat faiblement. Je saute. L’atterrissage est rude pour moi. Encore plus pour lui. Ses jambes percutent le sol. Ça les brise. Il ne crie toujours pas. Il essaie. Mais reste silencieux. Je sourie encore plus. Ceux avec Krieg et William sont tournés vers moi. Je bloque la rue. Mais je n’agis pas. Pas envie. Je préfère laisser le patron s’amuser. Je me contente de prendre un des bras du muet, le soulever. Il tremble. Résiste. Sans succès. Mes crocs se plantent dans son coude. Il tente de hurler à nouveau. Je mords plus fort. Le sang coule. Léger goût d’alcool. Manque de viande dans l’alimentation. Peut-être malade. Et pourtant, je m’en abreuve avidement. Il remue. Il ne peut pas crier, mais il veut se libérer. Je tire d’un coup de sec, arrachant la peau et quelques tendons. Son visage est rouge … On dirait que sa peau jaunie et sale va exploser. Je mords ailleurs. J’arrache. Je mords. Quand le sang cesse de couler, je relâche … il s’écroule à terre. Je me passe la langue sur les dents un instant, les nettoyant.

«
Red’maw ».


La mâchoire rouge... Pourquoi un tel nom ?:
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Krieg
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Proie(s) : Tout le monde.
Oui.
Absolument tout le monde.
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Crédit Avatar : Veronica Anrathi
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MessageSujet: Re: Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Icon_minitimeMar 24 Oct - 19:27

"-Me regarde pas comme ça, je t'avais dis qu'elle n'était pas "normale" non plus, elle."
Les tremblements de William commençaient à avoir quelque chose de comique. Le jeune homme continuait de fixer les chaussures que Red avait laissée derrière elle, après sa "transformation" en affichant un air horrifié qui, en y réfléchissant, était sans doute parfaitement naturel pour le commun des mortels, au vu de leur situation. Laissé sur place par l'étrange chimère, le duo de mâle restait immobile, le plus jeune paralysé par la peur et le plus vieux par l'indécision. Devait-il monter, rejoindre l'étrange dame sur les toits pour l'assister? A en juger son apparence post-transformation elle n'avait sans doute pas besoin d'aide...De plus...Laisser le gamin seul lui paraissait être une idée plutôt mauvaise.
En tout cas, presqu'aussi mauvaise que laisser quelqu'un d'autre faire couler le sang à sa place.
"-Tu m'attends ici fiston, je rev...
-Mesdames !" Cracha une voix proche en mimant –plutôt mal, d'après le principal concerné- la voix du mercenaire pluri-centenaire.
Krieg haussa un sourcil, poussa William derrière-lui assez brutalement pour qu'il sursaute en se plaignant d'une voix geignarde. Puis attendit. Pas longtemps, vraiment pas longtemps.
Là-haut, les autres commençaient à se rendre compte que les choses n'allaient peut-être pas se passer comme prévu. Ici...Ici les ombres commençaient à se mouvoir. A prendre forme. A donner naissance à des imbéciles en guenilles et aux sourires narquois. Krieg n'en comptait que deux, mais les tas d'ordures, les coins sombres, les tonneaux et les caisses alentours pouvaient en cacher bien plus. Ce qui n'avait pas grande importance, au final. Les retardataires allaient fuir dès le premier sang. C'était sûr. Les vrais pro ne rataient pas leur tir. Jamais.
Alors, comme d'habitude, Krieg sourit. Et fixa le plus grand –et visiblement, le plus confiant- des nouveaux arrivants. Il avait l'air d'un homme de main tout à fait classique dans le coin. Mal fagoté. Bras nus excessivement épais. Couteau dans la main. Visiblement pas fait d'argent, le couteau, ce qui rendait les choses encore plus facile. La seule chose qui le différenciait véritablement de son collègue plus en retrait, en réalité, c'était son ridicule haut-de-forme, définitivement trop petit et trop "classe" pour sa tête de brute fière de sa pitoyable condition.
"-Je suppose que vous ne cherchez pas votre chemin?
-Non, on cherche un fils de chienne.
-Un chiot errant? Je crois bien avoir entendu un aboiement quelque part par là..." Krieg accompagna ses dires en pointant une direction au hasard, mollement.
L'autre, plus en arrière, grinça des dents :
"-Il fait le malin mais il se chie dessus, ça se sent. Butons-le et cassons-nous.
-Vous n'avez absolument pas vu ce qui est parti chercher vos copains, pas vrai?"
Court silence. Krieg s'avança d'un pas. Les deux imbéciles aussi. William retint sa respiration.
Un corps tomba du ciel, précédé par un cri de terreur, et s'écrasa au sol dans un craquement sonore.
"-Nom de dieu !"
Le vieux loup pouffa.
Puis sursauta à moitié lorsque Red les rejoignit à son tour...En écrasant au passage les jambes d'un pauvre type qu'elle trainait sans grand mal.
S'ensuivit un instant de flottement, terriblement long pour ceux qui se prenaient pour des "assassins". William, qui n'avait toujours pas reprit sa respiration, manqua de tourner de l’œil et se mit à souffler comme un boeuf. Deux nouveaux types, derrière Mr haut-de-forme, étaient sorti de leur cachettes pour faire face à la nouvelle menace mais semblaient, désormais...Figés. Paralysés. Apeurés.
Il est utile de préciser que Red'Maw était en train de dévorer l'un de leur ami, apparemment encore vivant. Et les bruits de mastications qui accompagnaient l'action n'évoquaient rien, absolument rien, d'agréable.
"-C'est quoi ce bordel Pat'?" Lâcha l'un d'eux, résumant ainsi la pensée générale.
Mais Pat ne répondit pas. Parce que Pat, délesté de son haut-de-forme, se tortillait par terre, en se demandant comment diable ce sale type avait pu lui planter son propre couteau dans la gorge sans qu'il ne s'en rende compte. Au-dessus de lui, Krieg faisait tourner le couvre-chef de sa victime autour de l'index de sa main droite, sans cesser de fixer ceux qui restaient.
Un fait qui eut le mérite de les réveiller.
Ce n'était pas des bleus dans le domaine du combat de rue et de la mise à mort de groupe. Ça se voyait. Pas des pros, mais pas des bleus non plus. Le niveau intermédiaire en quelque sorte. Aussi n'eurent-ils besoin d'aucune concertation, d'aucun signe de la main, pour coordonner leurs assauts. Le plus costaud, un gros fendoir à la main, s'écarta d'un pas sur la gauche juste avant d'arriver au contact et, de l'imposant fendoir qu'il avait en main, porta un vicieux coup, de haut en bas, vers les côtes du vieux loup. Le plus agile passa sur sa droite -en sautant au-passage par-dessus le tonneau qui avait servi de chaise improvisée à Krieg- sans dévoiler sa garde. Son coup à lui visait la carotide. Le dernier, le plus rapide, maniait une courte rapière et attaqua de front, dans le but de transpercer le cœur ou un poumon avec la pointe de son aiguillon.
Krieg tomba.
Ou plutôt, il s'écroula volontairement, serra les dents en sentant un très désagréable picotement au niveau de l'épaule gauche, puis releva la tête pour constater que :
Le fendoir était tombé. La main qui le possédait jusqu'alors venait de perdre deux doigts. Et le porteur du surin auteur desdites amputations souffrait de l'arrivée impromptue de ce qui semblait être une pointe de rapière en plein dans le coude. Nul doute que l'un des trois "presque-pro" avait décidé de corriger la trajectoire de son coup en voyant Krieg ainsi s'écrouler au sol. Un fait qui avait visiblement perturbé leur belle chorégraphie.
Le mercenaire riait aux larmes lorsqu'il se redressa d'un bond, en s'emparant au passage du fendoir abandonné pour commencer à tuer.
Sans surprise, le premier à mourir fut le porteur de rapière. Principalement parce que son assassin avait toujours détesté ces armes qui rendaient l'acte du meurtre trop propre à son goût. Il ne lui laissa pas la moindre chance. Trois coups successifs, rapides, dépourvus de la moindre grâce et de la moindre précision, verticaux, portés de haut en bas, sur le visage. Son œil droit gicla tout bonnement de sa boite crânienne éclatée, puis son corps agité de soubresaut, refusant visiblement de tomber, commença une étrange et sinistre chorégraphie à base de tremblement en tournant sur lui-même.
A cette vue, le porteur de surin, déjà particulièrement pâle depuis le transpercement de son coude, vomit quelque chose de liquide et horriblement malodorant avant de sombrer dans l'inconscience.
Le dernier, qui s'était éloigné de quelques pas le temps de reprendre ses esprits, ouvrit la bouche, la ferma, la rouvrit, puis partit en courant.
Red'Maw le vit se précipiter dans sa direction puis s'écrouler devant elle, son propre fendoir planté à l'arrière du crâne.
William, qui, quelques instants plus tôt, avait sérieusement envisagé de quitter les docks à la nage, risqua un coup d'oeil en direction du massacre puis regretta aussitôt.
Krieg s'essuyait les mains dans la chemise du pas-encore-défunt porteur de rapière, toujours debout bien qu'un peu moins mobile. Sa bouche dévastée, littéralement fendue en deux, émettant un étrange et désagréable son.
"-Krh...Krh..Krh..."
Le mercenaire hocha la tête d'un air entendu en tapotant le reste du front de sa victime.
"-Tout va bien William?"
Celui-ci répondit après s'être assit par terre.
"-Ouai...Je crois...Je...Je sais plus...
-Krh...Krh...Krh..." Continuait le presque-cadavre, agité d'ultime soubresaut.
En entendant cette nouvelle série de caquètement, le jeune homme qu'était William releva la tête et fixa son patron d'un regard déchirant. Pendant un court instant, Krieg crut qu'il allait se mettre à pleurer. Mais le gamin avala sa salive et fit simplement, d'une voix tremblante :
"-Faites-le taire, s'il-vous-plait...
-Oh, bien sûr."
Le corps s'effondra finalement.
Calmement, le chef de bande vérifia que l'inconscient l'était bien. Puis, à la surprise générale, il vint s'agenouiller aux cotés de William en lui tapotant la tête de sa main la moins rouge.
"-T'en fais pas, c'est fini fiston. Ce sont des choses qui arrivent, quand on vit cette vie là, tu piges?"
Le concerné renifla en fixant ses pieds.
"-Ou...Ouai."
Mais Krieg l'obligea à relever la tête pour affronter son regard. Ce regard-ci. Celui qu'il avait lorsque son désir de mort le quittait un court instant...Et que le vide prenait sa place. Dans ces moments-là, il n'y avait rien dans les yeux du vieux loup. Absolument rien. Ce qui rendait ses deux billes vertes plus dérangeantes encore que d'habitude, lorsque haine et joie les faisaient luires. Alors, ce qui aurait dû être un regard réconfortant, presque paternel, se révéla être un regard vide. Desséché. Mort.
"-Tu ne risques plus rien, maintenant."
William hocha la tête silencieusement en réprimant un frisson. Krieg se détourna et frappa d'un coup de pied le corps du dernier agresseur encore vivant. Celui-ci émit un couinement pitoyable, a peine humain, sans pour autant sortir de l'inconscience, alors le vieux loup haussa les épaules en grinçant :
"-Red', pas de problème de ton coté?"
Pas de réponse, évidemment. Trois pas et un coup d'oeil indiscret plus tard, le chef de bande découvrit que la petite serveuse était toujours occupée à grignoter un bout d'homme. Son sourire reprit aussitôt sa place habituelle.
"-Permets-moi ma fille de te demander quel genre de bête étrange a été mélangé à ton corps. J'ai vu beaucoup de chose dans ma vie, du lycanthrope pacifiste au vampire hémophile...Mais ça...J'avoue, c'est une première. En particulier la...Enfin..." Il fit un geste indéfinissable tout en désignant son arrière train. "Queue? Nageoire? Nom de dieu, c'est bizarre, même pour moi ! Oh, viens voir au fait."
Quelques instants plus tard, le duo d'êtres aux dents pointues se retrouvait au chevet de l'homme inconscient. Krieg, agenouillé à sa droite, au niveau de son visage aussi disgracieux que crasseux, l'étudiait d'un air profondément détaché.
"-Tu vois, c'est ça une syncope. J'ai même pas eu besoin de le frapper, il est tombé tout seul."
William, un peu plus en retrait, tenta de se relever, le regretta, resta assit par terre et grommela :
"-Je le comprends un peu."
Le loup réprima un ricanement.
"-Bon, j'aurais tendance à dire que rester ici est une mauvaise idée. Si personne n'a encore prévenu les autorités après le boucan qu'on a fait, ça ne va pas tarder. Le truc c'est que je n'ai pas envie de laisser ce petit con ici, sans lui avoir posé de question. Will', une idée?"
L'intéressé parvint enfin à se remettre debout en s'appuyant contre un mur d'entrepôt couvert de mousse.
"-Les...Les fidèles...Les gars les plus proches de Boyd ont une rose rouge percée d'un pieu, tatouée sur la nuque."
Le mercenaire retourna le corps inconscient et vérifia l'état de sa nuque, sans y déceler la moindre trace d'encre. Calmement, il fit de même avec les cadavres lacérés et finit par trouver son bonheur en retournant le gros costaud, celui qui avait encore un fendoir à l'arrière du crâne. Une rose, grossière, était effectivement inscrite sur sa nuque, entre deux marques de plis de nuque crasseuses, le pieu censé la traverser n'était presque plus visible à cause du sang ayant coulé dessus. Peu surpris, Krieg hocha la tête, retira le fendoir du crâne lui servant de fourreau, retourna aux cotés de l'agresseur assoupis...
Et lui trancha la tête.
"-Si ça te déranges pas, on va faire un petit détour par chez nous, Red."

†††††††††

"-Quelle nuit pourrie nous allons avoir..."
La mine boudeuse, les bras croisés, l'auteur desdites paroles se tenait debout, le front posé contre la fenêtre aux carreaux sales de sa maison –toute aussi sale-. Ses beaux yeux bleus, plissés, fixaient le tout petit morceau de ciel gris s'étant faufilé entre les toits des baraques environnantes avec un air de reproche tout particulier que ses deux comparses connaissaient bien.
"-Une journée ensoleillée. Mais pas de lune pour ce soir, à cause de ces foutus nuages...Nuit pourrie, je vous le dis."
Derrière-lui, le plus jeune des deux autres, assit sur un antique canapé infesté de puce posé en plein milieu du salon, caressait un chat borgne aux longs poils noirs.
"-Cites-moi une seule nuit sans pleine lune que tu ne trouves pas "pourrie", Ferg'." Se contenta-t-il de répondre, sans même penser à ouvrir les yeux.
Le concerné, sans quitter du regard son petit bout de ciel, émit un rire trahissant plus sa lassitude qu'un véritable amusement. "Ferg'". Il n'aimait pas ce surnom mais avait tout simplement cessé de le mentionner une fois qu'il eût comprit que chaque protestation encouragerait ses "amis". "Ferg' " le diminutif de Ferguson, son nom de famille. Prononcé "Fer-Guss-On". A force d'entendre les autres l'écorcher avec amusement, il avait finit par changer son écriture, pour que même à l'écrit, ça se voit. "Ferguson" était devenu "Fergusshon". Peine perdue. C'était après ce changement minime que les autres avaient arrêtés de le nommer "Ferguzon" pour opter pour le simple diminutif "Ferg'", surnom qui l'agaçait presque plus que l'écorchage de son pauvre nom de famille.
Calmement, il passa sa main droite le long de sa mâchoire et fronça un peu plus les sourcils en sentant que ses poils de barbes avaient déjà repoussés.
"-Il faut que je me rase..."
Le chat sur les genoux de l'un des deux autres miaula tandis que son caresseur ricanait.
"-Tu le dis tout le temps aussi, ça.
-Sauf les pleines lunes, heureusement." Intervint le dernier, caché dans l'ombre. Et Fergusshon manqua de grincer des dents à l'entente de sa voix trop grave, rocailleuse. L'intonation ne laissait deviner nulle intelligence, nulle finesse. Seulement la brutalité naturelle d'une avalanche un jour de tempête. "Imagines-le une minute, la truffe au vent, la gueule pleine de bave et soudainement : "Il faut que je me rase"."
Le rire du caresseur de chat sonnait un peu trop méprisant à son goût. En se passant la langue sur ses lèvres fines, "Ferg'" riposta :
"-L'apparence, en tout cas lorsqu'elle vaut quelque chose, est importante, les gars. Mais comme je l'ai dis, il faut qu'elle vaille un minimum, au départ. Ca explique pourquoi vous ne pouvez me comprendre.
-Ecoutez-moi ce petit con hautain. " Gronda la voix dans l'ombre.
"-Au moins, il avoue qu'on ne peut pas le comprendre, c'est déjà ça."
L'incompris soupira une nouvelle fois sans rien ajouter. Evidemment qu'ils ne pouvaient pas comprendre. Ils n'étaient pas lui...Ils n'avaient pas ses...Avantages.
Un beau visage, aux traits à la fois fins et anguleux. Des yeux bleus séduisants, luisants d'une intelligence évidente. Une superbe chevelure blonde, presque blanche, qui, lorsqu'elle n'était pas retenue dans un solide catogan –comme maintenant-  pouvait tordre de jalousie prostituée comme Comtesse. Et bien sûr, un corps sec, parfait, sculpté par son possesseur aux prix de milles efforts. Oui, évidemment qu'ils ne pouvaient pas comprendre. Eux qui n'arrivaient qu'à séduire que catins et pauvres folles. Eux qui n'avaient jamais compris l'intérêt du raffinement.
Alexey. Celui avec le chat. Plus grand que lui, sans doute plus fort, mais surtout plus vieux. Ses multiples rides d'expressions rendaient son visage encore plus dur qu'il ne l'était de base. Sa mâchoire carrée était constamment parcourue par une légion de court poil de barbe poivre-et-sel lui donnant un air négligé. Son regard aux couleurs de l'acier ne brillait pas, ne communiquait rien, si ce n'est, parfois, lorsque ça lui prenait, l'éternelle et froide colère de son possesseur. En temps normal –comme maintenant- ses yeux étaient aussi vides que ceux d'un poisson mort. Mort depuis longtemps. Ses cheveux –comme sa barbe- restaient toujours court et grisâtre, découvrant son front à jamais marqué par deux longues rides horizontales. Son corps restait par contre celui d'un jeune homme. Celui d'un bagarreur, bien qu'il soit évidemment moins perfectionné que celui de Ferg', il n'avait pas eut besoin de le sculpter, il était naturellement fort. Seule sa peau grisâtre, maladive, trahissait son état de presque-vieux. Quarante ans à peine et pourtant, Ferg' lui en donnait facilement la soixantaine. Parce qu'Alexey Teretchenko n'avait jamais pensé à prendre soin de son corps ou de lui-même. Pourtant personne n'écorchait son nom de famille, à lui. On le prononçait bien. Le plus souvent à voix-basse, parce que le loup gris avait l'oreille fine et n'aimait pas qu'on parle de sa personne.
Le chat miaula à nouveau lorsque les ombres se mirent à bouger. Quatre lourds pas firent grincer le parquet usé de la maison, puis Alasker sortit des ténèbres et se pencha pour ramasser le verre de jus de pomme qu'il avait posé par terre l'heure d'avant.
Teretchenko leva la tête et observa le géant boire cul sec, engloutissant le liquide comme les puces qui étaient venus se noyer dedans.
Lui non plus n'avait pas eu besoin de sculpter son corps. Alasker était naturellement un imposant bloc de métal aux apparences vaguement humaines. Plus de deux mètres de muscles et de haines scarifiés par des années de combats de rues, de bagarres sans intérêts et de meurtres odieux. Ses yeux marrons, éternellement plissés, ne trahissaient, à l'image de sa voix, que la brutalité excessive ayant toujours été sa signature. Pas de cheveux, seulement des marques. De lames. De flammes. De poings. De marteaux. De griffes. Son visage massif, rendu disgracieux par sa décevante normalité était, tout comme son corps, couvert de cicatrices tantôt simplement intimidantes, tantôt carrément répugnantes. Sa barbe ne poussait que par endroit, là où aucun coup n'avait laissé  de marques, le résultat parfaitement chaotique réussissait l'exploit de lui donner l'allure d'un animal hirsute malgré le fait qu'il soit chauve. On racontait que "le costaud" pouvait tuer un homme d'un seul coup de poing. Ferg' savait que c'était vrai. Parce qu'il l'avait déjà vu faire. Pourtant, malgré le fait qu'Alasker dispose d'autant de puissances dans ses bras, épais comme deux –gros- troncs d'arbres, soit autant intimidant et ait aussi la largeur d'épaules de deux dockers, pour rien au monde Ferg' n'aurait troqué son physique contre le sien. Trop, c'était trop. L'excès de force, comme tout autre excès, rendait l'être humain laid. On ne pouvait atteindre la perfection en dépassant le quintal, c'était un fait.
"-Miaooooow !" Gueula le chat borgne.
"-Mendoza n'est pas content." Déduisit Alexey en tirant l'une des trois moustaches restantes du concerné, celles du coté de son œil valide.
"-Ce putain de chat n'est jamais content." Souffla Alasker, résumant ainsi la pensée générale.
"-Quelqu'un va arriver.
-Oh, pour l'amour de..." Le plus grand des trois malfrats reposa son verre sur le sol avant de reprendre :"Pour la dernière fois, ce n'est pas un chien de g...
-Il a raison." Coupa Fergusshon en décollant un peu son front de la fenêtre. "Le gamin arrive. Avec le boss et une dame.
-Une dame ou une pauvre fille?"
L'observateur pencha la tête sur le coté, réfléchit quelques secondes puis tira sa conclusion :
"-Une pauvre dame?"
On frappa à la porte quelques secondes plus tard. Ferg, qui s'était déjà déplacé jusqu'à la porte d'entrée, l'ouvrit...Pour tomber nez à nez avec une tête coupée, surmontée d'un haut-de-forme légèrement déformé.
"-Salut les enfants, on peut rentrer?" Manda Krieg "le patron" en agitant la tête de haut en bas.
Le bellâtre, habitué aux excentricités de la bande, acquiesça en saluant au passage son chef d'une rapide poignée de main.
La pauvre dame entra en deuxième et, en découvrant son visage, Ferg' ne put s'empêcher de lui faire un baise-main accompagné d'un sourire charmeur.
En dernier débarqua, comme d'habitude, ce gamin mal fagoté que la bande considérait unanimement comme une sorte de petit frère un peu perdu, William. Il l'invita à entrer en tapotant au passage son imposante tignasse à jamais emmêlée.
Une fois à l'intérieur, Krieg ne perdit pas de temps. Il s'avança jusqu'au milieu du salon, salua de la tête les deux autres, puis posa la tête –celle qui était tranchée, pas la sienne- sur le verre trainant par terre.
Alasker haussa un sourcil. Alexey caressa son chat. Le chat grogna à l'attention de William, qui s'était déjà faufilé –comme d'habitude- vers le duo dans le but d'amadouer l'animal.
"-Un nouvel ami?" Finit par demander le plus grand des trois.
Krieg s'essuya les mains sur le canapé.
"-Ouai. Une bande nous est tombée dessus. Des revanchards, l'un d'eux avait une rose percée d'un pieu tatouée sur le cou."
Court silence.
"-Et du coup?"
William, tout en suçant son index, dont le bout avait été ouvert par un coup de griffe impromptu, répéta ce qu'il avait déjà dit à son chef :
"-Les proches de Boyd ont cette marque-ci, pour se reconnaître entres-eux.
-Et le chapeau?"
Un rire nasillard raisonna dans la pièce alors que Krieg se penchait pour soulager la tête décapitée de son couvre-chef.
"-Ah, tu l'as remarqué? Je pense que je vais le garder en trophée." Pour soutenir ses dires, il le posa délicatement sur son propre crâne en souriant de toutes ses dents.
Fergusshon lui rendit son sourire en ajustant un peu la pose du haut-de-forme.
"-Il te manquait plus que ça boss'.
-Je trouve aussi, merci.
-On mettra cette tête à un endroit bien en vu, près de l'ancien QG de Boyd. Tu nous présentes?"
Le vieux loup hocha la tête.
"-Y'en a deux ou trois autres dans les docks, Will' vous y conduira." Puis il recula un peu pour désigner Red', toujours dans le noir.
"-Red', voici mes meilleurs gars : Alexey Teretchenko, sur le canapé avec son chat. Fergusshon, le type avec la chemise ouverte alors que tout le monde s'accorde à dire qu'il fait froid. Et Alasker tout court, celui qui est carrément torse nu pour je ne sais quelle raison.
-Oh pardon." Le géant retourna dans l'ombre pour enfiler rapidement une chemise ayant jadis été de couleur blanche. "Journée salissante, j'ai carrément dû jeter ma veste."
"-Un beau corps se doit d'être exposé à la vue de tous." Affirma pour sa part Fergusshon, sans cesser de fixer l'unique représentante du sexe féminin.
"-N'ait pas peur, il croit parler du sien, pas du tiens. Enchanté mademoiselle." Conclut Alexey, qui ne s'était même pas levé ou tourné pour saluer ladite dame, et ne l'avait donc même pas encore vu.
Krieg, satisfait par l'attitude de ses "gars" enchaina :
"-Les gars, je vous présente Red'Maw, serveuse, bastonneuse, étrange et dangereuse créature alchimique et nouvelle associée. Grâce à elle et son patron, tu vas pouvoir faire ta grande entrée chez les bastonneurs des docks, Al' !"
Le concerné sembla ravi.
"-Hors donc, qu'est-ce que j'oublie...
-Le 'êt' 'oss..." Fit William, sans cesser de sucer son doigt ouvert.
Krieg claqua des doigts :
"-C'est ça, le prêtre. On est passé par chez lui mais ça avait l'air encore plus mort que d'habitude, vous savez où il est parti se fourrer?"
Le caresseur de chat, en déconseillant au gamin de refaire une tentative d'approche, répondit :
"-Quand Slick est passé pour dire qu'il changeait de baraque, Roderick lui a demandé si il pouvait prendre l'ancienne pour un projet personnel. On sait pas quoi."
D'un haussement d'épaule, le chef des loups fit comprendre à ses comparses que cela n'avait que peu d'importance :
"-Tant qu'il n'a pas d'ennuis...Que quelqu'un prévienne Slick pour le coup des entêtés tatoués, là. Et, hm...Ah oui, faites attention en allant chercher les autres macchabés au dock. J'ai planqué les caboches mais c'est pas impossible que les autorités aient fouillées, on a fait un peu de bruit. Ah et ces salopards ont visés Will' !"
Le visage d'Alasker s'assombrit. Et quelque chose dans son regard de très désagréable commença à s'éveiller.
"-On était tous à découvert. Ils ont visés Will' en premier. Avec une arbalète."
Un méchant sourire vint illuminer le visage d'Alexey.
"-Ca ne leur a pas réussit, visiblement.
-Ouai, mais ça veut dire que notre mascotte n'est pas forcément à l'abri des coups bas, donc faites aussi gaffe à lui.
-On fait toujours gaffe à lui."
Krieg approuva d'un nouvel hochement de tête. Puis il posa sa main sur l'épaule d'Alexey, toujours assit sur son canapé.
"-J'vais peut-être avoir besoin de quelqu'un pour la suite immédiate, là, Red nous emmène voir un imbécile qui manque de respect à son patron. Un imbécile de contrebandier.
-Ca marche."
Le chat quitta les genoux de son maître, qui se leva sans un son pour se tourner vers Red'.
"-On vous suit."


Ce monstre n'est pas un loup-garou ordinaire. Cruel, calculateur, sadique et manipulateur, il est l'avatar même de ce que nous, humbles chasseurs, avons jurés d'exterminer. ~Extrait du journal de feu Charles Moorhis.
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MessageSujet: Re: Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Icon_minitimeJeu 7 Déc - 17:35

Je baisse les yeux. La proie bouge. Respire. Toujours vivante. Pathétique. Je lève un pied. Le baisse. Il fait enfin du bruit. La nuque. « crac ». Je souris. Relève les yeux. Le « boss » se bat. Bien. Bien mieux que les autres. Ils s’entre-tuent. Il les achève. Rapidement, plutôt. William est terrifié. Je profite. J’ai le cœur qui bat. Fort. Vite. Le sang. Il m’enivre. M’abreuve. Jouissif. Tout se termine. Plusieurs morts. Je plisse les yeux. On me pose une question. Mes oreilles bourdonnent. Je comprends mal. Juste mon nom. Red’Maw … Petite fille. Je soupire. Reviens vers mes chaussures.

Fermant les yeux, je souffle par le nez. Lentement, l’alchimie opère. Mon corps s’allège, diminue en taille. Ma pensée se fluidifie rapidement. J’ai un soupire lorsque la dernière vertèbre de ma queue « rentre » dans mon coxys. Je renfile les bottines plus ou moins dès que mes pieds me le permettent … L’intérieur sera un peu sale, mais tant pis. Je ne réalise qu’à mi-chemin que l’un des avant-bras du pauvre bougre s’est visiblement détaché après avoir été un peu trop mordu au niveau du coude, et que j’ai gardé le reste entre les dents. J’arme mon bras, et balance le truc en direction de la tamise : un « plouf » satisfaisant, au bout de la rue, m’indique que c’était une réussite. Lorsque Krieg se retourne vers moi et m’interroge de nouveau, je hausse les épaules. Vampire hémophile ? … le terme me perturbe sans que je sache pourquoi. J’ai oublié, je suppose. Pour le reste, je croise les mains dans le dos en regardant les corps.

- Requin. Roussette maille.

Je pourrais expliquer que ma nageoire caudale est, justement, une nageoire avant d’être une queue, et que me dire qu’il trouve ça « bizarre » alors que lui-même se change en homme-loup à poils long et queue touffue tous les mois est un peu ironique. Mais ça prendrait 10 ans pour formuler la phrase : je m’abstiens. Observant la main avec laquelle j’ai poussé William, je constate qu’elle a cicatrisé … Ce qui est apprécié. Lui aussi le remarque, visiblement. L’explication sur la syncope a le mérite d’être claire, je me contente d’hocher la tête pour acquiescer. Le passage sur la rose et le pieu me semble … cliché. Les malfrats n’ont pas autre chose à faire ? Enfin …  Je suis ce qui se passe de loin, tout de même. Je note dans un coin de ma tête de faire attention aux types avec cette marque. Puis hausse un sourcil lorsqu’une tête est sectionnée gratuitement. Mais là aussi, je hoche les épaules. Tant qu’il sait comment la planquer sur le trajet … Et s’il veut faire un détour, pourquoi pas, on a encore le temps.

- Aucun problème.

Je me passe la langue sur les dents avant de sourire un peu. Pas, comme Krieg, à cause d’une habitude malsaine. Mais juste pour ne pas avoir le sourire trop sanglant. Pourtant, même si toute l’action est passée … Je sens très bien que William se méfie désormais beaucoup plus de moi qu’avant. Tant pis.


*     *
*


Sans grande surprise, le quartier où nous nous rendons n’est pas vraiment « recommandable ». La puanteur des docks laisse place à celle de la misère. Certaines bâtisses ne donnent pas l’impression de pouvoir supporter une décennie de plus, d’autres pas une année. Krieg est dans son élément. William jette des coups d’oeils réguliers autour de lui. Je suis sans rien dire. La journée s’est rafraichie. On a beaucoup marché, au total … Et le ciel bleu est devenu grisâtre, maussade. Je soupire en imaginant le broken jaw. J’espère que David s’en sort sans mal. Nous traversons un jardin encombré. Krieg toque à une solide porte de bois. Quelqu’un ouvre. Il fait une petite blague avec la tête et le chapeau. Puis rentre. L’homme à l’entrée me donne tout de suite une impression … Mais avant que je mette le doigt dessus, il me saisit la main. Et l’embrasse.

Ça doit être la troisième fois que ça m’arrive au total, et c’est probablement la plus étrange de toutes. J’en hausse même un sourcil en rentrant dans la demeure. Il m’a fait perdre le fil de mes pensées, en prime. Je me place sur le côté du canapé, saluant simplement d’un petit signe de main le grand type torse nu qui se tient debout. Celui qui est assis ne semble pas vouloir pivoter la tête. Tant pis. Krieg relate ce qui s’est passé dans la ruelle. Le naturel de leur discussion a quelque chose d’étrange … et intimidant. Quelque part, moi aussi, je fais partie de ce groupe ? La chose me laisse perplexe, même si je ne dis rien. Pas au même point qu’eux, c’est chose certaine. Le fait que je ne puisse pas parler beaucoup aide probablement. Et je ne les connais pas depuis longtemps, non plus … Même si, à vrai dire, j’ai l’impression que Krieg commence tout à partir de rien, à Londres. Depuis combien de temps lui-même est-il dans la région ? Je poserais sûrement la question … un jour. Lorsqu’il me présente, je me contente de sourire et de hocher légèrement la tête, dévoilant mes crocs toujours pointus.

- Un plaisir.

La seule chose qui me pose soucis, c’est qu’il ne mentionne pas que la communication peut être … difficile, avec moi. Je réfléchis un instant … Puis, carnet et fusain sortent de leurs poches respectives pour rejoindre mes mains, et je commence à noter en même temps que la discussion continue. La chose ne dure pas extrêmement longtemps, mais j’ai le temps de noter ce qu’il faut. A vrai dire, j’en suis à réfléchir sur si j’ai, ou non, fait une faute à un mot lorsque la voix d’Alexey (si j’ai bien retenu) s’adresse à moi. C’est idiot, mais je me rends tout de suite compte que c’est à moi qu’il parle, sans même le voir. Hochant lentement la tête, je finis par relever les yeux. Puis par faire signe à William d’approcher. Lui, au moins, il sait lire. Difficilement, me semble-t-il, mais il ne rechigne pas à prendre le papier, même s’il a l’air d’être face à une énigme particulièrement complexe. Son front, orné d’une belle ride, ondule et varie quelque peu … Avant de se lisser lorsqu’il comprend. Le fait qu’il lui faille 10 bonnes secondes avant de percuter qu’il faut lire à voix haute laisse un silence pesant s’installer … Tant pis.

- « Krieg ne l’a pas mentionné, mais j’ai quelques difficultés d’électrocution qui - D’élocution. - … Ah oui. D’élocution qui … Font que je … ne peux pas dire plus de deux mots à la suite. Ça ne m’empêche pas de tout comprendre, je sais également lire et écrire, et au pire, je mettrais longtemps à faire une phrase. Et désolé si j’écoroche … et croche … - écorche ? - écorche les noms ! J’ai du mal avec les allemands - William, sérieusement … - Je fais ce que je peux ! Ya pas de lumière, ici … Alors .. Du mal avec … Ah, avec l’allemand et le russe. Ferguhusson … se … prénomme ... comment. Ah, non, c’était une question … Fergusshon ? Ton prénom ?

Je cligne trois fois, très lentement, des yeux. Puis me masse l’arête du nez avec un brin de consternation blasée. Ce gosse est inexplicable. Il était si concentré sur la lecture qu’il n’a pas réalisé qu’il pouvait probablement me répondre lui-même, et sans avoir à poser la question devant tout le monde. Enfin, je suppose qu’il sait … Tant pis. Attendant, du coup, simplement la réponse, je hoche la tête avec un sourire un peu forcé, puis me décolle finalement du canapé pour me mettre en marche. Du moins, je veux, mais avant que j’ai fait un pas, je note que le chat s’est couché devant mes pieds. Je préfère passer lentement au-dessus que tenter de le chasser : les chaussures coûtent cher. Sans beaucoup plus de considération, je me rends jusqu’à la porte, la poussant pour sortir … Une fois que le groupe qui nous accompagne – vu que je suppose qu’un autre va aller chercher les corps – s’est composé, je me mets en route. Encore bien une ou deux bonnes heures de marche …

En chemin, alors que nous sommes revenus sur les quais de la tamise et longeons ces derniers pour nous rendre chez Tatch, deux types nous rejoignent. Ils s’identifient très rapidement comme des anciens de Boyd, venus nous prêter assistance sous l’ordre de Slick. L’un s’appelle Rémi (avec un … « accent aigüe », précise-t-il ? Il a un drôle d’accent. Français. Mais pas français « commun ».) Il ressemble à fer-guss-honne en cela que c’est un bellâtre. Mais le genre qui a passé plus de temps à prendre soin de sa peau qu’à peaufiner ses muscles. Ce serait sûrement assez comique de les voir marcher côte à côte … Mais au moins, il me sert la main, lui.  L’autre, en revanche … « Blunt », si j’ai bien compris, ressemble à l’archétype de l’insupportable. Rien que son sourire l’annonce. Et autant, tout le monde supporte le patron parce qu’on sait qu’il peut à la fois être très dangereux, et également aller très loin. En fait, à vrai dire, même sans nous, il irait très, très loin, probablement … En nous écrasant ou nous manipulant, au passage. Bref. Autant, le patron est insupportable, mais respecté. Autant, lui, pas … vraiment. Je n’aime pas son sens de l’humour, en tout cas. Je ne suis pas la seule. Tant pis. Il trouve pertinent de préciser que tous deux ont étés « initiés » lors de « la dernière fois », et ont « hâte d’être à ce soir ». Avec de la réserve pour Rémi.

Le repaire de Tatch, si on peut l’appeler comme ça, est presque à la sortie de Londres. Non loin d’un entrepôt récent, qu’il a lui-même fait construire, il tient un petit hôtel particulier, où il effectue son petit commerce en plein jour, à la vue de tous. Lorsque notre groupe arrive, les deux gardes se raidissent. Ils n’ont pas l’air fainéant ou faible, mais … Malgré leur force, ils sont gras. Et ce seul détail permet de dire qu’ils ne tiendraient pas une minute face à Teterre … Trente … Aleksey. Alexey ? ça sonnait « Alexey » … Qu’importe. Lorsqu’il pose les yeux sur moi en me voyant m’avancer et me détacher du groupe, l’un des gardes se relaxe un peu, mais garde son expression sérieuse. L’autre redevient la neutralité même.

- C’est pour ? ça fait longtemps que je ne suis pas venu, mais je me souviens de comment le « pré-entretien » avec David s’était passé. Si on sait répondre, ça passe. Et « savoir répondre » veut dire le faire vite, précisément, et bien. Enfin, précisément …
- Des négociations.
- Au nom de qui ?
- David Stone.
- Mh … Nouvelles, ou en cours, les négociations ?
- Nouvelles.
- ça me dit quelque chose pourtant. Nom de la taverne ?
- Broken Jaw.
- Ouais, ‘me disais bien que c’était un nom pourri comme ça … Se penchant sur le côté, il observe Krieg et sa bande, qui ont l’air aussi innocent que des molosses enragés à qui on a appris à s’asseoir. - Et eux ?
- Des associés.
- Bah voyons … … Bon. Ne bougez pas, je vais prévenir Tatch. J’vous préviens, il ne vous recevra pas longtemps … Il est sur les nerfs, ce soir. Comme tous les mois. He he, sa patronne doit virer dingo à la pleine lune.
- Mouais, sûrement.

Il réalise peut-être que faire cette plaisanterie à une femme n’est pas d’un goût excellent, mais si c’est le cas, il n’en montre rien, et rentre dans la bâtisse pour disparaître à l’intérieur. Le second garde fait preuve de l’expressivité même d’un bout de bois chauve, regardant droit devant lui sans rien dire. Reculant un peu, je regarde un peu le reste du groupe, qui … patiente. Et je sais que je suis inexpressive. Mais entre notre compagnon à l’âge avancé, et le bout de bois, je ne sais lequel des deux me surpasse le plus. J’aimerais que cette question reste mon principal souci. Mais Blunt se sent obligé de renifler de façon bruyante, avant de parler toujours avec ce petit sourire en coin. Très énervant, le sourire.

- Hey, dis … J’ai r’marqué. C’est drôle, hein … mais tu dis plus de deux mots, des fois ?
Et en prime d’avoir une tête à claque, il n’a pas la pertinence de remarquer mon changement d’expression. Ou de ne pas toucher les points sensibles.
- Non.
- He he, he ! Vraiment ? Il se lèche les lèvres à trop grande vitesse, et fait un mouvement de la tête. - Non genre jamais jamais ? Un, deux, point ?
- La ferme …
- Hehehe, la ferme qui ? à qui tu parles ?

Je lâche un soupire entre mes crocs qui exprime fortement à quel point ce guss m’énerve, avant de simplement me retourner. Il tente bien de me relancer avec un «
- Oh, non mais pour de vrai, la ferme qui ? », mais je crois que notre compagnon russe lui pose une main sur l’épaule, et que ça suffit. Je crois, je ne regarde pas. Dans tous les cas, tant mieux s’il se tait : encore un peu, et il venait faire les négociations avec le nez en sang. Comme si se le faire casser une fois ne suffisait pas … Mais l’homme de Tatch revient avec un air légèrement maussade, et ouvre en grand la porte. Nous rentrons dans le bâtiment à son « - allez-y » , et le suivons à la queue leu leu. Son patron a son bureau au 2ème étage, rien de bien surprenant. Lorsque le garde toque devant une porte, une voix sèche lui dit de nous faire entrer. La porte nous est ouverte. Tatch, sans surprise, est un homme petit, chauve uniquement sur le dessus du crâne, gros, et dont les yeux perçants nous scrutent de façon caustique à travers ses binocles. Se redressant un peu des papiers sur lesquels il travaillait en voyant le reste du groupe – après tout, nous sommes 5 – rentrer, il fait un signe de la main avec un rictus énervé.

- Vous vous êtes crus dans une foire ? Yen a au moins 2 dans le groupe, et SURTOUT celui-là - Il pointe Alexey du doigt sans détour - qui peuvent dégager et attendre dehors !

A mon immense soulagement, c’est Blunt qui soulève son bonnet de laine à moitié décousu, et accompagne son grand collègue à l’extérieur. Tant mieux, il aurait probablement pu faire foirer les négociations.

- Mieux … Même si ça n’explique pas ce que vous faites là, encore. Se reculant et s’asseyant dans son fauteuil en croisant les doigts sur son ventre, il penche la tête. - J’me souviens de toi, ‘tite blonde. Red’Maw, c’est bien ça ? Tu parles d’un nom … Tu bosses pour David Stone, un irlandais « respectable » - pfeu, comme si ça existait. – qui voudrait s’approvisionner moins cher en bière de chez lui. Ton patron est reparti la queue entre les jambes la dernière fois, tu te souviens ? Bien sûr. J’étais là. Et il le sait parfaitement. Pourtant, son rictus devient d’amusement, alors qu’il continue de me regarder. - Alors … Qu’est-ce qui a changé, depuis ? Et qu’est-ce qui fait qu’il ne daigne pas se présenter en personne ?

Je ne réponds même pas. En fait, je m’écarte juste sur le côté, et désigne Krieg du bras avec un sourire. C’est à lui de jouer, maintenant.


La mâchoire rouge... Pourquoi un tel nom ?:
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Classe sociale : Âme errante. Je n'existe pas aux yeux de votre société, vermine humaine.
Emploi/loisirs : Chef de meute. Tente d'unifier les gangs de Londres sous la lumière de La Lune.
Age : 334
Age (apparence) : La trentaine passée.

Proie(s) : Tout le monde.
Oui.
Absolument tout le monde.
Résistance mentale : 5/5 de résistance mentale.
Crédit Avatar : Veronica Anrathi
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MessageSujet: Re: Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Icon_minitimeLun 18 Déc - 16:27

Krieg n'était pas fou. Pas totalement. A première vue, la situation paraissait facile. Trop facile. Des gros bras surtout gros au niveau du ventre. Dirigés par une espèce de parodie humaine ayant, visiblement, depuis longtemps abandonné l'idée de ressembler un jour à autre chose qu'une limace particulièrement laide. A la réflexion, même seul et avec un bras attaché dans le dos, le vieux loup aurait pu se débarasser des gardes et massacrer ce gros porc avant qu'il n'ait le temps de couiner à l'aide. L'idée en elle-même avait quelque chose d'incroyablement séduisante. Dès qu'ils étaient entrés, Krieg s'était visualisé en-train d'écraser le dessus de ce gros crâne lisse et graisseux contre le bois de son propre bureau, encore et encore, jusqu'à ce que la boite crânienne craque et que son contenu ne s'étale par terre.
Une scène fictive dont le loup avait tiré une grande satisfaction.
Mais elle devait rester fictive, hélas. Car les morts faisaient de très mauvais contrebandiers. Et son nouvel ami David avait besoin d'un bon contrebandier. Le gros devait vivre. Même si son ton hautain l'énervait. Même si il avait congédié Alexey comme si il faisait parti de sa miteuse bande de petits malfrats.
Ah, tiens. On lui parlait.
"-Mais c'est qu'il reste silencieux, le bougre ! Je te préviens, t'as peut-être une gueule à faire pâlir les pucelles, mais moi j'en suis pas une. Alors ton coté méchant mystérieux, tu te le carres où je pense, et tu réponds à la question." Brailla le crapeau humain."Qu'est-ce qu'il veut l'Irlandais?
-On s'en cogne. Tu as déjà décidé que ce serait non, pas vrai?"
L'intéressé fit rouler ses petits yeux mesquins en prenant un air moqueur.
"-Le voilà qu'y cause. Et y cause fort bien, d'ailleurs. Qu'est-ce que tu ferais, si j'te donnais raison?"
Krieg répondit en souriant simplement. Le gros, à sa grande surprise, ne perdit pas contenance, au contraire.
"-Ouai, t'es un casseur que l'Irlandais envoi pour me faire peur. Tu sais que ça peut lui couter gros, ça, hein? Tu imagines ce que…
-Parfaitement." Le vieux loup se délecta de la mine effarouché du gros, vexé qu'on ait osé lui couper la parole dans son propre établissement."Je les connais, les salopards dans ton genre coco, crois-moi. Un arrangement avec la police du coin, hein? Tu balances tes concurrents, t'obtiens un peu de protection, et en échange ils se servent quand ils veulent dans tes réserves tout en cartographiant un peu plus, chaque jour, les réseaux criminels que tu connais et utilises."
A sa défense, le gros ne laissa rien paraître, si ce n'est un amusement hautain. Le mercenaire soupira.
"-C'est les gars comme toi qui font crever le métier, fiston. A ce rythme, on se coffrera tout seul au lieu d'essayer de piquer le trottoir du voisin pour y installer nos filles.
D'une moue dédaigneuse, l'autre prit la peine de préciser :
"-Ne me mélanges pas aux crasseux de ton genre. Jamais je n'ai mis une fille sur un trottoir."
Krieg haussa un sourcil en le sondant du regard.
"-Oh, monsieur a des principes, hein?
-Ce n'est pas une question de principe. Et viens-en au fait, j'ai du travail. Sache que c'est très mal parti."
Le concerné pencha la tête sur le côté, tout sourire. Les gros bras autour commençaient à faire de petits gestes nerveux, soulignant encore un peu plus leur manque d'expérience dans le domaine de l'intimidation. Un costaud imperturbable, ça faisait plus peur que trois abrutis atteints d'hyperactivité. Mais c'était un rôle plus difficile à jouer. En tout cas lorsqu'on devait faire le pied de grue plus de cinq minutes. Les crampes. Les fourmis dans les jambes. Les regards en coin des autres malfrats. Le mouvement des ombres. Les craquements du bois. Au bout d'un certain temps, ça devenait insupportable, de rester simplement là, à fixer les nouveaux arrivants, les bras croisés sur le torse, l'air neutre-mais-pas-trop, en attente d'un ordre qui ne viendrait sans doute pas, tandis que les autres parlaient, s'énervaient, criaient, s'énervaient encore…
En y pensant, vu l'apparence des lieux et des occupants, Krieg était sûr que Red aurait pu s'en sortir, toute seule, à sa façon, si elle n'avait pas eu ce singulier problème de langage. Le vieux loup nota par ailleurs, dans un des recoins de son esprit tordu, qu'il ne savait toujours pas d'où venait le "problème" de la petite aux dents longues. Un mystère qu'un bon employeur se devait de connaître. Il la revisualisa en train de dévorer le corps des docks et son sourire gagna en intensité. Quelle gosse intrigante.
Krieg mit fin à ses réflexions en secouant la tête, son visage fatigué prenant une expression franchement déçue.
"-Moui. Moui. Je suppose que tu n'es pas intéressé par les dernières propositions de David?
-Je ne suis pas intéressé par tout ce qui touche à ton Irlandais. Toi y compris.
-Et le fait de te menacer ici-bas ne changerait rien, puisque cela énerverait, j'imagine, copieusement, tes petits copains du Scotland Yard?"
L'affreux sourire qu'adressa le crapeau au loup manqua de lui coûter la vie, tant celui-ci était empli de mépris.
"-Je ne vois pas de quoi tu parles."
D'un hochement de tête, Krieg accepta cette réponse.
"-J'ai bien peur que tout ceci ne nous conduise à une impasse. C'est un coup bas, tu sais. Fut un temps où les criminels de toute sorte préféraient se couper un bras plutôt que s'allier aux justiciers."
L'autre gloussa.
"-Si tu le dis mon vieux. Bonne route, tu sais par où sortir !"

Le plus dur fut de sortir sans trop prêter attention aux rires et aux quolibets dans leurs dos. Ils partirent tous, la tête basse, la mine sombre, vaincus. A l'extérieur, ils se réunirent sans un mot, puis, tout en fixant tristement le dessus de leurs bottes, ils marchèrent machinalement, rapidement, dans le seul but de s'éloigner de l'établissement. Dehors, l'air était pluvieux. Le peu de lumière solaire parvenant à percer les nuages commençait déjà à perdre en intensité. La nuit tomberait bientôt.
Et c'était tout ce qui comptait.
"-C'est assez loin."
Teretchenko les attira dans une ruelle sombre, donnant sur une autre, presqu'identique qu'ils traversèrent en évitant les crottes de chats, les marres d'urines et les ordures pleines de rats. Puis encore une autre. A un moment, Alexey enfonça la trappe verrouillée d'une cave miteuse et descendit ses marches, quatre à quatre. Ils le suivirent dans les ténèbres sans poser de question.
Seul Rémi et Blunt prirent la peine de craquer une allumette avant de descendre dans le noir.
Une fois en bas, Krieg prit la parole. Et sa voix avait reprit son habituel ton moqueur.
"-Alex'?
-Ca ne devrait pas être trop compliqué, ce con puait comme pas possible.
-Ca "devrait"?
-Au pire des cas, j'irais voir dans son bureau, la porte n'est pas très solide."
Un bruit de verre frottant la pierre. Une lumière diffuse qui perce les ténèbres. Rémi émergea des ombres en tenant devant lui une lanterne à la flamme vacillante.
"-Tu n'auras pas besoin de ça d'ici peu.
-J'en ai besoin maintenant." Rétorqua le porteur de lumière, un peu trop rudement.
Krieg le jaugea quelques secondes. Un seul petit instant, leurs regards se croisèrent...Et aussitôt, le plus jeune des deux se mit à fixer le sol avec passion. Le vieux loup aperçut du coin de l'oeil la moue mécontente de Teretchenko, sans relever.
"-Certes.
-Et elle?" Manda Blunt, en pointant du doigt Red'Maw, qui était restée à proximité des marches de l'entrée de la cave. "On risque de la croquer, nan?"
Krieg fit mine d'ignorer le ton délibérément réducteur de son sous-fifre et posa sa main sur l'épaule de ce dernier.
"-Tu pourrais éventuellement te jeter sur elle si je n'étais pas là. Et tu le regretterais sans doute. Mais je suis là, ne t'en fais pas.
-Je n'aime pas l'idée d'avoir des louveteaux dans les pattes pour cette nuit." Gronda Alexey, qui s'était assit tout au fond de la cave, là où nulle lumière ne l'atteignait. La tête posée contre le mur de pierre blanche derrière-lui, juste en-dessous d'une énorme toile d'araignée couverte de poussière, il entreprit de déboutonner son veston pour le poser par terre, après l'avoir soigneusement plié.
Blunt, qui n'avait manifestement pas apprécié sa dernière réflexion, fit quelques pas dans sa direction, affichant une mine tellement énervée qu'elle en devenait comique.
"-C'est toi le Loup Gris, hein? Ca paraît logique, vu ton âge. Tu te crois supérieur simplement parce que t'es l'un des premiers?
-Non. Je ne le crois pas, c'est un fait. Tu t'en rendras compte bientôt." Répondit Teretchenko en retirant les couteaux de ses bottes.
Blunt allait renchérir quand Krieg intervint.
"-Cesse d'essayer de tenir tête à Alex' mon petit. La nuit arrive et les esprits s'échauffent, c'est normal. Si tu le trouves énervant, ne te trouve jamais en présence de Mike avant une pleine lune. C'est vraiment le pire du pire."
Le "petit" qui devait bien faire une tête de plus que son interlocuteur et peser facilement vingt kilos de plus, émit un petit ricanement et acquiesça. Il se relâcha un peu. Tant mieux. Constatant que le début de tension s'en était allé, le mercenaire reporta son attention sur Red en se dirigeant vers elle au pas de course.
"-Je vous laisse quelques instants messieurs. Red, viens, on remonte."
Ladite remontée ne dura que peu de temps, puisqu'il n'y avait qu'une dizaine de marche inégale entre eux et la sortie.
"-Bon, on ne devrait plus tarder maintenant, ma chère "roussette maille". Je ne sais pas si tu as déjà été en présence de ton patron, les nuits où il se transforme... M'enfin même sans ça tu dois te douter que le changement ne nous rend pas spécialement aimable. Bref. Il va falloir les nourrir à la première heure. Même moi je ne peux pas contenir la soif de sang de deux louveteaux lors de leurs premières pleines lunes..."Il marqua une pause. "Enfin si... Je peux les faire obéir de force, c'est ce que je vais faire de toute façon, mais je préfère qu'ils aient déjà fait couler le premier sang. Question de principes. Tu me suis?"
L'intéressée avait l'air d'avoir autant envie de parler que d'habitude. Mais elle suivait.
"-Tiens-toi prête, pas trop loin, à l'extérieur de la cave. Dans ta version...Roussette. Quand la nuit sera totalement tombée, on ne tardera pas à sortir. Normalement aucun d'entre eux ne t'attaquera. Mais reste quand même sur tes gardes. Blunt m'a l'air d'être une bête obéissante et... à vrai dire un peu stupide. Mais Rémi...Je n'aime pas son regard. Il a peur. Les chiots apeurés, la première nuit, ce sont les pires."
Il vérifia d'un coup d'oeil inquiet que personne ne remontait les rejoindre, puis enchaina :
"-Alexey...Le "Loup Gris" comme il l'appelait. Il a du flair, la nuit. Beaucoup. C'est comme ça qu'on va trouver où se réfugie notre petit copain contrebandier, quand il a finit de bosser. Et c'est comme ça que nous allons le convaincre de bosser avec David. Personne ne dit "non" lors d'une négociation avec une bande de loup-garou. Encore plus si les loups sont accompagnés par un étrange requin bipède...Alors voilà. J'espère que tu cours vite et saute loin, une fois transformée, parce que je ne pourrais pas prendre le risque de les ralentir...
-Boss." Gronda la voix de Teretchenko, derrière-eux.
Krieg se retourna d'un bond.
"-Qu'y-a-t-il coco?
-Le gamin commence à flipper.
-Lequel?
-Devine."
Le mercenaire jura entre ses dents.
"-J'm'en occupe. Va leur chercher un...Un encas, en attendant."
Alexey sortit de la cave au pas de course en reboutonnant sa chemise. L'air préoccupé, il fixa quelques instants les cieux toujours plus sombre, au-dessus d'eux.
"-Je ne sais pas si je vais avoir le temps.
-Alors fais vite. Red, accompagne-le. Il t'expliquera en chemin."
Puis, sans vérifier si on lui obéissait ou non, le mercenaire redescendit dans la cave aussi vite que possible.

†††††††††

Ce qu'il voyait n'avait strictement rien de réel. Il le savait. Mais ça ne réduisait pas pour autant son inquiétude. Au contraire. La petite flamme de la lanterne posée devant lui dansait, changeait de couleur...Perdait de son éclat. Prenait parfois la forme de quelque chose qui n'existait pas et qui le terrifiait. Il avait l'impression de faire un cauchemar éveillé. Ses sensations n'étaient plus...Stables. Rémi avait l'impression d'avoir oublié comment marcher. Alors, inquiet de se ridiculiser en tombant, le louveteau s'était assit par terre, contre un mur, imitant ainsi Alexey. Durant ses premières minutes de panique, il avait cherché à discuter avec le Loup Gris, pour se rassurer, pour s'occuper l'esprit... Mais ses mots avaient rapidement commencés à se déformer dans sa bouche. A étouffer et mourir, alors que son cœur s'emballait toujours plus, que ses tempes battaient une mesure bien trop rapide pour son propre bien. Les paroles ne suffisaient pas. Et, de toute façon, la conversation de Teretchenko n'avait strictement rien de rassurant.
Blunt aussi ne parlait plus. Il s'était recroquevillé dans un coin sombre et attendait, figé dans une expression parfaitement neutre, que la nuit arrive. Rémi lui enviait son stoïcisme. Pour lui, c'était trop dur.
"-Je veux pas. Je veux pas je peux pas veux pas pas..." Gémit le gosse, les yeux fermés, les genoux repliés devant lui.
La flamme de la lanterne lui faisait peur maintenant. Mais il ne pouvait s'empêcher de la regarder, de temps à autres. Chacun de ses mouvements contradictoires, de ses formes incompréhensibles, des ombres imaginaires qu'elle ne projetait pas vraiment contre les murs lui rappelait l'imminence de...De quoi, d'ailleurs? Qu'est-ce qui allait se passer? Son corps tout entier trembla lorsqu'il se rendit compte qu'en réalité...Il n'en savait rien.
Pourquoi accepter? Pourquoi accepter ce don? Une ombre passa devant lui. Une ombre qui grognait. Une ombre qui voulait le dévorer. Un clignement d'yeux plus tard, elle avait disparue. Mais pas la peur que son apparition avait provoquée. Ses tremblements gagnèrent en intensité.
L'absence de maladie. Une possible immortalité. Une force surhumaine. "On pourra baiser toutes les putes qu'on voudra sans choper la moindre saloperie" avait prétendu, en riant, Blunt. Rémi avait rit de bon cœur avec lui. Il ne riait plus, maintenant. En vérité, son envie première était surtout de régurgiter, tant la peur lui compressait l'estomac.
"-Qu'est-ce que je vais devenir..." Parvint-il à articuler, entre deux hoquets, tandis que la flammèche s'ouvrait en une gueule hérissée de croc pour l'engloutir tout entier.
Rémi eut juste assez de contenance pour parvenir à se retenir d'uriner sous lui lorsqu'il sentit un contact chaud sur son épaule.
"-Calmes toi fiston." Fit calmement Krieg, d'une voix étrangement douce.
Le concerné ouvrit la bouche...Puis la referma. Il aurait voulu expliquer à cette gueule de cauchemar que tout ceci n'était qu'une erreur. Qu'on l'avait manipulé. Que le fait de rester normal et mortel lui convenait tout à fait. Il maudit le souvenir des derniers instants de sa mère syphilitique. C'était ça, sans aucun doute, qui l'avait décidé à commettre cette erreur. Il avait toujours eu peur de tomber malade comme elle. De finir par ressembler à un squelette humain au visage dévoré, torturé, figé dans une expression d'éternelle souffrance. Rémi aurait voulu lui dire tout ça. Mais il ne parvint qu'à articuler un mot :
"-Ma...Maman..."
Krieg lui sourit en lui tapotant l'épaule. Ses tempes se mirent à battre un peu plus tandis que ses yeux retournaient se poser sur la flamme hurlante.
Le vieux loup constata que son intérêt dérivait et, d'une pression de doigt, éteignit la lanterne.
Les ténèbres l'avalèrent. Le néant l'accompagnait.
Et il n'y avait nulle place pour les hallucinations, dans le néant.
"-Merci.
-De rien.
-Qu'est-ce qui...M'arrive?"
Le rire qui raisonna dans ses oreilles prit une teinte anormalement grave.
"-La bête s'éveille. Ton esprit n'arrive pas à la relâcher. C'est encore trop tôt. Alors elle gratte les portes de sa prison.
-Je...
-Ecoute-moi, coco. C'est trop tard. Arrête d'espérer un miracle, il n'y en aura pas. Tu as emprunté notre chemin et tu ne peux pas faire demi-tour. Maintenant que tu sais ça, comment comptes-tu réagir?
-Je veux p...
-Tout ça n'a plus d'importance. Tu ne m'écoutes pas fiston.
-J'entends des choses."
Krieg pouffa.
"-Oui. Le nid de cafard sur ta droite fait un bruit anormalement fort j'imagine. Et les coups répétés que ton pote est en train de mettre dans le mur d'en face ne doivent pas arranger les choses.
-Bl...Blunt?
-Il ne t'entend plus. Il se cogne contre le mur pour tenter de se rappeler qui il est. C'est louche mais assez courant. Alasker a fait un gros trou dans le mur de son salon la première fois. Avec son front.
-C'est un cauchemar..."
Le vieux loup ne répondit pas tout de suite. Durant cette courte pause, Rémi entendit plus clairement les coups. Ceux de Blunt. Ils étaient presque synchronisés avec les battements de ses tempes.
"-C'est la partie la plus dure fiston, crois-moi. Une fois libérée, la bête s'occupe de tout.
-Mais...Mais et moi?
-Toi, tu ne seras plus là. Tu te reposeras. Comme si tu dormais. Et demain tu te sentiras plus vivant que jamais, si tu vois les choses du bon coté.
-Qu...Quels bons cotés?
-Tu es plus qu'un homme. Tu sors du cycle de vie et de mort standard. Tu t'extirpes de cette boueuse, inutile et handicapante moralité. Tu t'élèves. Tu deviens puissant, fiston. N'est-ce pas ce que tout homme souhaite, au fond de lui?"
"Seulement chez les fous." Aurait répondu le Rémi d'il y a quelques heures.
"-C'est vrai." Répondit-il simplement, sans vraiment le penser...Dans le simple but de contenter la seule personne qui était venu l'accompagner lors de cet horrible moment.
"-Maintenant ferme les yeux et attends que la chasse vienne te prendre, fiston. Ne t'en fais pas, nous sommes juste à coté. Tu n'as qu'à crier si quelque chose ne va pas.
-Ou...Oui."

†††††††††

Le gosse était pitoyable. Tellement terrifié que ça en devenait triste, même pour Krieg. Ses yeux à lui avaient déjà changés.  Son regard de loup perçait les ténèbres sans le moindre effort, alors...Il avait pu voir les larmes couler le long des joues de Rémi. Il l'avait vu trembler de toutes ses forces, se mordre les lèvres et haleter comme un chiot assoiffé. En temps normal, le vieux loup s'en serait cruellement moqué. Tant et si bien que la crise de panique du gosse ce serait transformé en folie furieuse. Mais ça n'était pas là son rôle, maintenant. Son rôle, à l'heure actuelle, était celui du chef de meute. De l'ancien. Compatissant mais ferme. Et il l'acceptait sans honte. Prostré ainsi, le visage couvert de ses propres larmes, Rémi n'avait plus rien du blondinet fier de son apparence et obsédé par sa réputation. Blunt, de son coté, ressemblait déjà à une bête fauve particulièrement dérangée, à se frapper ainsi la tête contre le mur. Son front à moitié enfoncé saignait dans ses yeux. Les lambeaux de chairs déchirés de son visage restaient collés aux briques et les horribles piaillement qui sortaient de temps à autres de sa bouche dévastée n'avaient plus rien d'humain.
Krieg savait déjà comment ça allait se passer, lorsqu'ils reviendraient. Une fois que leur peau de loup seraient tombés et que le soleil s'élèverait de nouveaux. Ils trembleraient et pleureraient, comme des nouveaux-nés. Et il serait là, à leurs côtés. Calme. Silencieux. Souriant, comme toujours. Ils ne diraient rien, car aucun mot ne leurs viendraient jamais à l'esprit, lorsque, plus tard, ils repenseront à ce moment. Pas de mots. Juste un regard. Un regard dans sa direction. Un regard de remerciement. Pour le remercier d'avoir été là. De les avoir vus s'humilier, trembler et pleurer. De les avoir rassurés. De les avoir accompagnés sur les toits de Londres, d'avoir grondé avec eux. De les avoir guidés toute la nuit.
Le vieux loup avait toujours adoré ce court instant. Ces quelques secondes de pure vérité, ou aucun masque ne venaient se poser entre lui et les nouveaux membres de sa meute. Il y avait bien sûr la satisfaction primale de se sentir de nouveau le dominant total, l'alpha, le chef. Mais, au-delà de ça venait quelque chose de plus profond...De plus "sentimental" même si, dans son orgueil de prédateur, il répugnait à l'accepter...
En étant présent lors de la naissance de ces louveteaux, Krieg se sentait devenir un père. Un statut qui, il le savait, ne resterait, à jamais, qu'un rêve pour lui.
Un bruit de frottement contre la pierre. La trappe menant à la cave qui s'ouvre. Puis un grondement sourd. Rémi émit un gémissement atroce alors qu'Alexey redescendait à son tour dans la cave, portant, sur son épaule, un corps baillonné gesticulant faiblement. Krieg alla à sa rencontre et chuchota :
"-Ca s'est bien passé? Red a aidé?"
Le Loup Gris laissa tomber son fardeau sur le sol poussiéreux sans s'en soucier d'avantage. Krieg remarqua que le corps était celui d'un homme relativement épais, dont l'arrière du crâne saignait abondamment.
"-Ouai. Elle a une façon d'attirer les nigauds relativement plus efficace que celle d'Al' ou Mike.
-C'est ce que je me suis dis aussi. Elle est là-haut?
-Je lui ai dis d'attendre qu'on ressorte.
-C'est bien.
-C'est pas passé loin boss. La lune est presque là."
Krieg hocha la tête en se délectant de l'absence d'émotion visible dans le regard du Loup Gris. De tous ses "fils", il était le seul à n'avoir jamais craqué. A aucun moment. Pas avant la transformation. Pas après. Pas même lors de leurs rencontres, dans les bois. Le russe avait déjà toute les caractéristiques d'un bon traqueur, avant même qu'on ne lui accorde le don de la lune. C'était d'ailleurs sans doute ce qui expliquait la maîtrise "supérieure" de sa forme lupine.
Sans un mot de plus, Alexey repartit au fond de la cave.  Krieg l'observa s'asseoir mécaniquement, en tailleur, par terre, le plus loin possible des deux autres, et fermer les yeux, l'air parfaitement détendu.
Le vieux loup s'allongea au milieu de la salle mais garda les paupières ouvertes, conscient que sa vision ne serait, à l'inverse des autres, pas ou peu "modifiée" durant la nuit. Ses yeux, totalement noirs, n'avaient déjà plus rien d'humains. Principalement par manque d'intérêt, il n'avait jamais cherché à savoir d'où lui venait cette "particularité". Pourquoi le contenu de ses orbites, habituellement plus "normal" changeait, se teintait de noirs, les jours précédents les pleines lunes. Etait-ce dû aux expériences que son corps avait subit, chez les Von Klinge? Ou était-ce plus ancien encore? Avec le temps, il avait finit par oublier quand ses yeux avaient commencés à changer si...Prématurément.
Quelque chose se traina sur le sol. Quelque chose de lourd. Sans même risquer le moindre regard, Krieg devina qu'il s'agissait du pauvre type baillonné, qui tentait vraisemblablement de se débarrasser des liens l'entravant. Peine perdue. Peut-être qu'avec plus de temps, ses doigts tremblants auraient pu défaire les noeuds retenant ses mains. Mais là...Le temps que les effets de la première vague de panique aient disparut, le malchanceux bonhomme aurait une bonne partie du torse ouvert. Et peut-être une jambe ou deux en moins, éventuellement.
"-Il y a quelque chose qui ne va pas." Articula difficilement Rémi, d'une voix beaucoup trop grave."Il y a quelque chose qui...Il y a quelque chose qui ne va p...Il y quelque chose...Quelque ch-ch-..."
Le craquement qui suivit provoqua l'apparition d'un large sourire sur le visage de Krieg. Sans le voir, il savait ce qui se passait. Parfaitement. Le vieux loup l'avait vu tant de fois auparavant. La démentibulation violente de tout ce qui avait un jour été humain chez le gosse commençait. La mâchoire se détachait, peut-être. Ou bien, avec de la chance, la colonne vertébrale était la première à imploser pour se reformer. Avec le temps, on s'y accoutumait, le cerveau, les nerfs, le corps s'habituait... Mais la douleur de la première nuit. C'était quelque chose. On s'en souvenait longtemps. C'était d'ailleurs, souvent, la seule chose dont on se souvenait vraiment de cette nuit-ci.
Blunt craquait aussi, mais en grondant. Comme un animal. Mais son corps devait être encore celui d'un homme, bien que légèrement déformé. Et à en juger le bruit, il continuait à se frapper la tête contre le mur. Oh, celui-ci serait une vraie terreur, oui. Krieg le sentait. Sa tête vide de petit humain mesquin allait se remplir de sauvagerie primaire, une fois loup. La première confrontation risquait d'être amusante.
Son propre corps émit un bruit sec évoquant le brutal abattage d'un arbre. Le mercenaire écarta les bras en les sentant se briser, l'un après l'autre. Ouvrit grand la bouche lorsque sa lèvre inférieure se replia sur elle-même avant d'être percée par le conglomérat d'os qui serait sa nouvelle mâchoire. Puis, alors que ses nouvelles dents venaient déchirer et ouvrir la chair de ses fragiles joues humaines, il commença à rire.

†††††††††

Le concert de craquements, de rires et de grognements avait cessé. Et Barry doutait de plus en plus que ce soit une bonne chose. Soufflant par le nez pour expulser la poussière qui ne cessait d'y rentrer, il tenta de redresser un peu la tête en plantant son menton dans la poussière. Ces foutus liens, beaucoup trop solides, maintenaient ses bras attachés dans le dos et le bâillon qu'on lui avait fourré dans la bouche sentait tellement la sueur que l'envie de vomir secouait tout son corps à chaque instant.
Que diable avait-il fait pour mériter pareil traitement? Barry ne se souvenait de rien. Quelques images revenaient parfois, par flash. Une gamine souriante dans une ruelle sombre. Le sol qui se rapproche. Puis la douleur, les rires.
Était-ce possible qu'une de ses récentes actions aient blessés quelqu'un? De toute sa vie, Barry s'était efforcé de ne jamais causer de tort à quiconque alors...Ca paraissait plutôt improbable, mais qui sait?
Quelque chose passa au-dessus de lui. Et gronda.
A l'entente de ce grognement, Barry émit une plainte pitoyable, semblable au sanglot d'un premier né. Un souffle chaud se posa contre sa nuque. Un souffle de bête. Malgré le froid, de la sueur coula de son front lorsque ce qu'il devinait être de la bave tomba dans ses cheveux. On le souleva. Non. Le terme n'était pas juste. Soulever quelque chose ou quelqu'un évoquait le fait de déployer un effort quelconque dans le but de déplacer l'objet en question. Que ce soit une pierre d'une centaine de kilos ou une simple plume. Là, ce qui l'avait prit, quoique ce fut, n'avait déployé absolument aucun effort pour le forcer à se tenir debout, totalement immobile, face aux ténèbres.
Son bâillon lui fut retiré. Et une voix qui n'en était pas vraiment une retentit :
"-FAIS DU BRUIT."
La puissance de l'injonction le fit défaillir, mais ce qui le tenait l'empêcha de rejoindre le sol de nouveau. Ainsi retenu par une force invisible et terrifiante, dans le noir le plus total, Barry comprit une chose : Au moment où il obéirait. Où il ferait effectivement "du bruit", on le tuerait. Alors, malgré la peur, le corpulent prisonnier serra les dents en tentant de ralentir un maximum sa respiration.
"-SUPPLIE."
Ce dernier mot sonna tellement fort dans ses oreilles qu'il crut un instant devenir sourd. Mais Barry maintint le silence alors que d'autres grognements commençaient à se faire entendre. Un aboiement tonitruant fit trembler ses os et les murs à égale mesure. Puis on le relâcha.
Il ne tomba pas dans le piège et n'esquissa pas le moindre mouvement.
Alors une flammèche minuscule émergea des ténèbres pour se faufiler dans une prison de verre et grandir. La lumière perça les ténèbres lorsqu'on jeta la lanterne allumée à ses pieds. Les grondements gagnèrent en intensité.
Barry ne crut pas tout de suite à ce qu'il vit. Principalement parce que toute son éducation, toute son existence avait été basée sur le fait que CA n'existait que dans les rêves. Dans les cauchemars, plus précisément. Mais CA se tenait devant lui, parfaitement droit. Et CA le regardait méchamment.
"-TON SILENCE NE TE SAUVERA PAS."
Et Barry sut que c'était la vérité.
"-MAINTENANT CRIE. SUPPLIE. ATTISE L’APPÉTIT DE MES FILS.
-Mon...Mon...Mon dieu." Gémit le seul humain présent dans les ténèbres, alors que ses yeux usés commençaient à discerner les formes se dessinant dans le noir.
"-PLUS FORT.
-Mon dieu, mon dieu !" Hurla Barry lorsque deux gueules hérissées de crocs blancs s'extirpèrent des ténèbres pour le fixer à leurs tours.
"-NOUS SOMMES VOS DIEUX." Affirma la bête noire qui se tenait droit devant lui."ET VOUS ÊTES NOTRE NOURRITURE."
Son agonie lui sembla éternelle.
Ce qui avait été Blunt mordit dans sa cuisse gauche et le leva dans les airs par la seule force de sa mâchoire. Le tissu usé de sa chemise remonta jusqu'à lui recouvrir la tête, exposant son ventre à l'autre bête. Rémi l'éviscéra d'un coup de griffe et plongea aussitôt son museau dans l'horrible trou de chair qu'il avait creusé pour en retirer un énorme morceau de viande et l'avaler sans même le mâcher. Blunt secoua jusqu'à ce que le corps toujours remuant de Barry ne se désolidarise de sa jambe mordue pour aller s'écraser contre le mur de pierre et retomber lourdement au sol. Là, alors que ses viscères extirpées de son poitrail venaient racler la poussière et que le moignon de sa jambe arrachée crachait une flopée de fluide vermeil, il rassembla ses ultimes forces pour ramper inutilement sur quelques mètres. Et buter sur l'une des massives pattes d'un énorme loup gris.

†††††††††

La trappe extérieure de la cave explosa tout bonnement. Des débris de bois volèrent dans toutes les directions et son verrou rouillé alla pulvériser une tuile d'une des baraque de la ruelle d'à côté. Un grippeminaud qui maraudait par là, interloqué, risqua un regard du coté de la cave ainsi éventrée puis s'hérissa, feula, avant de s'enfuir aussi vite que possible. Un vieux chien vint labourer la porte d'entrée de la maison qu'il gardait en jappant tant et si bien que son possesseur finit par le faire taire à coup de bottes. Les tourterelles posées sur les toits adjacents s'enfuirent précipitamment à tire-d'aile.
Puis une créature de cauchemar, un loup bipède, au pelage noir comme la nuit, plus haut sur pattes qu'un grizzly et disposant de griffes deux fois plus aiguisées, s'extirpa du trou où sa forme humaine s'était réfugiée en grondant.
Une vieille malvoyante habitant juste en face de la scène ferma ses volets en se parlant à elle-même, sans même remarquer la forme menaçante près de chez elle.
La bête qu'était Krieg, une fois sortie, s'étira lentement...Posa ses deux yeux noirs sur la petite chose étrange, garnie de dents, répondant au nom de Red, osant se tenir debout face à lui. Puis souleva le haut de forme légèrement cabossé qu'il avait posé entre ses deux longues oreilles pointues et couvertes de fourrures noires.
"-ILS MANGENT. VIENS LES SALUER."


Ce monstre n'est pas un loup-garou ordinaire. Cruel, calculateur, sadique et manipulateur, il est l'avatar même de ce que nous, humbles chasseurs, avons jurés d'exterminer. ~Extrait du journal de feu Charles Moorhis.
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Red'maw
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Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Empty
MessageSujet: Re: Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Icon_minitimeSam 27 Jan - 15:18

Au début, j’imagine Krieg balancer une réplique qui vire l’air suffisant du contrebandier. Un sourire qui le terrifie. Une mise au point de la situation, calme et précise, qui fait ravaler ses dents jaunes à ce petit joufflu. Mais je me trompe. Je m’en rends compte assez vite. Je ne dis rien, ne change pas d’expression. Krieg va renverser la vapeur … n’est-ce pas ? Pourtant, plus les choses se prolongent, et moins j’en ai l’impression. Jusqu’à ce qu’on se fasse congédier sans autre forme de procès, sans un pouce de progression. Là, je l’avoue, je suis déçue. Et ça doit se voir : l’autre petit tas sur sa chaise semble jubiler en posant les yeux sur mon expression. Je me détourne et suit le reste du groupe. Même une fois dehors, je ne romps pas le silence. C’est moche pour David … J’ai peur que Krieg ne la joue pas franc jeu avec nous. Ou qu’il ne préfère revenir à son ancien arrangement. Mais ce qui me préoccupe véritablement le plus … c’est de me dire que je vais devoir dire à mon patron que j’ai échoué. Parce que mon autre nouveau « boss » a mit un pied sur le champ de bataille pour déclarer forfait. Mais je ne dis rien. Et subitement, un commentaire que je ne comprends pas. La tristesse est, un instant, chassée par la curiosité. Qu’est-ce qui est assez loin ?

Nous descendons dans une cave. Pas de réponses, mais de nouvelles questions. Il faudrait peut-être que je les pose … mais je décide d’attendre et d’écouter. La question de l’odeur me fait tiquer … Ils sont à … une demi-heure ? Une heure de la transformation. Maximum. C’est sûrement mieux que les négociations n’aient pas été plus longues que cela. J’observe la cave. Spacieuse, mais pas loin de vide. La boue sèche par-dessus le pavage me donne un indice. Inondation récente. Ou pas si récente, mais l’endroit n’a pas été utilisé depuis. Un léger haussement de ton dans les discussions du groupe me fait tourner la tête. Blunt. Quel triple crétin, celui-là … enfin. Les choses se calment avec l’aide du boss. Ce dernier me prend à part, me faisant signe de remonter. Enfin des explications … ou pas.

Sa façon de dresser le loup-garou nouveau-né ne m’intéresse qu’à moitié, mais je note tout de même l’information, hochant la tête lorsqu’il me demande si je comprends. Les instructions qui suivent ne sont pas dérangeantes, ni surprenantes. Je ne suis même pas sûr qu’elles soient nécessaire, à vrai dire : hors de question de rester à côté d’êtres assoiffés de sang en étant …Vulnérable. Il confirme mes suspicions sans hésiter, même s’il cherche à être rassurant. Pragmatique, mais rassurant. La suite, en revanche, me retire un poids du ventre … L’échange avec le contrebandier s’est « bien passé », selon le plan. Je dois dire que l’idée de menacer qui que ce soit une fois transformé ne m’était jamais venu à l’esprit. Chimère, ou loup-garou, d’ailleurs … A vrai dire, je me demande si l’idée ne pose aucun problème de sécurité … Mais avant que je ne pose la question, Alexey nous interromps pour soulever un « problème ». Rien d’impossible à régler, mais le boss semble tout de même pressé.

- Un « en-cas » ?

On ignore ma question, mais ça ne m’étonne pas. Les problèmes se révèlent au dernier moment, et tout se bouscule … Je n’aime pas trop écoper d’ordre supplémentaires de dernières minutes, mais le contexte ne prête pas réellement aux pertes de temps causées par des jérémiades : je laisse simplement le patron disparaître dans les escaliers. Puis, voyant qu’Alaskey remonte déjà la rue presque au pas de course, je prends une impulsion pour le rejoindre. Nous ne courrons que quelques instants en silence, probablement avant qu’il ne remarque mon expression. Il lâche un soupire.

- Les jeunes loups, surtout la première fois, ont besoin de faire couler du sang de façon sale. Un « en-cas », c’est un type qu’ils vont débiter pour satisfaire ce besoin. Mais on préfère que ce soit surveillé, dans une cave, plutôt qu’en pleine rue, là où on ne pourra pas les empêcher de se faire remarquer. Ils obéirons mieux à Krieg une fois rassasiés.

Je note qu’il s’est appliqué à faire tant de phrases à la suite. Mais ses yeux ne se sont pas tournés vers moi un instant. Il cherche une « proie » … mais soit nous voyons, de loin, des couples passer de façon pressée … soit rien du tout. Soudainement, un type. Légèrement ivre, déjà, mais pourtant marchant encore plutôt droit. Alexey esquisse un mouvement, mais je passe mon bras devant lui.

- Dissimule-toi.

Il plisse les yeux … mais s’exécute, alors que j’agrandis énormément le col de mon écharpe, déboutonne le haut de ma chemise, et retire ma barrette en décoiffant mes cheveux. Dix secondes me sont à peine nécessaires pour donner subitement l’impression d’être bien moins sage, plus « mature » … et il suffit d’un sourire pour rajouter l’impression que j’ai le désir de jouer.

- Monsieur ? J’attends qu’il ne comprenne que mon appel le concerne, avant de lui faire un petit signe de main. - Par ici …
- Qu’est-ce qu’il y a, mademoiselle ?

Il mord à l’appât avec une facilité déconcertante … Mais avec une mine plus inquiète qu’autre chose. Je suppose qu’il pense à sa fille, qui doit avoir mon âge. Une idiotie du genre. Je continue de lui faire signe d’approcher, reculant moi-même légèrement. Il continue de mordre, de plus en plus intrigué … Mais lorsqu’il n’est plus visible du tout depuis l’avenue, Alexey sort de son couvert, et le sèche net d’un coup de poing sur la tempe. Du moins, c’est ce que je pense, mais le badaud titube, levant ses poings en se retournant. Il me tourne le dos, aussi prêt à se défendre qu’un ivrogne se prenant un seau d’eau sur la tête. Une brique me fait de l’œil, au sol. Elle percute le crâne du badaud deux secondes plus tard. Alexey se contente de tendre le bras. Il prend une seconde pour me regarder de son air de gros dur, en empêchant le corps de percuter le sol.

- Beau boulot.

Je répondrais bien ... s’il y avait quelque chose à répondre. Mais au lieu de cela, je me contente de revenir vers la cave. Il ne nous faut pas bien longtemps. Il se tourne vers moi, me fait signe d’attendre, lorsqu’il s’engage dans l’entrée. Il n’a même pas besoin de parler que je m’adosse au mur. Je n’ai pas spécialement besoin de voir pour savoir ce qui se passe à l’intérieur. Déjà, des bruits étranges résonnent. Les secondes … les minutes passent. Les bruits gagnent en intensité. De mon côté, je lâche un profond soupire. Il est temps de me transformer …. Retirant mes pieds de mes bottes, je les dépose sur le pavé froid, à un endroit convenablement propre. Lorsque je serais transformée, cela ne me dérangeras plus, mais pour l’heure, c’est froid, poussiéreux … Et je n’ai pas envie d’avoir de la pisse de chat sous les orteils. Mettant ce détail de côté, je fais lentement le vide. La colère aide à faire passer la transformation … Mais « à froid » … c’est plus difficile. Je préfère la faire en prenant mon temps. Je ne suis pas pressée … Et c’est moins douloureux. Je sens l’alchimie travailler tout mon organisme. De minces fentes s’ouvrent sur mon cou, bientôt des branchies. Les os de mon visage se déforment, craquent discrètement, se réarrangent et se ressoudent. La chose me tirerait presque une larme … presque. J’arrange en même temps mes habits pour que ma nageoire caudale ait toute la place pour sortir. Avant même que je ne réalise, j’ai pris quelques centimètres. Lorsque j’inspire, l’air de Londres me devient progressivement de plus en plus irrespirable. J’ai de la chance que personne ne passe … Mais je suppose que personne ne désire traverser seul et de nuit un coupe-gorge pareil.

Lorsque j’ouvre de nouveau les yeux, la transformation a cessé. Je vois la lumière de la lune, contre les façades … Mais pas l’astre lui-même. Elle n’a aucun lien avec ma transformation à moi … Mais un instant, je pense à David. A l’heure qu’il est, lui aussi doit être en train de pousser grognements et gémissements de douleur, seul dans cette cave où il passe la totalité de ses pleines lunes. Je ne sais pas si c’est le fait de savoir qu’il s’agit de son bar, ou s’il a renforcé lourdement la porte … mais parfois, je m’étonne qu’il ne l’ait jamais brisé. Cependant, alors que je suis en train de penser à cela, la fermeture de la cave explose littéralement, une patte velue en sortant pour aider une carcasse bien trop grande et bien trop noire à en sortir. Je ne sais pas ce qui me permet de reconnaître Krieg. Pas le ton de la voix, plusieurs octaves trop bas, et trop torturée. Pas le sourire, puisque le visage n’a plus rien à avoir. Pas le poil hirsute, même si à la réflexion, il rappelle vaguement sa crinière habituelle. Non … Je pense que ce sont les yeux. Et la logique, bien entendu. Mais ce n’est pas comme si la logique était toujours la solution, avec une telle créature de cauchemar.

- Allons-y.

L’odeur de sang me prend au nez et à la gorge au milieu de l’escalier. Sens surdéveloppés … Et les requins peuvent flairer des proies à des kilomètres. Je serre les crocs. Je dois garder mon calme. Essayer, du moins. Lorsque j’arrive dans la cave, il me faut quelques secondes pour m’habituer à l’obscurité. Mais aussitôt cela fait, je reconnais sans mal chacun. Alexey fait toujours passer son chef pour un avorton, et son pelage gris poivré rappelle son âge d’homme. Les poils de Rémi sont aussi blonds que ses cheveux … Et légèrement brillants ? Il est harmonieux au possible, et aussi bien « entretenu » en loup qu’en homme. Même si le sang qui parsème sa gueule et ses griffes hurle le contraire. Reste Blunt … dont l’apparence, là aussi, reflète son côté humain. De même que sa courte barbe, son pelage est hirsute, mal rasé, ou plutôt simplement inégal, parfois par plaques entières. Il est trop maigre à certains endroits, trop gros à d’autres. Une brute un peu sans finesse, que la violence a décidé de prendre pour amant. Il est actuellement en train de chercher à séparer en deux ce qui semble être une jambe, uniquement en mâchonnant son articulation centrale, encore plus tâché de sang que son ami nouvellement converti.

Tous occupés qu’ils sont à faire un carnage, ils ne réalisent ma présence qu’après un certain temps, lorsque leur soif de sang est apaisée par tout ce qu’ils ont consommé. Le cadavre sur le sol est si méconnaissable que j’ai même du mal à me souvenir à quoi ressemblait l’homme qu’il avait été lorsque je l’ai attiré. Pourtant, c’est Rémi, le premier, qui s’approche de moi. Je le toise sans geste brusque. Lorsqu’il est assez près, il renifle … Et se met à inspirer plus lourdement. Il me renifle avec une curiosité presque tangible. Je ne m’y soustraits pas, mais ne me risque pas à tendre une main ou quelque chose du genre. Ce n’est pas un chien. Une tentative de caresse peut très vite dégénérer en morsure. Et j’ai quelques doutes sur son état mental … Jusqu’à ce qu’il ne finisse par se reculer, et m’observer avec une sorte de joie dans l’expression.

- R.. RED. RRED MAW.
- … Rémi.

Chose rare : mon sourire est sincère. Je suppose que je dois prendre son retroussement de babines pour la même chose. Blunt est toujours occupé à mastiquer sa jambe, nous observant de son coin. Je crois que réaliser le décès absolument total de l’être qui, démembré, charcuté et éparpillé, gis à quelques mètres de ses pattes, lui provoque une certaine déception. Pourtant, crachant un reste de viande à terre, il s’approche, à moitié à 4 pattes, à moitié sur deux. Il ne fait pas beaucoup plus grand que moi, mais il est deux fois plus large. Lorsque lui aussi se met à me renifler, je reste également immobile, mais quelque chose cloche. Il se lèche les babines. S’il lui vient une mauvaise idée …

- Blunt.
- RED. RED’MAW. Le fait qu’ils soient tous les deux conscients et capables de parler quelques minutes après la fin de la transformation est bon signe … Je suppose ? - ‘Maw … Mot. Re-deux mots. He. He hehe. Ma joie meurt comme un lapin auquel on tord le cou.
- Blunt, please
- Hey, Red’ … Dis … trois mots à la suite. Hehe. Son rire est rauque et encore plus stupide qu’avant. Il rapproche sa grosse tête de moi, à mon déplaisir.
- Blunt. Recule. Il est si proche que je sens presque l’humidité de son souffle. Et sa gueule pue.
- Un … Un et demi … Deux … Tr …Trooaa-

Ma claque le coupe en plein milieu de son mot, et résonne sèchement dans l’air poussiéreux. J’y mets assez de force pour lui faire tourner le crâne : lorsqu’il revient vers moi, le sourire hilare a disparu. Ses petits yeux me fixent avec une haine que je me fais une joie de rendre réciproque. Mais je ne montre pas les crocs, contrairement à lui. Il gronde. Quelqu’un commence quelque chose : je lève une main pour faire signe de ne pas intervenir. S’il tente de m’intimider, le loup-garou n’obtient strictement aucun résultat. Et s’il s’agit d’un avertissement, j’espère qu’il est prêt à assumer. Pour lui. Je ne détourne pas les yeux des siens. Ma respiration est calme, mais mon cœur cogne dans ma poitrine. Sa capacité à rester ainsi à me fixer me fait de plus en plus ressentir de la colère et de la rage. Peut-être à un point tel que, pendant un instant, blunt finit par regarder à ses pieds, brisant le contact. Sans que j’en ai conscience, voir cela me fait me relâcher. C’est plus ou moins précisément de cette seconde d’inattention qu’il exploite aussitôt pour m’envoyer un coup de patte puissant dans les côtes.

Heureusement pour moi qu’il n’a pas encore réalisé l’utilité de ses griffes … Ou alors, la bête en lui cherche d’une façon ou d’une autre à me préserver. C’est probablement la même logique qui fait que la réponse, qui se détend immédiatement, vient sous la forme d’un direct à la mâchoire qui le percute assez fort pour le faire reculer d’un pas. Lorsque sa tête revient dans une position normale, il a l’air légèrement hébété, et du sang coule de sa gueule. La furie revient dans son regard en moins de temps qu’il ne m’en faut pour lever les poings, mais l’initiative est tout de même salvatrice : ils dévient avec un peu de mal le coup qu’il tente de m’envoyer juste après. Le suivant, en revanche, passe entre mes deux avants bras – pour être exact, il les force à s’écarter – pour trouver mon visage. Mais alors qu’il force sa chance, je dévie le coup suivant d’un poing, me rapproche de lui d’un pas, et lui expédie mon coude dans le torse, assez fort pour le faire reculer. J’enchaîne avec un coup de poing par la gauche. Il réplique en me bourrant l’épaule. Ma main fermée vient percuter sa gorge, lui faisant émettre un son étranglé sans pourtant vaciller. Il tente un nouveau fauchage par le côté, toutes griffes ouvertes cette fois : je recule assez pour qu’elles ne me fassent rien … Mais elles agrippent mon gilet. Et sans même m’avoir pleinement laissé le temps de réaliser, il lève le bras pour me soulever, avant de me frapper une nouvelle fois du poing. Le tissu rompt avec un craquement.

Je vole sur quelques mètres. Ma forme chimérique est plus grande et plus lourde que l’originale, mais pas de tant que cela. Et pour un loup-garou, il aurait fallu quelqu’un de vraiment lourd pour ne pas réussir à le projeter. Mon esprit vagabonde à peu près jusqu’à ce que je ne percute le sol. Je roule, plus ou moins confortablement. Mais dès que j’ai de nouveau la capacité à distinguer haut et bas, mes quatre membres s’ancrent fermement dans le sol poussiéreux. Là, à quatre pattes dans la cave, je ne vois plus Krieg, Alexey et Rémi. Je ne vois plus le cadavre disséminé aux quatre vents. Je ne prête pas attention à l’obscurité, ou à l’odeur de moisi et de poussiéreux. Je ne vois que la source de la profonde rage qui, étrangement, fluidifie ma réflexion. Cette source, qui laisse mon morceau déchirer tomber à terre, et me fixe avec des yeux jaunes, méchants et stupides.

- A moi. Ma voix a des intonations rauques que je lui reconnais difficilement. Mais je détache les mots avec attention. - T’entends, Blunt ? Je lève la patte avant droite, et le pointe du doigt. - A. Moi.

Il cherche à répondre quelque chose d’intelligible. C’est un échec. Trop d’animal et pas assez d’humain pour formuler les mots. Mais la pensée y est. Il conteste. Il se moque de ce que j’ai dit, n’ayant pas réalisé que mon propos était véridique. Il m’insulte. Et il me considère comme de la viande. Et tout ça … en même temps. Pas étonnant que le résultat de sortie soit incompréhensible. Mais ça me fait juste légèrement sourire.

Nous nous élançons l’un vers l’autre presque en même temps. Lui, sur deux pattes, moi à quatre. Ça ne m’offre aucun avantage côté vitesse, voir même l’inverse, mais il y a que quelques mètres à faire. Ce qu’il réalise un peu tard, de son côté, c’est que s’il reste debout, il ne pourra ni me griffer de ses membres supérieurs, ni me mordre. Alors il ralentit dans l’espoir que, lorsque j’arrive au contact, je me détende pour me jeter sur lui. Je me fais une joie de le décevoir, en ne ralentissant pas, et sans lever le nez d’un centimètre. Il tente à la dernière seconde de me faucher d’un coup de griffe. Je passe en-dessous, et là seulement, je décolle les mains du sol pour enrouler mes bras autour de son ventre, et le ceinturer en le soulevant légèrement, sans stopper ma course. Bien sûr, en soit, courir en portant un adversaire de plus d’une voir deux centaines de kilos n’est pas une tâche aisée. Bien sûr, je ralentis. Mais je ne m’arrête pas. Mon épaule lui coupe le souffle en percutant son ventre. Pauvre con. Si tu avais songé à te protéger, plutôt qu’à attaquer … Mais ce n’est pas fini. Car je ne me contente pas de le soulever du sol. Je continue à courir. Et droit devant moi, il n’y a pas grand-chose …

Si ce n’est un mur que je percute avec tellement de force que c’est tout le plafond qui donne l’impression de se décrocher, alors qu’un nuage de fumée terrifiant s’en détache et tombe dans l’air environnant. Je dois fermer les paupières pour éviter de recevoir de petits morceaux de bois sec et de terre dans les yeux. Ça ne m’empêche pas de sentir Blunt vaciller lorsque je me recule. Je lui frappe le crâne, une fois pour chaque main, puis le saisit par le côté de la peau du cou. L’élasticité de la peau me donner l’impression de chercher à arracher un vêtement trop grand, et je sais cela ne fait pas de mal à proprement parler. Malgré ce qu’on pourrait penser, je n’ai pas de mal à faire tourner autour de moi un loup même transformé. Je force, mais ce n’est pas excessivement dur. Lorsqu’il repasse à côté de moi, je le jette à moitié au sol, sur lequel il s’étale sans résister sur le ventre. Je me jette sur son dos, sur lequel j’atterris pieds joints, accroupie. Il tente de pousser sur ses bras disproportionnés pour se relever. Mon stylet se retrouve dans ma main avant que je ne réalise. Et il sectionne le lien entre son pectoral et son dorsal droit, et l’épaule associée, en deux coups rapides et précis qui font jaillir du sang que je ne distingue pas dans l’obscurité. J’ai l’impression que tout ne se déroule que d’un seul mouvement, que les chocs et les gestes s’enchaînent à une vitesse surnaturelle. C’est probablement le cas. Il tente, en pliant son bras valide, de me frapper avec, de m’attraper. Je ceinture en réalité son avant-bras puissant avec les deux miens, et pose un pied sur son épaule, l’empêchant de le récupérer.

- A qui ?

Il remue, gesticule. Peut-être réalise-t-il qu’une question lui a été posée. Que ce soit le cas ou pas, au bout de quelques secondes à baver dans la poussière et à chercher inutilement à me déloger, il laisse entendre un grognement sourd, qui fait vibrer son dos sous mes fesses.

- Mauvaise réponse.

Son ossature est plus résistante qu’avant, oui. Mais dans cette position ? Ses muscles ne servent plus à rien. Et ma force est bien suffisante pour, lorsque je me mets à forcer, obtenir le résultat que je veux. Un craquement sec, affreux, qui est aussitôt suivi d’un hurlement de douleur. Peu importe qui vit au-dessus, je suis presque certaine qu’ils seront encore terrifiés plusieurs semaines rien qu’à cause de ce qu’ils viennent d’entendre. Mais ce n’est pas ce qui m’importe le plus. Me décalant sur le côté, je laisse le bras cassé retomber à terre, et retourne l’énorme bête, soudainement bien moins sauvage. Je retourne sur son torse, l’empêchant quelque peu de respirer, mais pas assez pour ne pas être soulevée à chaque fois qu’il gonfle sa cage thoracique. Lorsqu’il me voit, il tente de relever le bras dont les muscles tranchés ont déjà partiellement cicatrisé. Ma queue l’intercepte et le plaque à terre de façon sonore. Je pose la main droite sur son museau, et lui force à tourner la tête, en l’empêchant d’ouvrir la gueule. Je lève le bras gauche. Arme mon poing. Et frappe. Le choc remonte de mes phalanges jusqu’au milieu de mon dos. Et je sais qu’il a également traversé son crâne pour se diffuser dans le sol : un galet à côté de sa tête a bougé. Il a la tête solide. très solide. C’est pour cela que lorsque je relève le poing, ce n’est que pour frapper encore plus fort. Encore. Et encore. Et encore.

La force laisse bientôt place à la vitesse, et je privilégie le nombre de coups sur leur force. Je sais que j’aurais énormément de mal à déplier les doigts pendant peut-être une heure. Je dois avoir la main en sang. Et la peau du dos des doigts à moitié arrachée. La pommette de sa joue fait un peu plus mal à chaque fois que je la percute. Mais ça ne m’empêche pas de frapper pendant probablement plusieurs centaines de secondes. Jusqu’à ce que, le souffle court et la rage atténuée, je ne finisse par avoir du mal à lever le bras. Je n’ai pas frappé pour tuer. Je le sens toujours inspirer, encore plus difficilement qu’avant, sous moi. Je recule légèrement, le relâche. M’assoit à côté de lui. L’os de sa joue doit être à l’air libre. Je n’en suis pas certaine, entre l’obscurité, la fourrure, la peau, et le sang. J’ai la tête qui tourne légèrement. Il finit par sembler vouloir bouger, lentement. La première chose qu’il fait est de se tourner vers le plafond … Puis vers moi. Ma réaction, quasi instantané, est de lui replaquer la main sur la gorge et d’armer le poing de nouveau. Mais cette fois, je ne frappe pas. Car à l’instant où je bouge … Il jappe. Il ne hurle pas. Ne grogne pas. Ne montre pas les crocs. Il jappe. Et me regarde, avec un œil dont le sang qui le couvre rend probablement la vision trouble. Et là, dans cette prunelle où la douleur masque toute autre chose … je lis ce que je voulais. Sa bête est calmée. Non. Pas calmée. Matée. Pour l’instant.

Je le relâche finalement sans rien faire de plus, et me relève difficilement. Son corps va guérir : je doute que les coups de poignard dans son épaule l’affectent encore. Le bras mettra sûrement quelques instants, encore … Pas beaucoup. Je me mets à marcher vers la sortie de la cave. Je n’accorde de regard à personne. Lorsque les marches se présentent à moi, je les gravis en silence. L’air frais de la nuit me fouette le visage. Je reste un instant sur les débris de bois éclatés. Puis, brusquement, je déplie mes jambes, et bondit. Je percute le mur d’en face au niveau d’une fenêtre, au premier étage. J’arrache à moitié le volet en prenant appui dessus pour rebondir, parvenir au niveau du toit. Je m’accroche à ce dernier, me hisse, rampe … Et me laisse tomber sur le dos. Je n’avais pas remarqué à quel point j’étais en sueur. Ou ce que je respirais vite. Deux minutes. J’ai besoin de deux minutes. Deux longues minutes durant lesquelles je ferme les yeux … et laisse mon corps récupérer. Je ne devrais pas forcer à ce point. Ma main se régénère lentement. Me donne légèrement soif. Mes côtes piquent de moins en moins. Deux minutes … deux minutes. Au terme desquelles je finis par me redresser, regarder les autres toits. Lorsque je vois les loups dans la ruelle, je siffle pour leur faire lever la tête, et me lève en attendant qu’ils me rejoignent. Blunt a presque tout le torse tâché de sang. Mais cette fois, c’est en grande partie le sien. Son visage n’a pas totalement cicatrisé du tout, mais le fait qu’il soit déjà debout ne m’étonne pas. Il ricane beaucoup moins. Il évite de me défier en me regardant. Krieg est un vieux loup : ses pairs l’écoutent car ils savent que c’est un alpha. Il l’est en humain. Et même une fois changé en bête sauvage. Même quand ses hommes se sont transformés en cauchemars ambulants. Même lorsqu’ils n’ont plus du tout toute leur tête, et que la soif de sang est trop forte pour eux. Même lorsqu’il porte ce haut de forme ridicule … Ils savent qu’ils lui doivent obéissance.

Mais à moi … Je suis plus fine qu’eux. Différente. Moins grande, et moins lourde. Si je veux leur faire comprendre le rapport de force, ce ne sera pas comme Krieg. Pas avant un certain temps. Un instant, je me demande pourquoi je sais tout ça. D’où me vient cette satisfaction d’avoir montré sa place dans le groupe à une bête. Pourquoi prouver à un être que je pouvais le tuer me fais ressentir cette … joie. Mais je rejette la question. Ce n’est pas le moment. Lentement, je lève un bras, pointant une direction sur les toits. Alexey n’est pas le seul dont l’odorat est assez fin pour repérer un gros puant et bouffi à l’autre bout de la ville.

- Par là ?


J’attends sa confirmation, même si j’ai peu de doutes. Et après sa confirmation … J’attends que Krieg ne donne l’ordre de se mettre en chasse.


hrp:


La mâchoire rouge... Pourquoi un tel nom ?:
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Krieg
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Krieg
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Race : Loup-garous, indubitablement
Classe sociale : Âme errante. Je n'existe pas aux yeux de votre société, vermine humaine.
Emploi/loisirs : Chef de meute. Tente d'unifier les gangs de Londres sous la lumière de La Lune.
Age : 334
Age (apparence) : La trentaine passée.

Proie(s) : Tout le monde.
Oui.
Absolument tout le monde.
Résistance mentale : 5/5 de résistance mentale.
Crédit Avatar : Veronica Anrathi
Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Empty
MessageSujet: Re: Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Icon_minitimeLun 26 Fév - 8:59

Jonathan, les yeux rivés sur sa montre à gousset volée, s'accorda le droit de bailler. Dix heures du soir, et le patron n'était pas encore rentré. C'était sa dame qui n'allait pas être contente. Sa dame...Et sa fille. Derrière-lui, à l'intérieur de la baraque, il l'entendait, ce foutu chiard, hurler comme une possédé. Elle avait commencé à gueuler l'heure d'avant, après avoir mouillé sa couche. Depuis, sa mère s'épuisait à tenter de la calmer. Sans succès.
Évidemment. Y'avait qu'dans les bras du patron que cette peste sur patte pouvait se calmer. Ce qui, d'ailleurs, n'avait aucun sens. Jonathan respectait son employeur hein, bien entendu. C'était un sacré homme d'affaire, dans le genre magouilleur de qualité, quoi. Mais, franchement. Sa tronche de crapaud anémique, c'était celle d'un ogre mangeur d'enfants. Comment est-ce que la gamine pouvait se sentir bien dans les bras de son père?
Le garde du corps se décolla du mur contre lequel il était resté appuyé jusqu'à maintenant. Ca commençait à cailler sévère, par là. L'idée de rentrer à l'intérieur pour boire un café lui traversa l'esprit, puis les cris de la gamine retentirent une nouvelle fois, lui faisant abandonner l'idée. Foutue migraine. Cette petite conne et les odeurs atroces qu'elle dégageait n'aidaient définitivement pas.
Pour se détendre, Jonathan entreprit de faire quelque pas dans le petit jardin du patron. Un coup de vent particulièrement mauvais le fit claquer des dents, et ses gros doigts de cogneurs se dépêchèrent de fermer son manteau à l'aide des trois uniques boutons qui lui restait. Le résultat se révéla peu glorieux mais suffisant. Au moins avait-il l'illusion d'avoir plus chaud, maintenant.
Il buta dans un de ces foutus silex que le patron jetait sur le coté en jardinant et l'expédia dans un buisson d'orties. Ca faisait un petit moment que plus personne ne s'était occupé du terrain...Enfin. "Terrain" c't'un grand mot. Une parcelle de terre, à l'arrière d'une petite mais coquette baraque, dans laquelle on avait planté quelques patates et quelques chou, sans vraiment prendre le temps de virer toutes les mauvaises herbes, ici et là. Avec le froid, le patron ne se risquait plus à travailler la terre, alors...les orties et les ronces...Elles avaient bouffés tout c'qui trainait.
Demain, Jonathan décida qu'il passerait peut-être le temps en désherbant un peu, tiens. Ce serait chouette que le jardin ressemble de nouveau à quelque chose, avant que la neige n'arrive. S'prendre les pieds dans une ronce alors qu'y neige, y'a rien de pire pour vous pourrir une journée qui commence bien.
A part peut-être avoir un emmerdeur de négociateur qui vous retiens jusqu'à dix heures du soir. Plus par habitude qu'à cause de sa nervosité grandissante, le cogneur passa sa main contre la laine de son manteau, au niveau de son aisselle droite. A travers l'habit plein de puce, il sentit le contact rassurant de la crosse de son pistolet à silex et souffla un grand coup.
Dix heures. Les instructions du patron étaient claires. Si jamais personne ne le voyait après dix heure et quart, on devait directement appeler ses copains du Scotland Yard. Une question de sécurité, qu'y disait. Ouai, d'accord. M'enfin, c'était les copains du patron, pas les siens. Ces pourritures de flicailles, avant qu'il ne rentre au service de la famille du patron, ils l'avaient déjà tabassés une ou deux fois. Et emprisonné six mois, simplement parce qu'on le "soupçonnait" d'avoir piqué quelques antiquités sans réelle valeur.
Qu'est-ce qu'ils auraient bien pu lui faire s'ils avaient su qu'on l'avait payé pour faire disparaître le corps d'un de leurs copains dans la flotte, l'année dernière. Il frissonna en se rappelant des racontars sur les geôliers de Londres. On disait qu'ils brûlaient le visage des prisonniers trop fatiguant, trop actifs. Ou avec une trop grande gueule. Qu'ils pétaient les bras et les jambes de ceux qui tentaient de s'enfuir. Et qu'ils massacraient très, très lentement ceux qui étaient liés de quelques manières que ce soit à l'assassinat d'un des leurs.
Et c'était les potes de ces mecs là, qu'il fallait aller voir, si jamais le patron ne rentrait pas, putain.
Nouveau coup d'œil vers la montre. Dix heures cinq. Il étouffa un juron.
En plus de ça, ça caillait vraiment, par l'enfer.
Jonathan se souffla dans les mains puis les refourra aussitôt dans ses poches. Inutile de s'exciter, après tout, ce n'était pas la première fois que le patron rentrait tard. Pourquoi diable se montrait-il si nerveux, ce soir? Cette fichue migraine le rendait soupe au lait, voilà tout. Evidemment que c'était la faute à sa migraine. C'était TOUJOURS le cas.
"-EXCUSE-MOI." Aboya quelque chose dans son dos. Quelque chose avec une voix beaucoup trop grave. Il fit volte-face.
La bête qui le dominait le salua en soulevant élégamment son chapeau, d'une seule griffe. Une griffe...Qui faisait la longueur de son avant bras.
"-SUIS-JE BIEN CHEZ CELUI QUI SE NOMME TATCH?"

†††††††††

A son réveil, le contrebandier prit aussitôt conscience d'une chose :
Tout n'était qu'ombre, froid, et douleur.
Le simple fait d'ouvrir les yeux déclencha dans tout son corps une vague de souffrance assez intense pour lui donner la nausée, qu'il avait d'ailleurs déjà avant cela, hélas. Ainsi, quelques secondes après son réveil, Tatch se tournait sur le coté pour vomir tout le contenu de son énorme estomac. Cela durant un certain temps. A la fin, ses régurgitations le tourmentaient tant et si bien que les bruits s'échappant de sa bouche, entre chaque hoquet, n'avaient plus rien d'humains. Il se demanda d'ailleurs pourquoi personne n'était encore venu lui porter assistance, ne serait-ce que pour le faire taire.
Finalement, son organisme parvint à comprendre qu'il ne lui restait plus rien à cracher. Son gros corps, jusqu'alors prit de spasmes incessants, s'affala sur le sol sec et froid et ne bougea plus durant un temps qui lui parut interminable.
"-LEVE-TOI." Hurla quelque chose, si fort que Tatch s'exécuta sans même réfléchir. Sans même prêter attention à ses jambes flageolantes ou aux vertiges tourmentant sa vision.
Se tenir debout, même immobile, se révéla terriblement dur. Tout tournait. Les couleurs étaient trop vives. Et les larmes dans ses yeux rendaient sa vue trop brouillonne et chaotique pour pouvoir reconnaître ne serait-ce que la rue où ils se trouvaient. Le contrebandier les auraient bien essuyées d'un revers de main, ces larmes, mais il doutait franchement de parvenir à garder l'équilibre en ne bougeant ne serait-ce qu'un doigt.
"-TU M'ENTENDS?"
Oui. Voulait-il dire.
Mais sa bouche resta close.
Une autre voix, toute aussi forte...Mais un peu plus trainante, se moqua de lui :
"-LE SAC DE VIANDE A TROP PEUR POUR RÉPONDRE."
Peur? Il avait peur? Tiens, bonne question en réalité. Avait-il peur? On avait recouvert sa conscience d'un voile brumeux. Aucune émotion ne semblait capable de s'éveiller en lui. Tout...Tout était confus. Pas de place pour la peur ici. Ni même pour la réflexion, en fait. Il ne se souvenait même pas de ce qui l'avait amené en ces lieux...Ces lieux...Qu'étaient-ils? Où diable était-ce, ici?
Finalement, le gros contrebandier parvint, au prix d'efforts exagérés, à essuyer ses yeux pleins de larmes d'un revers de manche, libérant ainsi un peu plus sa vision.
Les lumières venaient d'en-dessous. Elles semblaient sortir des trous dans le sol de la rue. Rue qui, d'ailleurs, semblait légèrement glissante, étonnamment lisse, en fait. Et...Inclinée? Une tuile se décrocha sous sa chaussure et glissa vers les lumières, manquant de le faire trébucher et de l'emporter par la même occasion.
Une tuile?
Oh seigneur.
On l'avait amené sur un toit.
"-TU M'ENTENDS?" Réitéra la chose.
Tatch, la bouche horriblement pâteuse, se baissa prudemment tandis qu'un coup de vent particulièrement vicieux venait s'écraser contre lui.
"-Je vous entends. Où...Où êtes..."
Quelque chose atterrit devant lui. Quelque chose de gris...Et de gros. Des morceaux de tuiles pulvérisées volèrent dans toutes les directions. Un éclat lui ouvrit la joue mais Tatch ne le notifia même pas. Son attention était accaparée par cette nouvelle vision. Une bête. C'était ça. Une bête qui parlait. Aussi grosse et grande qu'un ours bruns. Une gueule de chien au museau allongé, babines retroussées, découvrant une dentition de cauchemar. De gros yeux noirs reflétant, absorbant, l'éclat des lumières en-dessous d'eux.
Dans ses énormes griffes, la bête tenait quelque chose. Qu'elle jeta à ses pieds.
Accroupit sur un toit, en face d'une créature qui n'existait pas, Tatch resta figé. Avait-il finalement perdu l'esprit? Est-ce que sa paranoïa grandissante avait atteint un point de non-retour? On lui avait dit que ça pouvait arriver : A force de passer des nuits blanches à calculer gains et pertes, à penser à telle ou telle magouille... Le cerveau surchauffait. D'autant qu'à l'inverse de beaucoup de ses comparses, Tatch avait choisi d'avoir une famille et de la protéger. Ca rendait le travail trois fois plus dur. Demandait six fois plus de discrétion...
Plus tôt dans la journée, il avait eu la nausée. Est-ce que la nausée pouvait être un signe avant-coureur du déclenchement d'une démence? Est-ce qu'un dément pouvait réfléchir comme il le faisait actuellement? Est-ce que...
"-IMPRESSIONNANT, IL NE BRONCHE MÊME PAS." Cracha quelqu'un d'autre que le monstre gris en face de lui.
De quoi est-ce que ça parlait?
Le gris pointa l'une de ses griffes sur ses pieds.
"-REGARDE, IMBÉCILE."
Il s'exécuta.
Et émit un couinement pitoyable en découvrant que la chose qu'on lui avait jeté ainsi avait deux yeux et une bouche.
Deux yeux et une bouche qu'il reconnaissait, d'ailleurs.
Doucement, lentement, le contrebandier entreprit de soulever la tête arrachée de Jonathan pour lui embrasser le front. Une larme coula sur sa grosse joue tandis que son esprit lui renvoyait cruellement les souvenirs de leur amitié.
"-UN CHIOT LOYAL."
Tout son corps se mit à trembler. Pas de froid. Ni de peur. De rage. De rage impuissante. Un sentiment atroce.
"-IL EST MORT EN NOUS PROMETTANT QU'IL NE DIRAIT RIEN." Commença le gris.
"-MAIS NOUS NE VOULIONS PAS LUI PARLER." Termina la voix sans forme.
Tout en serrant dans ses bras les restes de son loyal protecteur, le contrebandier hurla, les dents serrées :
"-Commencez par vous montrer, fils de putain.
-MONTRES LUI."
Court silence. Le gris se mit en mouvement trop rapidement pour que Tatch n'ait le temps de comprendre quoique ce soit. L'instant précédent, il était prostré, replié sur lui-même, le long d'un toit aux tuiles glissantes. Un battement de coeur plus tard : il pendait au bout des griffes du gris.
Le temps d'un clignement d’œil, son corps bedonnant se retrouvait suspendu au dessus du vide. Le gris l'empêchait de tomber en le retenant par le dos, via  le tissu malmené de sa veste et...En enfonçant ses griffes dans sa chair. La douleur devenait de moins en moins supportable au fur et à mesure que les ongles noires le lacéraient de l'intérieur.
Mais ce ne fut pas la souffrance, qui le fit crier. Ni la perspective de mourir écrasé par son propre poids, après être tombé en chute libre durant ce qui risquerait bien d'être les dix plus longues secondes de son existence, ses hurlements et ses jurons emportés et dévorés par le vent des hauteurs, loin de toutes oreilles indiscrètes. Ce n'était même pas le fait de savoir qu'on avait massacré un de ses amis cruellement avant de jeter sa tête boursouflée à ses pieds.
Non. En réalité, ce qui l'emplit véritablement de désespoir. Ce qui lui noua les tripes au point qu'il pensa vomir de nouveau.
Ce fut le fait de voir ce qui se tenait, en contrebas. Sur un autre toit, plus plat.
Deux créatures, semblables au gris. Encadrant deux silhouettes.
La première était celle de ce qu'était devenu Red'Maw, bien que le contrebandier aux yeux de nouveau plein de larmes ne parvint pas à la reconnaître.
La deuxième silhouette...C'était celle d'une femme de taille moyenne, aux hanches un peu larges et au visage ovale déformé par la terreur. Elle portait une robe jadis blanche, désormais couverte de saleté et du sang du défunt Jonathan. Ses deux mains étaient rassemblées devant sa bouche, retenant les cris qu'elle s'interdisait de pousser depuis un peu plus d'une heure désormais.
Elle s'appelait Doris. Et c'était sa femme. La chose qu'était Red'Maw la maintenait agenouillée, immobile, une main posée sur son épaule. Elle la forçait à regarder son mari pendre au-dessus du vide.
"-Oh putain. Oh dieu."
Le gris émit un son qui devait être un ricanement méprisant, mais qui faisait plus penser au lent et dangereux écoulement de lave d'un volcan en éruption.
"-NOUS MARCHONS LITTÉRALEMENT SUR SA MAISON. POURTANT IL N'A PAS L'AIR DE VOULOIR SE MONTRER. DOMMAGE POUR TOI."
"-Mais qu'est-ce que vous voulez bordel?!"
Nouveau silence.
"-L'IRLANDAIS.
-Quoi?
-ACCEPTE SON OFFRE. TRAVAILLE AVEC LUI. DIS OUI A TOUT CE QUE LUI ET SES ASSOCIES TE DEMANDERONT.
-Bien sûr ! Tout ce que vous voulez !
-QU'IL EST SERVIABLE."
Le gris le ramena à lui... Ou plutôt, il le jeta sur le toit, aussi négligemment qu'un homme jetant sa chemise après une dure journée de labeur. L'atterrissage se révéla rude. Il remonta le toit en frottant douloureusement contre les tuiles et finit par s'écraser contre un énorme pilier.
Le clocher de l'église où on l'avait amené.
Tatch devina immédiatement que celui qui lui parlait se trouvait là-haut. C'était logique. Facile. Si aisément devinable. Toute cette mise en scène exécrable manquait singulièrement de retenue. Son auteur ne cherchait pas à faire dans le subtil. Des manières de gangsters. Grotesque. Dépourvue de la moindre once de subtilité. Mais efficace. Horriblement efficace. Il frissonna. De honte. De peur. De rage.
Puis l'instigateur de tout ceci descendit de son perchoir d'un bond. Ca atterrit sur sa gauche, en encaissant le choc de la descente sur ses deux pattes antérieures comme si ça venait de simplement sauter deux marches d'escalier. Ca lui faisait dos. Sa peau, ses poils, avait été taillé dans les ténèbres. C'était plus noir que la nuit. Ca absorbait le peu de lumière osant s'arrêter sur son corps anormalement maigre. Ca se tournait lentement vers lui, respirant aussi bruyamment qu'un cheval en pleine course. Et ça tenait quelque chose, dans le creux de son énorme "main droite". Quelque chose d'aussi long qu'un bras humain, et bien plus épais. Quelque chose qui gémissait et pleurait comme un petit animal fureteur. Quelque chose de rose. Quelque chose d'innocent.
"-Oh, je vous en supplie...Non. Non !"
Allison. Sa fille de neuf mois. De sa main droite, la chose la berçait lentement. L'autre main pendait au-dessus d'elle. Une longue et grande griffe se tenait suspendue à quelques centimètres du visage poupin, rappelant le mythe de l'épée de Damoclès. Et elle jouait avec. Elle la prenait, tentait de la bouger, la mâchonnait... Il se croqua la langue et son cœur rata un battement. Il y avait encore du sang et de la chair sur ces griffes. Les restes de Jonathan. Le fait de voir sa pauvre et adorée petite fille poser ses petits doigts sur un tel instrument de mort, et jouer avec, innocemment, semblait sacrilège. Une vision véritablement cauchemardesque. Le purgatoire lui-même ne pourrait faire pire.
"-Vous n'avez pas besoin d'en arriver là...Pitié."
Même le ridicule haut-de-forme cabossé que le loup avait posé entre ses deux longues oreilles pointues ne parvenait pas à amoindrir la terreur qu'il lui évoquait. Les yeux noirs se posèrent sur sa pauvre personne, humiliée, prostrée dans une posture d'imploration.
"-JE POURRAIS LA TRANSPERCER SANS LE MOINDRE EFFORT. MES GRIFFES PASSERAIENT A TRAVERS ELLE SANS RENCONTRER UNE INFIME RÉSISTANCE.
-Tout mais pas ça !
-JE PASSERAIS PAR LE VENTRE. SA DOULEUR SEMBLERAIT ÉTERNELLE. SON CORPS N'AURAIT PAS ASSEZ DE FORCE POUR HURLER, MAIS TU HURLERAIS A SA PLACE COMME UN PORC QU'ON ÉGORGE. ENSUITE, MES FILS DÉVORERAIENT SES RESTES SUR LE TORSE OUVERT DE TA FEMME. TU MOURRAIS EN DERNIER.
-J'AI DIS TOUT CE QUE VOUS VOULEZ !" S'époumona Tatch, en allant jusqu'à agripper la "jambe" au genou inversé de son bourreau.
Le loup le toisa en se léchant les babines. Puis il écarta la griffe, présenta sa truffe à la petite, qui émit un ricanement joyeux.
"-LES ENFANTS M'ADORENT."
La bête tendit délicatement sa prise au père en larme. Tatch la prit dans ses bras en riant et pleurant de soulagement. D'une griffe, son bourreau désigna le chapeau qu'il portait.
"-TU SAIS QUI JE SUIS. ET TU SAIS CE QUE JE FERAIS SI TU PRÉVIENS SCOTLAND YARD.
-Je le devine, oui." Hoqueta le contrebandier, sans cesser de serrer sa fille contre lui.
"-SOUVIENS-TOI DE MON VISAGE, HUMAIN. CAR JE REVIENDRAIS TE VOIR. ET TU ME RENDRAS SERVICE, COMME TU RENDRAS SERVICE A L'IRLANDAIS.
-Bien sûr.
-SANS JAMAIS CONTESTER.
-Jamais,  je vous le jure.
-BIEN. TRÈS BIEN."
L'horreur chapeautée prit son souffle, rejeta sa tête en arrière puis poussa un long hurlement lupin. Le gris, qui observait la scène de loin, accompagna son comparse dans sa chanson. Deux autres voix inhumaine se joignirent au concert, quelques secondes plus tard. Puis six autres, plus éloignées.
Les sens trop humain du contrebandier  ne perçurent pas, fort heureusement, les quarante-quatre autres chanteurs, trop éloignés, éparpillés dans les bas-fonds de Londres.
Une fois sa chanson terminé, La Bête se tourna vers lui. Et grogna :
"-BONNE SOIRÉE, VERMINE."

†††††††††

"-Ch...Ch...Chasse...Ouvr...Ouvrir...Ch..."
L'amalgame loup-Rémi répétait ça depuis qu'ils avaient relâchés la femme du contrebandier. Une pollution sonore plus insupportable encore que la respiration de boeuf asthmatique de Blunt. Krieg le fit taire en le frappant à la truffe. Le louveteau émit un couinement plaintif et coucha ses oreilles d'un air soumit. Dans l'élan, le chef de meute en profita pour fusiller du regard l'autre jeunet, qui se concentra aussitôt sur la discrétion de son souffle.
Ils se remirent en marche. Passèrent au-dessus d'une barrière en bois, usée par les années. Alexey et Red'Maw couraient à la tête du groupe, leurs sens inhumains de moins en moins mit à contribution au fur et à mesure que le petit groupe s'éloignait de la ville pour disparaître dans le brouillard de la Lande.
L'herbe sous leurs pattes était trempée. Chacun de leurs pas soulevaient des lopins de terres allant s'écraser quelques mètres plus loin. Sur sa droite, Blunt se mit à aboyer d'excitation. Rémi l'imita après avoir jeté un coup d'oeil inquiet en direction du Loup Gris et du chef de Meute.
Krieg les laissa faire, se laissant tomber en avant pour commencer à courir à quatre pattes. Ils étaient suffisamment loin, maintenant. La ville était derrière-eux. La discrétion n'avait plus lieue d'être. Il commença à les distancer, à rattraper Red et Alexey. Pas pour longtemps.
En constatant le changement d'attitude de leur chef, les deux louveteaux se relâchèrent. Les restes lacérés de leur esprit humain s'abandonnèrent finalement aux crocs des monstres qu'ils étaient devenus. Hurlant et bavant, ils dépassèrent la chimère et leurs mentors pour se lancer dans une course d'une vitesse incompréhensible. Troublante, irréelle.
Krieg les observa se stopper brusquement après avoir repéré la fine forme d'une biche solitaire, à l'horizon, puis retint un ricanement lorsqu'ils redémarrèrent en dérapant dans la boue, projetant des kilos de terre retournées derrière-eux, à la suite de cette toute nouvelle proie. Le vieux loup sentit naître en lui une pointe d'envie à leur encontre, tandis qu'ils disparaissaient dans la brume. De cette nuit, ils ne garderaient qu'un seul souvenir "pur" : Celui de cette chasse dans la brume. Ils se remémoreraient chaque brins d'herbes, chaque gouttes d'eau, chaque hurlement, aboiement, grondement. Le goût du sang de l'animal. Le goût de sa chair. Son odeur. Les nuits sans lune, ils rêveraient de cette...Bénédiction. Plus tard, ils en rêveraient le jour, avec regret. Car rien n'égalait la pureté du Premier Abandon dans la vie d'un loup. Rien.
A ses cotés, Red courait toujours, sans se laisser distancer. Le Chef de Meute appréciait l'intention et soupçonnait son comparse au poil gris de faire de même. Elle suivait toujours, restait avec eux, malgré le fait que leur objectif ait été rempli. Gouttait au simple plaisir de chasser en groupe. A cet instant, rien ne la différenciait des loups. Elle était l'une des leurs. Qu'importe ses écailles ou sa...Nageoire-queue? Ce genre de différence n'importait pas vraiment, parmi eux. La xénophobie était un péché réservé au bétail humain.
Un couinement, très proche. De rage. La biche fugitive surgie de la brume, bondissant de panique. Les deux louveteaux sur les talons. Rémi se jeta sur elle, trop tôt, et s'écrasa sur le sol trempé en ne parvenant qu'à griffer légèrement le dos de sa proie.
Le Loup Gris anticipa l'itinéraire de la pauvrette et lui coupa le chemin. Elle fit demi-tour en bondissant au-dessus de Blunt...Puis Krieg emprisonna sa nuque dans sa mâchoire, la souleva, secoua...Un craquement sonore plus tard, la biche mourrait entre ses crocs.
Le vieux loup se débarrassa du corps désarticulé en le livrant aux affamés, qui le déchiquetèrent aussitôt.
Il ne prit pas part au festin. Par manque d'intérêt plus que par manque d'appétit. Silencieusement, tandis que ses comparses plus jeunes se disputaient les meilleurs morceaux, Krieg s'éclipsa. Laissant à Alexey le soin de s'occuper des louveteaux. Il échangea un regard de salutation avec Red, seule autre bête assez consciente pour remarquer son départ, puis s'enfonça dans la brume, au pas de course.
Conscient que d'autres finiraient par se joindre à lui, si il restait à errer dans les landes, le vieux loup se dirigea aussi vite que possible jusqu'aux ténèbres rassurantes de la forêt abritant son antre. Une fois sur place, dans l'ombre des arbres, le vieux loup se mit à errer. Dévora quelques chauves-souris et plusieurs grenouilles flânant près d'un petit étang... Fit fuir une meute de chiens sauvages s'étant installée sur son territoire...Sans éprouver de plaisir. De satisfaction. De joie.
Ca arrivait, de temps à autres. De vieux souvenirs revenaient le torturer. Son passé dévorait le présent. Tout devenait gris, dans ces moments-là. C'en devenait vite frustrant. A tel point qu'il avait, au début de ces "crises" craint de céder à une folie furieuse. Ses craintes s'étaient éteintes rapidement cependant, lorsque Krieg avait comprit que même la colère, le meurtre et la douleur ne rendait pas au monde ces couleurs, durant ces instants de faiblesse.
Ecœuré par sa propre impuissance, par la soudaine désertion de cette rage animale qui le définissait depuis toujours, le vieux loup rentra dans sa grotte et s'allongea à l'entrée, son énorme tête lupine reposant sur ses pattes avant aux griffes aiguisées, mortelles, rendues inutiles par une apathie mélancolique, bien trop humaine.
La bête qu'il était tenta de se débarrasser d'une partie de sa frustration grandissante en grondant, sans succès.
Quelle stupide sensation, en réalité. Stupide et désagréable. Comment une ...Si petite chose, pouvait l'arrêter, lui, un soir de pleine lune? Un siècle plus tôt, son loup aurait chassé ce...Cancer grandissant, en se noyant dans le sang des proies. Deux siècles plus tôt, ça ne se serait même pas manifesté. Ca n'aurait tout simplement pas pu.
Alors quoi? La vieillesse, encore? Ou était-ce l'humain qui prenait trop le pas sur la bête?
Ses grondements se firent plus forts. A force de diriger sa soif de sang, de la museler, dans le but de servir ses objectifs retors, à travers les âges, l'avait-il émoussée?
Krieg soupira.
Non. En réalité, il savait bien ce qui lui manquait...Ce qui le torturait, le privait de joie sauvage par son absence. Sous le pouvoir de la lune, ça avait la forme d'une louve au pelage immaculé, plus fine que lui et bien plus gracieuse. Et, en temps normal...Elle ressemblait à...à...
Ses griffes labourèrent la roche en-dessous de lui lorsqu'il se remémora la beauté froide d'un regard bleuté. Combien de temps encore? De mois, d'années, de siècles?
Stupide sentiments humains. Stupide mémoire.
C'était la crinière blonde et tachée de sang de Red'Maw qui avait réveillé ça. Ca n'aurait franchement pas dû, mais...ça l'avait fait. Elles ne se ressemblaient pas du tout, à part au niveau de la couleur des cheveux bien sûr. Mais le sang. Des gouttelettes vermeilles sur un fond blond. Ca évoquait trop de chose associée à...Elle.
Mila. Sa louve. Son catalyseur.
Combien de temps encore?
Aucun rêve ne vint troubler le sommeil dans lequel il sombra alors.


Ce monstre n'est pas un loup-garou ordinaire. Cruel, calculateur, sadique et manipulateur, il est l'avatar même de ce que nous, humbles chasseurs, avons jurés d'exterminer. ~Extrait du journal de feu Charles Moorhis.
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Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Empty
MessageSujet: Re: Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Une tête qui inspire la confiance ... [Krieg / Red'maw] [25/10/1841] Icon_minitimeMer 25 Avr - 7:01

C’est … nouveau. J’ai rarement dû rester sous forme chimérique si longtemps. Mais ce n’est pas ça qui me surprend. Ni l’air frais de la nuit, ni le panorama des toits londoniens. Non, c’est … d’être en groupe. Un groupe d’animaux. Je sais côtoyer les humains. Je n’aime pas beaucoup ça. Mais je sais le faire. Et je sais ce que cela fait. Mais là … c’est différent. Plus bestial. Plus vrai. Plus pur. Plus étrange. Je glisse en me réceptionnant sur les tuiles d’une maison. Mon corps corrige ma position avant même que je n’y pense. Je ne ralentis pas. Dérape légèrement. Mais conserve mon élan, pousse sur mes jambes pour en prendre d’avantage. Grimpe la pente sans le moindre mal, prends appuie sur le sommet de la toiture. Pousse. Une rue passe sous mes pieds, quelques 10 mètres en dessous. Je chute de 4 mètres. Me réceptionne en roulant sur cette nouvelle toiture. Continue d’avancer. Comme le reste du groupe. Comme … comme la meute.

Je n’ai jamais vraiment eu l’occasion de faire ce genre de choses avec David. Il est trop … différent de sa bête. Il ne la contrôle pas. Ne veut pas la contrôler, peut-être. Au contraire de Krieg, qui a assimilé la sienne. Ou l’inverse ? Non. Je doute que sa métamorphose ait tant que cela affecté son caractère. Peut-être juste sa mégalomanie. Ou sa tendance aux couvre-chefs ridicules. Qu’importe. Quand on y pense, c’est peut-être moi qui suis ridicule, à être la seule habillée du groupe. Mais je n’ai pas de fourrure … et je ne grandis pas assez pour faire éclater mes vêtements. Tant mieux. Je percute un toit trop fort, et le fait craquer. Mais ça non plus, ça ne dérange personne. Bah. Juste un peu de charpente à refaire. Et un jeune homme vivant dans une chambre de bonne terrifié. Qu’importe. Je reprends la course, bondit de nouveau. Non, vraiment … c’est nouveau. Laisser libre court à la sauvagerie. N’avoir que des grognements en guise d’échange. Faire parler les muscles comme jamais. C’est nouveau … et je me surprends à vraiment aimer ça.


*     *
*


L’intrusion chez Tatch se fait avec une aisance déconcertante. Enfin. Ce sont plus les gardes qui sont déconcertés qu’autre chose. Le premier refuse de parler. C’est futile : le boss ne fait que jouer avec lui. Mais il tient le coup. Les autres en revanche … Un propose de nous mener au coffre de son chef, « tant qu’on le laisse vivre ». Proposition intéressante, mais notre but n’est pas de ruiner le contrebandier, même si ce serait des plus agréables. Blunt lui dévore le visage d’un seul coup de dents, et lui broie la gorge en plantant une griffe dedans. Le second tombe à genoux lorsque nous le croisons dans un couloir. Sa lampe vacillante peine à éclairer entièrement les silhouettes du boss et de Blunt, mais pas la mienne. Sûrement parce que je suis plus petite et plus claire. Il prie. A une vitesse stupéfiante. Et sans faire d’erreurs dans le texte. Je me racle la gorge, mais il continue, un peu plus fort. Je crois que je suis la première du groupe à me lasser : d’un coup de poing en pleine tête, je lui disloque entièrement le cou, en plus de lui enfoncer le crâne. Je suppose que ça l’envoie auprès de son dieu. L’absence de Teretchenko me rend légèrement perplexe. Ou plutôt, notre absence. Le grand loup gris a bifurqué vers Tatch, mais le boss nous a fait continuer vers chez lui. « on va récolter des paquets secondaires », qu’il disait … ah. Le gros a une famille, je réalise. Bien sûr. Sinon il ne ferait pas autant garder sa maison en son absence. Encore que ?  

Lorsque nous pénétrons la chambre du gosse du contrebandier, j’ai un instant d’appréhension en voyant le patron s’approcher du landau. Mais à ma surprise, il prend le bébé avec la délicatesse d’une jeune mère, et ne le réveille même pas. Ce n’est pas l’heure de le faire crier. Pas encore. Ce n’est pas ce que je pense : une voix gutturale le chuchote. Mais je n’arrive pas à identifier à qui elle appartient. Je me surprends à être inquiète pour l’enfant. Quoi qu’ai fait le contrebandier, sa progéniture est trop jeune pour subir cela … en théorie. Sa femme, quant à elle,  se réveille avec la main de Rémi sur la bouche. Très clairement, elle songe tout de suite à hurler. Tout aussi clairement, elle sait que c’est une mauvaise idée, et à l’esprit de ne pas céder. Mais la peur sur son visage excite les deux louveteaux … et je n’aime pas la façon que Rémi à de se pencher sur elle. Je lui mets moi-même une petite tape sur l’épaule, avant de lui faire signe de reculer d’un mouvement de tête. Le patron se charge de lui expliquer ce qui va se passer, alors que je lui tends la main pour lui permettre de se lever, et l’enjoindre à se vêtir. Les mâles sortent de la salle quelques instants, histoire de lui fournir un semblant « d’intimité ». Je me contente de m’adosser à un mur en croisant les bras, sans la moindre réaction lorsqu’elle fait tomber sa chemise de nuit. Elle est clairement moins âgée que son mari, bien que « mature » … dommage. Une belle femme, dans l’ensemble. Je suppose. Cependant, alors qu’elle enfile boutonne une chemise et enfile une jupe « de tous les jours » (comparé au reste de sa penderie), elle se tourne vers moi.

- Vous … Vous n’êtes pas comme eux … Aidez-moi à m’enfuir …
- Non.
- J-je vous en supplie …

Elle se fige lorsque je soupire, et sourit lorsque je me décolle du mur. Mais son sourire se fige progressivement lorsque je m’approche du petit coffre d’acier qui se trouve dans son placard, et que je m’en saisis. Il est fixé. Je fronce un sourcil. Heureusement que je me suis battu avec Blunt. J’arrache le conteneur de métal dans un craquement de bois atroce. A la réflexion, il est peut-être juste –
extrêmement lourd. Peu importe. Je me tourne vers la fenêtre. Le lance à travers. Il part quelque part dans le jardin. Nous sommes au premier étage. Puis, je me tourne vers elle. Elle est désormais livide. Je la saisis avec une extrême délicatesse par l’épaule, et la conduit, sans violence, mais fermement, vers la fenêtre. Je prends sa nuque dans une main, et la force à mettre sa gorge au-dessus du verre tranchant. Je la maintiens dans cette position pendant quelques secondes, le temps qu’elle ne commence à se demander si je suis « juste » en train de la menacer … ou si je vais vraiment lui trancher la gorge. Puis je me penche, et souffle à son oreille ;

- Non. Dépêchez-vous.

D’une brusque impulsion du bras, je la redresse en la renvoyant dans son placard. Cette fois, elle crie, tombe. Peu importe. Quelqu’un ouvre la porte pour surveiller que tout se passe bien. Puis referme en constatant que tout se passe bien. Une vingtaine de seconde plus tard, nous ressortons de la chambre, la femme portant des vêtements assez chauds pour ne pas être incommodée par la fraicheur nocturne. Le problème des vêtements propres … C’est qu’ils supportent mal qu’on s’agenouille à côté de cadavres. Et c’est ce qu’elle fait, lorsqu’elle voit celui qu’on appelait « Jonathan ». Cela donne une idée à Krieg, qui l’écarte un peu brusquement d’un revers de main. Elle chute dans la boue du jardin. Et sous ses yeux horrifiés, il arrache la tête du cadavre. Peut-être n’avait-il simplement pas envie de se balader avec avant. Glissant un bras sous les jambes, et un autre sous le dos de la femme, je me relève en observant mon « chef de meute ». Il donne le signal. Et la pauvre créature dans mes bras, même si je la terrifie, n’a d’autre choix que de s’accrocher à mon cou si elle veut survivre. Elle parvient à se retenir de crier lorsque nous atteignons le premier toit.

Nous n’allons pas très loin. Une église de quartier. Je n’ai pas besoin d’être tenue informée du « plan », ou de beaucoup de temps de réflexion, pour comprendre pourquoi. C’en est presque caricatural. On m’assigne les deux louveteaux, et la garde de la femme. C’est une tâche comme une autre … et je ne me vois pas de menacer qui que ce soit. Pas si ça demande de parler en tout cas. Et de toute façon, je suis certaine que le patron apprécie beaucoup plus cela que moi. Je l’entends « discuter » avec le contrebandier, d’en bas … La femme pleure. Peut-être plus pour sa sécurité que son mari, quelque part. Je réalise que je lui tiens l’épaule peut-être un peu trop fermement … L’envie d’alléger ses souffrances disparaît cependant bien vite. J’ai un rictus en imaginant la tête du gros porc lorsqu’il verra son propre coffre-fort dans son jardin. Vu sa banlieue, je doute qu’on s’introduise chez lui pour le subtiliser … enfin. Finalement, un hurlement me fait brusquement relever la tête vers le toit. Un autre suit. Puis deux autres, un de chaque côté de ma tête, qui me tirent une grimace, ainsi qu’un petit cri de la part de la femme. C’est
très[i] désagréable. Je retiendrais la leçon … mais je finis par simplement soupirer. D’autres échos répondent, en ville. C’est comme un réflexe … que je ne partage pas avec eux. Comme beaucoup d’autres choses. J’ai un petit sourire. Lorsque le quatuor descend finalement du toit, je reprends la femme de Tatch dans mes bras, et bondit simplement du toit. Elle se crispe et me serre avec une force presque surprenante, vu ses bras maigrelets … mais elle me lâche sans hésiter, une fois à terre. Nous les laissons ici, à pleurer ensemble sur leur petite.

Nous, nous quittons Londres. Je m’en rends vite compte par l’absence de virages de notre trajectoire … et parce que je reconnais un peu là où nous allons. Lorsque nous quittons définitivement la cité, j’ai la surprise d’être dépassée par un loup de la taille d’une petite voiture. Puis d’un second. Les deux jeunes. Leur démarche quadrupède … je l’envierais presque. Mais courir sur les poings n’est pas aussi efficace, pour moi. Encore que vu ce que je me penche vers l’avant, on pourrait presque croire que je le fais déjà. Ils repèrent une proie. Je ralentis, continuant de m’approcher, mais plus pour observer que prendre part. Les deux louveteaux ont une motivation à toute épreuve, mais manquent clairement d’expérience : voir leurs aînés serrer pour eux la proie qu’ils pourchassent a un côté amusant. Lorsque Krieg jette l’animal, j’ai un mouvement de recul. Les deux jeunes fondent dessus avec une voracité infernale. Mon estomac se serre. Je me demande si c’est le dégoût. La peur. La pression … mais non. Je réalise trop tard. C’est la faim. Mais il ne reste  presque plus rien de l’animal, déjà.

Lorsque je surprends le regard de Krieg, un instant, je reste perplexe. Je ne comprends pas. Où va-t-il ? Lui non plus, ce spectacle n’a pas pu le dégoûter. Mais seul le silence me répond. Je soupire. Il a disparu dans la nuit. Quelques secondes encore s’écoulent. Puis, Blunt et Rémi abandonnent une carcasse particulièrement … brisée, et se remettent en chasse, humant l’air. Je les imite. Je trouve des traces avant eux. Le cerveau n’y est pour rien. Juste l’odorat. Je repars au galop. Ils me suivent par réflexe. Cette fois, je ne les laisse pas prendre la tête. Rien que pour le plaisir de voir à quel point je suis rapide. D’habitude, transformée, je suis seule. D’habitude, je dois me cacher, ne montrer à personne mon autre forme. Mon autre moi. Mais pas ce soir. L’odeur devient plus forte. Un rocher s’enfonce dans le sol quand mon pied tape dessus. J’accélère le pas. Cette fois, c’est un sanglier … Ou une sanglier ? Une portée le suit. Laie. C’est une laie. Une laie qui me charge lorsqu’elle me voit arriver. Je ne regrette pas d’avoir mes deux mains de libre. Je saisis ses défenses un instant avant qu’elle me percute. Le choc nous arrête toutes les deux. Mes jambes tremblent un peu. Je force subitement le corps massif à pivoter sur le côté, et la retourne sur le dos. Aucun prédateur qu’elle a affronté n’a jamais fait ça. Gigotant, quasi sans défense, elle ne peut qu’hurler quand je lui plonge les crocs dans la gorge. Sa mort est lente. Violente. Elle se bat jusqu’à son dernier souffle. Et j’ai du pelage et du sang entre les crocs. Mais je tiens bon. Et progressivement, elle meurt.

Un des autres loups, Blunt je crois, s’occupe des marcassins. Il gobe certain sans même les toucher de ses crocs. Semble le regretter quelques instants, vu son expression. Mais lorsqu’il a fini, il s’approche de moi. Je grogne. Il marque une pause. Puis s’approche un peu plus. Je relâche le sanglier de mes crocs pour frapper dessus avec le poing, faisant tressauter le cadavre, en poussant un cri. Il recule, cette fois. Puis, comprend qu’il n’aura pas sa part, et hume de nouveau l’air. Il part en quête d’une nouvelle proie. Pendant ce temps-là, à coups de dents, j’ouvre le cuir de la bête. La viande crue me glisse dans la gorge d’une façon qui me surprend moi-même. Je suppose que sous cette forme, j’ai un plus gros estomac. Je ne me suis jamais posé la question. Mais ce doit être vrai, vu ma voracité. Il me faut quelques minutes, mais je mange l’animal entier … toute seule. J’entends Rémi, Blunt et Alexey dans les alentours. Une fois mon repas fini, Alexey revient me voir. M’observe, en silence. Pas besoin de mots … je me suis assez nourrie, de mon côté. Je les laisse continuer leur chasse entre eux.

Au lieu de ça, je préfère m’inquiéter. Je dois être la seule du groupe à en être vraiment capable. Je suppose que Rémi et Blunt sont trop pris par « la bête » pour ça. Quant à Alexey … même humain, je le verrais mal faire ça. Mais je me demande où est le patron. Restant en chimère, je trottine à la vitesse d’un cheval en pleine course dans l’herbe fraiche, pistant son odeur. Ce n’est pas aussi facile que j’aurais pensé. Je quitte la lande en peu de temps … Et subitement, son odeur se fait plus forte, mais plus ténue. La piste se brouille. Il est partout … Il a ce genre de pouvoirs ? Et je réalise. Non. Non bien sûr. Mais je suis sur son territoire. Je parviens à distinguer un fragment de piste plus récent que l’odeur omniprésente qui m’entoure. J’avance plus lentement entre les arbres. Et lorsque j’arrive enfin à destination … Un instant, j’ai l’impression d’avoir bien fait de m’inquiéter.

Il n’est cependant pas mort. Son poitrail monte et descend. Il dort. Les loup-garou peuvent dormir, par nuit de pleine lune ? Je cligne des yeux, incrédule. Derrière lui se trouve une grotte. Profonde. Clairement, il ne s’est pas rendu ici par hasard. Je m’approche le plus doucement que je peux. Même lorsqu’il est paisible, son pelage semble aspirer toute lumière. Je frissonne à l’idée de le réveiller … comme une gosse. Une gosse coupable ne voulant pas être prise. Mais tant pis. Je m’assois à peut-être deux mètres. Sort mon calepin et mon fusain. Ecris une note. Déchire la feuille. La pose à terre. Me relève doucement. Et fait demi-tour. Il ne me faut que 3 minutes de marche pour avoir la certitude qu’il ne m’entendra plus, et partant de là, je cours à nouveau. Je retourne en ville. Je croise quelques chiens errants, mais ne m’en soucie pas. Bondit par-dessus une barrière. Passe entre de plus en plus de maisons. Puis, lorsque les rues redeviennent clairement celles de la capitale, et non de sa périphérie, je bondis pour me hisser sur un toit. De là, je parviens à retrouver plus ou moins vite l’endroit où le reste du groupe s’est transformé. J’y récupère mes bottes … Et laisse enfin la chimère se résorber. Retourner à un corps plus petit et plus frêle me fait me sentir étrange. Le manque de puissance dans les muscles me laisse une sensation de … vide. Je regrette presque de ne pas être retournée chasser. Mais au fond, ce n’est pas ce que je veux vraiment. Remettant de l’ordre dans ma tenue, jusqu’à avoir l’impression, en m’observant dans une flaque, que je peux vraiment avoir l’air d’une jeune fille de rue, je ressers mon écharpe autour de mon cou, et me met en route. David doit se sentir seul … transformé dans sa cave sans personne avec qui … … avec qui laisser l’animal en lui se défouler.

Red'Maw a écrit:

Krieg.
Merci pour la soirée. Et pour David. Mais surtout pour la soirée.
J’espère que ça ne vous dérange pas que je sois venue jusqu’ici. Et désolé pour Blunt. « Brave, mais un peu stupide » …
Je viendrais pour les prochaines pleines lunes. Et envoyez William dès que vous avez besoin de moi.


La mâchoire rouge... Pourquoi un tel nom ?:
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